Utilisateur:Leonard Fibonacci/Menahem l'Essénien

Menahem l'Essénien (en hébreu : מנחם, Menahem) était un juif Tanna (sage) vivant à l'époque du roi Hérode le Grand (37 - 4 av. J.-C.). En tant que zougot (litt « paires »), il est «jumelé» avec Hillel l'Ancien. Lorsque Menahem est « sorti » c'est Shammaï qui lui a succédé. Selon Flavius Josèphe, il aurait été en bon terme avec le roi de Judée, Hérode le Grand. En se fondant sur certaines mentions de la Mishna, plusieurs critiques estiment qu'il est devenu un de ses conseils ou de ses ministres. C'est peut-être à cette occasion qu'il est sorti du sanhédrin, mais il semble que certaines autorités pharisiennes ont considéré qu'il était « sorti » du judaïsme, voire qu'il avait été excommunié avec 160 de ses disciples, bien que tous les « sages » n'aient pas été d'accord à ce sujet.

Dans l'immense corpus de la littérature rabbinique Menahem est une figure exceptionnelle, car aucune loi ou déclaration attachée à son nom n'y est recensé.

Zoug avec Hillel modifier

Menahem était un Tanna de l'époque des Zougot. Il formait lui-même un zoug (paire) avec Hillel l'Ancien, et officiait probablement au av beit din (tribunal ou sanhédrin). La Mishna qui est le plus ancien recueil de la littérature talmudique[1] énumère cinq couples de guides religieux qui se succèdent, Hillel l'Ancien et Menahem sont les deux leaders actifs à l'époque d'Hérode[2],[3]. Toutefois, une liste des transmetteurs est donnée dans le traité Avot de la Mishna (1:10s), dans laquelle Shemaya et Abtalion précèdent immédiatement Hillel et Shammaï[4],[5]. Ils sont respectivement patriarche et président du Sanhédrin[6] (Nassi). Les fonctions attachés à ces titres sont peut-être anachroniques, « mais il faut reconnaître à ces personnages un rang social notable[6]. » Dans ce traité, le nom de Menahem est totalement absent[5]. Néanmoins, Menahem a probablement formé un zoug pendant un temps avec Hillel avant d'être remplacé par ShammaÏ.

Menahem « sortit » modifier

Plusieurs passages de la littérature rabbiniques disent que Menahem « sortit »[7], ce qui est compris soit comme la fin de sa fonction, soit comme une sortie du judaïsme (une apostasie ou une excommunication). C'est ce que rapporte la Mishnah du Talmud de Babylone (Hagigah, 16b). Il en est de même de celle du Talmud de Jérusalem qui indique « Menahem sortit, Shammaï entra[3], » ce qui signifie qu'il fut remplacé par Shammaï l'Ancien, qui forme selon le Pirkei Avot (1:10s) un zoug avec Hillel[4].

Dans le Talmud de Babylone, les Sages se disputent sur le sens à donner à la sortie de Menahem (Hagigah, 16b). Abaye soutient qu'« il est allé dans [les cours du diable][8] », c'est-à-dire qu'il apostasia, tandis que Rabba soutient qu'«il est allé au service du roi[8]». La Guemara cite une baraïta à l'appui de Rabba: Menahem sortit pour le service du roi, et avec lui sortirent 80 paires de disciples vêtus de soie (vêtus royalement)[8]. Le Talmud de Jérusalem apporte une interprétation supplémentaire: Menahem aurait accepté de jouer un rôle de ministre afin de pouvoir annuler des décrets contre l'étude de la Torah[9],[Note 1]. Le roi dont il est question dans ces passages est Hérode le Grand dont Menahem a été un ami d'enfance. Flavius Josèphe indique que Menahem était Essénien, qu'il avait rencontré Hérode enfant, et lui aurait prédit son règne bien qu'il ne soit pas d'ascendance royale[10],[11],[Note 2], raison pour laquelle Hérode était tolérant avec les Ésséniens, même si ceux-ci refusaient de lui prêter serment[12] (Antiquités judaïques, XV, X, 5). Une fois roi, Hérode se serait souvenu de la prédiction de Menahem et l'aurait appelé pour écouter ses conseils[13].

Le Talmud de Jérusalem s'interroge lui aussi sur la « sortie » de Menahem et demande : « Où alla-t-il en sortant[14] ? »
Réponse : « Selon les uns, il a adopté des mesures contraires à celles qu'il avait préconisées (il sortit de la bonne voie) ; selon d'autres, il dut partir contre son gré, avec 80 couples de condisciples, couverts de tirki d'or, ils avaient la face noircie comme des marmites, car ils leur avaient dit : "Inscrivez sur les cornes d'un taureau que vous n'avez pas de part au Dieu d'Israël"[14]. » Ce qui évoque clairement une excommunication[15].

« Menahem est une figure exceptionnelle dans la littérature rabbinique. [Ce vaste ensemble] ne recense aucune loi ou déclaration attachée à son nom[16]. » Pour un nombre important de critiques cela confirme que Menahem ne faisait pas partie des sages Pharisiens[5], dont les successeurs qui ont fini par dominer dans le judaïsme sont les rédacteurs de la Mishna et du Talmud[17]. Pour eux, il s'agit d'un élément supplémentaire qui montre que le Menahem des sources rabbiniques est l'Essénien dont parle Flavius Josèphe[5]. Toutefois selon le Talmud, « Hillel était d'accord avec Menahem. Menahem est parti, Shammaï est arrivé et ils n'ont plus été d'accord. » Pour Étienne Nodet, il s'agit d'une preuve supplémentaire que la halakha (voie) du « babylonien » Hillel était plus proche de celle des Esséniens que de celle du Pharisien Shammaï[18].

L'identification de Menahem de la Mishna avec l'essénien mentionné par Flavius Josèphe est en général acceptée[19],[18],[11],[20],[21],, mais elle est toutefois contestée par Mireille Hadas-Lebel qui estime que celle-ci ne repose que sur un nom[22].

Menahem, Messie de Qumran ? modifier

Israël Knohl traduit par « armure » le mot rare « tirki » que l'on trouve dans le passage du Talmud de Jérusalem qui décrit Menahem et ses « 80 couples de condisciples[14] » comme étant « couverts de tirki d'or[14]. » Pour lui, la scène de l'excommunication décrite se situe après la mort d'Hérode le Grand[15] (4 av. J.-C.) où trois « messies » royaux ont surgit pour revendiquer la succession royale et tenter de prendre le pouvoir avec leurs partisans, dont Judas le Galiléen[23]. Menahem aurait fait la même chose qu'eux et c'est pour cela que 160 de ses disciples portaient des vestes cuirassées étincelantes (dorées) lorsqu'ils ont été excommuniés par les sages pharisiens qui ont refusé de le reconnaître comme Messie[15]. Lors de la scène décrite « Menahem était à la tête d'un groupe militaire aux ambitions révolutionnaires[15]. » Pour Knohl, le personnage messianique qui est exalté dans certains hymnes retrouvés à Qumrân est Menahem[24]. C'est clairement un haut personnage essénien et Knohl retient comme datation de ces hymnes la période hérodienne[25]. Dans le premier hymne, ce personnage messianique parle à la première personne et s'interroge :

« [Qui] a été méprisé comme [moi ? Et qui][Note 3]
a été rejeté [des hommes] comme moi ? [Et qui] peut se comparer
à m[oi dans l'endurance du] mal ?
[...]
Qui est comme moi parmi les anges (elim) ?

Je suis le bien-aimé du roi, un compagnon des sa[ints][26],[27]. »

L'avant dernier vers est une référence à un verset de la Bible (Exode 15, 11) « Qui est comme moi parmi les dieux (elim)[28] ? ». Si l'usage de la première personne du singulier n'est pas une figure de style, « l'auteur emprunte la louange faite à Dieu dans la Bible pour s'auto-glorifier[28]. » Ici le mot elim se rapporte aux anges, mais les deux phrases sont graphiquement identiques[28]. Dans le contexte de cet hymne, le roi dont il dit être le « bien-aimé » est Dieu lui-même[29].

Cet hymne est connu dans une autre version qui contient notamment le passage suivant[29] :

« un trône de puissance dans l'angélique assemblée. Aucun roi jadis n'a siégé là.
Je siège [...] au ciel.

[...]
Je serai compté avec les anges, ma demeure est dans la sainte assemblée[29],[30]. »

Le personnage sujet des deux versions de cet hymne considère qu'il est de rang royal. Il se voit dans l'image du « serviteur souffrant » d'Isaïe 53, où le prophète prédit que « ce sont nos souffrances qu'il portait et nos douleurs dont il était chargé (Is 53, 4)[28] ». Mais en même temps il « se vante que nul parmi les anges ne peut se comparer à lui[28]. » « L'auteur ajoute qu'il est considéré comme l'un des leurs par les anges et qu'il demeure au sein de leur conseil[29]. » Il s'identifie ainsi aussi au Fils de l'Homme du Livre de Daniel, une identification qui est faite plusieurs fois au sujet de Jésus de Nazareth dans le Nouveau Testament et en particulier dans les Évangiles[31]. Dans la relation de la mort de Jacques le Juste faite par Hégésippe de Jérusalem, Jésus est décrit par Jacques, comme « Fils de l'Homme, assis au ciel à la droite de la Grande puissance[Note 4] (Dieu) et qui viendra sur les nuées du ciel[32]. » Ce qui est clairement une référence au Livre de Daniel[33]. La même référence est faite par saint Étienne au moment de son procès[33]. De même lors de sa crucifixion, Jésus est présenté comme le « serviteur souffrant » d'Isaïe. Cette combinaison d'attributs « est inconnue dans la littérature hébraïque[34]. » Pour Israël Knohl, « il est difficile de croire que quelqu'un a pu créer un personnage messianique aussi inhabituel[34]. » Pour lui, « il paraît évident que la voix de l'hymne est celle d'un leader de la secte de Qumrân, qui se voyait comme le Messie et était perçu comme tel par sa communauté[34]. »

Il n'y a qu'un seul autre personnage à qui ces attributs ont été décernés, c'est Jésus de Nazareth. Israël Knohl estime donc que Jésus s'est attribué ces caractéristiques en référence aux écrits qui avaient été appliqués à Menahem une génération avant la vie publique de Jésus[35]. Il conteste ainsi le point de vue des chercheurs, pour qui Jésus « n'a pas pu prévoir son rejet, sa mort et sa résurrection car « l'idée d'un messie ou Fils de l'Homme souffrant, mourant et ressuscitant était inconnue du judaïsme[36],[Note 5] ». [...] Ces éléments, disent [ces chercheurs] lui ont été attribués seulement après sa mort[24]. » Pour Israël Knohl, « Jésus s'est réellement perçu comme le Messie et [il] s'attendait vraiment, en tant que Messie, à être rejeté, tué et à ressusciter après trois jours, parce que c'était précisément ce que l'on croyait être arrivé à un leader messianique ayant vécu une génération avant Jésus[24]. » Pour lui, Menahem est le héros de ces hymnes et ce « Messie assassiné constitue le chaînon manquant qui nous permet de comprendre la manière dont le christianisme est issu du judaïsme[37]. »

D'après Knohl, « le prophète de Dieu » de l'Oracle d'Hystaspe qui sera vaincu, tué, laissé gisant sans sépulture, « mais après le troisième jour, il reviendra à la vie et, tandis que tous regarderont et se poseront des questions, il sera emporté au ciel[38] » est Menahem[39] qui aurait finalement été tué par les forces romaines après sa révolte et laissé exposé sans vie pendant trois jours[24], alors qu'aucune source ne parle de sa mort et que les auteurs chrétiens ont considérés que cet Oracle prophétisait au contraire la mort de Jésus, sa résurrection et son ascension telle qu'elle et décrite dans les Actes des Apôtres. Pour Israël Knohl, ce passage de l'Oracle d'Hystaspe a été écrit en prenant pour référence ce qui était arrivé à Menahem et c'est pour cela que les hymnes de Qumrân décrivaient ce Messie assassiné comme le « serviteur souffrant » d'Isaïe. La démonstration de son hypothèse passe aussi par un passage de l'Apocalypse de Jean. Israël Knohl

Shir ha Shirim Zuta modifier

« Autre interprétation : « Fuit mon bien-aimé (Cantique des cantiques 8, 14) », quand cela est-il arrivé ? À l'époque de Menahem et de Hillel, quand une dissenssion est survenue entre-eux et que Menahem est parti avec 800 étudiants qui étaient habillés en armure d'écailles dorées ; Hanin ben Matron vint, et Juda le frère de Menahem l'a frappé à mort. Éléazar et les étudiants ont surgi et ont tué Elhanan et l'ont mis en pièces. À ce moment les Romains sont venus et ont campé dans Jérusalem où ils ont souillé toutes les femmes. Éléazar et les étudiants sont survenus et ils ont repoussé les soldats dans leur camp ; sur ce, dissenssions et querelles ont éclaté à Jérusalem. [C'est en référence] à ce moment que le verset dit : « Fuit mon bien-aimé ». »

Dans le en:Shir ha-Shirim Zutta (en), un parallèle est établi entre le Menahem de l'époque de Hillel et Menahem le fils de Judas de Gamala en été 66 au début de la Grande révolte juive, peut-être pour tromper la censure. S. Lieberman a identifié Hanin ben Matron, Éléazar et Elanan. C'est Éléazar fils de Simon qui tue Ananus ben Ananus (Elhanan). Des événements rapportés par Flavius Josèphe dans le livre IV ? de la Guerre des Juifs (315-316).

Articles connexes modifier

Bibliographie modifier

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Selon Kaufmann Kohler écrivant pour la Jewish Encyclopedia (1901-1906), « Les deux traditions ont été confondues et apparaissent également sous deux autres formes: selon l'une d'elles, Menahem a été forcé de quitter l'école pharisaïque et on lui a dit avec ses quatre-vingts paires de disciples qu'il n'avait plus sa part dans le Dieu d'Israël ; selon l'autre, il passait d'un degré ("middah") à un autre jusqu'à devenir gnostique (hérétique?). » Kaufmann Kohler renvoie cependant à Heinrich Graetz, "Gesch." iii. 213. cf. Kaufmann Kohler, Menachem the Essene in Jewish Encyclopedia, 1901-1906
  2. « 5. Il y avait parmi les Esséniens un certain Manahem, d'une honnêteté éprouvée dans la conduite de sa vie, et qui tenait de Dieu le don de prévoir l'avenir. Un jour qu'Hérode, alors enfant, allait à l'école, cet homme le regarda attentivement et le salua du titre de roi des Juifs. Hérode crut que c'était ignorance ou moquerie et lui rappela qu'il n'était qu'un simple particulier. Mais Manahem sourit tranquillement en lui tapant les fesses : « Tu seras pourtant roi, lui dit-il, et tu régneras heureusement, car Dieu t'en a jugé digne. Et souviens-toi des coups de Manahem, et que ce soit pour toi comme un symbole des revirements de la fortune. [375] Ce te serait, en effet, un excellent sujet de réflexions, si tu aimais la justice, la piété envers Dieu, l'équité à l'égard des citoyens ; mais, moi qui sais tout, je sais que tu ne seras pas tel. [376] Tu seras heureux comme personne ne l'a été, tu acquerras une gloire immortelle, mais tu oublieras la piété et la justice, et cet oubli ne saurait échapper à Dieu ; sa colère s'en souviendra à la fin de ta vie. » [377] Sur le moment Hérode ne fit pas grande attention à ces prédictions, n'ayant aucun espoir de les voir se réaliser ; mais quand il se fut élevé peu à peu jusqu'au trône et à la prospérité, dans tout l'éclat du pouvoir, il fit venir Manahem et l'interrogea sur la durée de son règne.[378]  Manahem ne lui en dit pas le total ; comme il se taisait, Hérode lui demanda s'il régnerait dix ans. Manahem répondit oui, et même vingt, et trente, mais n'assigna aucune date à l'échéance finale. Hérode se déclara cependant satisfait, renvoya Manahem après lui avoir donné la main, et depuis ce temps honora particulièrement tous les Esséniens. [379] J'ai pensé que, quelque invraisemblance qu'il y ait dans ce récit, je devais le faire à mes lecteurs et rendre ce témoignage public à mes compatriotes, car nombre d'hommes de cette espèce doivent au privilège de leur vertu d'être honorés de la connaissance des choses divines. », Flavius Josèphe, Antiquités judaïques, XV, X, 5.
  3. Les mots entre crochets suppléent aux manques du manuscrit endommagé.
  4. La formule « la Grande puissance » pour désigner Dieu, permet de le désigner sans prononcer son nom. Ce qui était clairement un tabou dans le judaïsme de l'époque. Jacques le Juste parle ici en présence du grand prêtre et il est possible que prononcer le nom de Dieu en sa présence ait été passible de mort.
  5. Voir aussi ce que dit Geza Vermes, Jesus the Jews, Philadelphie, 1981, p. 38 : « Ni la souffrance du Messie, ni sa mort, ni sa résurrection ne semblent avoir appartenu à la foi judaïque du Ier siècle. » [Jésus le Juif, Paris, Desclée, 1978.] Note no 6 de Knohl 2001, p. 152.

Références modifier

  1. Mimouni 2012, p. 145.
  2. Knohl 2001, p. 90.
  3. a et b Talmud de Jérusalem, Haguiga, 2:2.
  4. a et b Nodet et Taylor 1998, p. 133.
  5. a b c et d Knohl 2001, p. 91.
  6. a et b Nodet et Taylor 1998, p. 133.
  7. Kaufmann Kohler, Menachem the Essene in Jewish Encyclopedia, 1901-1906.
  8. a b et c Talmud de Babylone, Haguiga, 16b.
  9. Talmud de Jérusalem, Haguiga, 2:2.
  10. Heinrich Graetz, Histoire des Juifs, F. V. Édition, p. 488.
  11. a et b Victor Malka, Les Sages du judaïsme. Vie et enseignements, Le Seuil, 2003, p. 23.
  12. Knohl 2001, p. 84-86.
  13. Flavius Josèphe, Antiquités judaïques, livre 15, chapitre 10, §5.
  14. a b c et d Talmud de Jérusalem, Haguiga, 2:2 (77b) ; cité par Knohl 2001, p. 91.
  15. a b c et d Knohl 2001, p. 92.
  16. Knohl 2001, p. 90-91.
  17. Mimouni 2012, p. 146.
  18. a et b Nodet et Taylor 1998, p. 137.
  19. Frédéric Manns, Les enfants de Rébecca: judaïsme et christianisme aux premiers siècles de notre ère, Médiaspaul, 2002, p. 78.
  20. Knohl 2001, p. 90-91 et passim
  21. Dan Jaffé, Jésus sous la plume des historiens juifs du XXe siècle: approche historique, perspectives historiographiques, analyses méthodologiques, Cerf, 2009, p. 204.
  22. Hadas-Lebel 2013, p. 35.
  23. Mimouni 2012, p. 435.
  24. a b c et d Knohl 2001, p. 17.
  25. Knohl 2001, p. 46.
  26. Extrait de l'hymne no 1 du Rouleau des hymnes, cité par Knohl 2001, p. 31-32.
  27. Manuscrits de la mer Morte, 4QHe ; 4QHa, fragment 7 ; 1QHa, col 26 ; cf. Knohl 2001, p. 113.
  28. a b c d et e Knohl 2001, p. 33.
  29. a b c et d Knohl 2001, p. 34.
  30. Manuscrits de la mer Morte, 4Q491, fragment 11, col 1 ; cf. Knohl 2001, p. 113.
  31. Ruspoli 2005, p. 68-69.
  32. Hégésippe de Jérusalem, cité par Bernheim 2003, p. 333.
  33. a et b Eisenman 2012 vol. II, passim.
  34. a b et c Knohl 2001, p. 37.
  35. Knohl 2001, p. 16.
  36. Rudolf Bultmann, Theology of the New Testament: Complete in One Volume, Prentice Hall, 1970, p. 31.
  37. Knohl 2001, p. 18.
  38. Oracle d'Hystaspe cité par Lactance, Institutions divines, 7, 17, 1-2, cité par Knohl 2001, p. 62.
  39. Knohl 2001, p. 62-79.

Antiquités judaïques XV modifier

1. Les fils d'Hérode à Rome. Il reçoit la province affermée à Zénodore et réduit les brigands de la Trachonitide modifier

[342] 1. A ce moment, alors que Sébaste était déjà bâtie, Hérode résolut d'envoyer à Rome ses fils Alexandre et Aristobule, pour être présentés à César (24 ou 23 av. J-C)[99]. [343] A leur arrivée ils descendirent chez Pollion, l'un de ceux qui témoignaient le plus d'empressement pour l'amitié d'Hérode, et ils reçurent la permission de demeurer même chez César. Celui-ci, en effet, reçut avec beaucoup de bonté les jeunes gens ; il autorisa Hérode à transmettre la royauté à celui de ses fils qu'il choisirait et lui fit don de nouveaux territoires, la Trachonitide, la Batanée et l'Auranitide ; voici quelle fut l'occasion de ces largesses (La donation eut lieu (Guerre) après la « première période actiaque » (période de célébration des jeux actiaques) c'est-à-dire après septembre 24 av. J.-C.)[100]. [344] Un certain Zénodore avait affermé les biens de Lysanias (Lysanias, fils de Ptolémée, prince de Chalcis, fils de Mennaios, avait été mis à mort par Antoine en -34 (supra, iv, 1). Ce sont ses états, devenus vacants, que le gouvernement romain avait baillés à ferme à Zénodore. L'origine de ce dernier est inconnue. Sur une inscription mutilée d'Héliopolis (Renan, Mission de Phénicie, 317) il est désigné comme fils de Lysanias)[101]. Trouvant ses revenus insuffisants, il les augmenta par des nids de brigands qu'il entretint dans la Trachonitide. Ce pays était, en effet, habité par des hommes sans aveu, qui mettaient au pillage le territoire des habitants de Damas ; et Zénodore, loin de les en empêcher, prenait sa part de leur butin. [345] Les populations voisines, maltraitées, se plaignirent à Varron, qui était alors gouverneur [de Syrie] et lui demandèrent d'écrire à César les méfaits de Zénodore. César, au reçu de ces plaintes, lui manda d'exterminer les nids de brigands et de donner le territoire à Hérode, dont la surveillance empêcherait les habitants de la Trachonitide d'importuner leurs voisins. Il n'était pas facile d'y parvenir, le brigandage étant entré dans leurs mœurs et devenu leur seul moyen d'existence ; ils n'avaient, en effet, ni villes ni champs, mais simplement des retraites souterraines et des cavernes qu'ils habitaient avec leurs troupeaux. [346] Ils avaient su amasser des approvisionnements d'eau et de vivres qui leur permettaient de résister longtemps en se cachant. [347] Les entrées de leurs retraites étaient étroites et ne livraient passage qu'à un homme à la fois, mais l'intérieur était de dimensions incroyables et aménagé en proportion de sa largeur. Le sol au-dessus de ces habitations n'était nullement surélevé, mais se trouvait au niveau de la plaine : cependant il était parsemé de rochers d'accès rude et difficile, pour quiconque n'avait pas un guide capable de lui montrer le chemin ; car les sentiers n'étaient pas directs et faisaient de nombreux détours. [348] Quand ces brigands se trouvaient dans l'impossibilité de nuire aux populations voisines, ils s'attaquaient les uns les autres, si bien qu'il n'était sorte de méfait qu'ils n'eussent commis. Hérode accepta de César le don qu'il lui faisait ; il partit pour cette région et, conduit par des guides expérimentés, il obligea les brigands à cesser leurs déprédations et rendit aux habitants d'alentour la tranquillité et la paix.

2. Sa visite à Agrippa. Intrigues des Arabes modifier

[349] 2. Zénodore, irrité en premier lieu de se voir enlever son gouvernement (En effet, le don de César comprenait les 3 provinces de Lysanias (supra, x, 1 ; Guerre, I, xx, 4) et non pas simplement la Trachonitide)[102], et plus encore jaloux de le voir passer aux mains d'Hérode, vint à Rome pour porter plainte contre celui-ci. Il dut revenir sans avoir obtenu satisfaction. [350] A cette époque Agrippa fut envoyé comme lieutenant de César dans les provinces situées au delà de la mer Ionienne (23 av. J.-C. La visite d'Hérode à Mytilène se place probablement en -22)[103]. Hérode, qui était son ami intime et son familier, alla le voir à Mytilène, où il passait l'hiver (hiver -23 ; -22?), puis revint en Judée. [351] Quelques habitants de Gadara vinrent l'accuser devant Agrippa, qui, sans même leur donner de réponse, les envoya enchaînés au roi. En même temps les Arabes, depuis longtemps mal disposés pour la domination d'Hérode, s’agitèrent et essayèrent de se soulever contre lui, avec d'assez bonnes raisons, semble-t-il : [352] car Zénodore, qui désespérait déjà de ses propres affaires, leur avait antérieurement vendu pour cinquante talents une partie de ses états, l'Auranitide. Ce territoire étant compris dans le don fait par César à Hérode, les Arabes prétendaient en être injustement dépossédés et créaient à ce dernier des difficultés, tantôt faisant des incursions et voulant employer la force, tantôt faisant mine d’aller en justice. [353] Ils cherchaient à gagner les soldats pauvres et mécontents, nourrissant des espérances et des rêves de révolution, auxquels se complaisent toujours les malheureux[104]. Hérode, qui depuis longtemps connaissait ces menées, ne voulut cependant pas user de violence ; il essaya de calmer les mécontents par le raisonnement, désireux de ne pas fournir un prétexte à des troubles.

3. Auguste en Syrie. Plaintes des Gadaréniens. Hérode reçoit la tétrarchie de Zénodore. Temple de Panion modifier

[354] 3[105]. Il y avait déjà dix-sept ans qu’Hérode régnait lorsque César (Octave - Auguste) vint en Syrie (20 av. J.-C. (Dion, LIV, 7))[106]. A cette occasion la plupart des habitants de Gadara firent de grandes plaintes contre Hérode, dont ils trouvaient l'autorité dure et tyrannique. [355] Ils étaient enhardis dans cette attitude par Zénodore, qui les excitait, calomniait Hérode et jurait qu'il n'aurait de cesse qu'il ne les eût soustraits à sa domination pour les placer sous les ordres directs de César. [356] Convaincus par ces propos, les habitants de Gadara firent entendre de vives récriminations, enhardis par ce fait que leurs envoyés, livrés par Agrippa, n'avaient même pas été châtiés : Hérode les avait relâchés sans leur faire de mal, car, si nul ne fut plus inflexible pour les fautes des siens, il savait généreusement pardonner celles des étrangers. [357] Accusé de violence, de pillage, de destruction de temples, Hérode, sans se laisser émouvoir, était prêt à se justifier ; César lui fit, d'ailleurs, le meilleur accueil et ne lui enleva rien de sa bienveillance, malgré l'agitation de la foule. [358] Le premier jour il fut question de ces griefs, mais les jours suivants l'enquête ne fut pas poussée plus loin : les envoyés de Gadara, en effet, voyant de quel côté inclinaient César lui-même et le tribunal et prévoyant qu’ils allaient être, selon toute vraisemblance, livrés au roi, se suicidèrent, dans la crainte des mauvais traitements ; les uns s'égorgèrent pendant la nuit, d'autres se précipitèrent d'une hauteur, d'autres enfin se jetèrent dans le fleuve. [359] On vit là un aveu de leur impudence et de leur culpabilité, et César acquitta Hérode sans plus ample informé. Une nouvelle et importante aubaine vint mettre le comble à tous ces succès : Zénodore, à la suite d'une déchirure de l'intestin et d'hémorragies abondantes qui en résultèrent, mourut à Antioche de Syrie. [360] César attribua a Hérode sa succession assez considérable, qui comprenait les territoires situés entre la Trachonitide et la Galilée, Oulatha, le canton de Panion et toute la région environnante[107].
[Oulatha était près du lac Houleb, la Panias est sur le haut Jourdain. Ces territoires constituaient le domaine héréditaire de Zénodore (Ζηνοδώρου τετραχίαν, Dion, LIV, 9), qui sur ses monnaies prend le titre de Ζηνοδώρου τετράρχου καὶ ἀρχιερέως (Tétrarque et archiéréos). Ils sont distincts, malgré les doutes de Schürer (I3, 715), des territoires de Lysanias, pris à ferme par Zénodore. La date 87 inscrite sur les monnaies (Wroth, Galatia, etc., p. 281) indique une ère commençant vers 115 av. J.-C. : c'est l'époque où ces territoires auront secoué le joug des Séleucides.]

Il décida, en outre, de l'associer à l'autorité des procurateurs de Syrie[108], auxquels il enjoignît de ne rien faire sans prendre l'avis d'Hérode. [361] En un mot, le bonheur d'Hérode en vint à ce point que des deux hommes qui gouvernaient l'empire si considérable des Romains, César, et, après lui, fort de son affection, Agrippa, l'un, César, n'eut pour personne, sauf Agrippa, autant d'attention que pour Hérode, l'autre, Agrippa, donna à Hérode la première place dans son amitié, après César[109]. [362] Profitant de la confiance dont il jouissait, Hérode demanda à César une tétrarchie pour son frère Phéroras, auquel il attribua sur les revenus de son propre royaume une somme de cent talents ; il désirait, s'il venait lui-même à disparaître, que Phéroras pût jouir paisiblement de son bien, sans se trouver à la merci de ses neveux ((Guerre, I, xxiv, 5) ; la tétrarchie de Phéroras comprenait la Pérée ou une partie de cette région (ibid., xxx, 3))[110]. [363] Après avoir accompagné César jusqu'à la mer, Hérode, à son retour, lui éleva sur les terres de Zénodore un temple magnifique en marbre blanc, près du lieu qu'on appelle Panion. [364] Il y a en cet endroit de la montagne une grotte charmante, au-dessous de laquelle s'ouvrent un précipice et un gouffre inaccessible, plein d'eau dormante ; au-dessus se dresse une haute montagne (le Mont Hermon, 2 860 mètres) : c'est dans cette grotte que le Jourdain prend sa source. Hérode voulut ajouter à cet admirable site l'ornement d'un temple, qu'il dédia à César (temple figuré sur les monnaies du tétrarque Philippe, fils d'Hérode)[111].

4. Système de gouvernement d'Hérode. Les Pharisiens refusent le serment modifier

[365] 4. C'est alors aussi qu'il remit à ses sujets le tiers des impôts, sous prétexte de leur permettre de se relever des pertes qu'ils avaient éprouvées par la disette, en réalité pour se concilier les mécontents ; car beaucoup supportaient impatiemment l'introduction définitive de nouvelles habitudes, où ils voyaient la ruine de la piété et la décadence des mœurs ; et c'était là l'objet de toutes les conversations du peuple, en proie à l'irritation et au trouble. [366] Hérode surveillait fort cet état d'esprit : il supprimait toutes les occasions possibles d'agitation, obligeant les habitants à toujours être à leur travail, interdisant toute réunion aux citadins, les promenades et les festins communs ; leurs moindres gestes étaient épiés. Quiconque se laissait prendre en faute était sévèrement puni ; nombre de personnes, arrêtées en public ou secrètement, étaient conduites à la forteresse Hyrcania et mises à mort ; dans la ville, sur les routes, des hommes apostés surveillaient tous les rassemblements. [367] Hérode lui-même, dit-on, ne dédaignait pas de jouer ce rôle ; souvent, vêtu comme un simple particulier, il se mêlait, la nuit venue, aux groupes pour surprendre les appréciations sur le gouvernement. [368] Ceux qui restaient des adversaires résolus des mœurs nouvelles étaient impitoyablement pourchassés par tous les moyens ; quant aux autres, il espéra les amener à la fidélité en leur faisant prêter serment et il les contraignit à s'engager solennellement à lui conserver, comme à leur souverain, leur dévouement ainsi juré. [369] La plupart, par servilité et par crainte, se plièrent à ses exigences ; pour ceux qui montraient quelque fierté et s'indignaient contre cette contrainte, il s'en débarrassait à tout prix. [370] Il voulut amener Pollion le Pharisien et Samaias (Schemaya), ainsi que la plupart de ceux de leur école, à prêter serment mais ils n'y consentirent pas et cependant ne furent pas châtiés comme les autres récalcitrants, car Hérode se montra indulgent pour eux, en considération de Pollion[112](Pour Pollion et Saméas (Abtalion ? et Schemaya) cf. supra, i, 1.). [371] Furent également exemptés de cette obligation ceux qu'on appelle chez nous Esséens : c'est une secte qui mène une vie conforme aux préceptes qu'enseigna Pythagore chez les Grecs. [372] Je parlerai d'eux ailleurs avec plus de détails[113], mais il est bon de dire pour quelle raison il les tenait en haute estime et leur témoignait plus de considération que n'en mériteraient de simples mortels ; cette explication ne paraîtra pas déplacée dans un livre d'histoire et fera comprendre l'opinion qu’on avait sur leur compte.

5. Son attitude envers les Esséniens ; prédiction de Manahem modifier

[373] 5. Il y avait parmi les Esséniens un certain Manahem, d'une honnêteté éprouvée dans la conduite de sa vie, et qui tenait de Dieu le don de prévoir l'avenir. Un jour qu'Hérode, alors enfant, allait à l'école, cet homme le regarda attentivement et le salua du titre de roi des Juifs. [374] Hérode crut que c'était ignorance ou moquerie et lui rappela qu'il n'était qu'un simple particulier. Mais Manahem sourit tranquillement et lui donnant une tape familière[114] : « Tu seras pourtant roi, lui dit-il, et tu régneras heureusement, car Dieu t'en a jugé digne. Et souviens-toi des coups de Manahem, et que ce soit pour toi comme un symbole des revirements de la fortune. [375] Ce te serait, en effet, un excellent sujet de réflexions, si tu aimais la justice, la piété envers Dieu, l'équité à l'égard des citoyens ; mais, moi qui sais tout, je sais que tu ne seras pas tel. [376] Tu seras heureux comme personne ne l'a été, tu acquerras une gloire immortelle, mais tu oublieras la piété et la justice, et cet oubli ne saurait échapper à Dieu ; sa colère s'en souviendra à la fin de ta vie. » [377] Sur le moment Hérode ne fit pas grande attention à ces prédictions, n'ayant aucun espoir de les voir se réaliser ; mais quand il se fut élevé peu à peu jusqu'au trône et à la prospérité, dans tout l'éclat du pouvoir, il fit venir Manahem et l'interrogea sur la durée de son règne.[378]  Manahem ne lui en dit pas le total ; comme il se taisait, Hérode lui demanda s'il régnerait dix ans. Manahem répondit oui, et même vingt, et trente, mais n'assigna aucune date à l'échéance finale. Hérode se déclara cependant satisfait, renvoya Manahem après lui avoir donné la main, et depuis ce temps honora particulièrement tous les Esséniens. [379] J'ai pensé que, quelque invraisemblance qu'il y ait dans ce récit, je devais le faire à mes lecteurs et rendre ce témoignage public à mes compatriotes, car nombre d'hommes de cette espèce doivent au privilège de leur vertu d'être honorés de la connaissance des choses divines[115].