Utilisateur:Leonard Fibonacci/Aulus Pudens

Aulus Pudens était originaire d'Ombrie et un centurion dans l'armée romaine à la fin du Ier siècle. Il était un ami du poète Martial, qui lui a adressé plusieurs de ses Épigrammes. Il a été identifié avec saint Pudens par certains critiques, un chrétien romain de l'époque apostolique (Ier siècle).

Il est probable que ce soit lui qui est mentionné sur l'inscription de Chichester. Martial a écrit au sujet du mariage de Pudens avec « Claudia Peregrina » (Claudia l'Étrangère) dans son Épigramme (IV: 13), qui est probablement identifiable à Claudia Rufina, une Britannique ainsi qu'il l'écrit dans ses Épigrammes (XI: 53). C'était vraisemblablement la fille du roi Cogidubnus (CIL VII, 17). Martial décrit aussi les passions de Pudens pour les jeunes esclaves mâles, son désir de posséder des copies originales des poèmes de Martial, et son ambition d'être promu Primus Pilus, le centurion chef d'une légion romaine. Dans un poème (Épigrammes VI: 58), il raconte un de ses cauchemars dans lequel Pudens avait été tué en opération en Dacie[1].

L'inscription de Chichester modifier

La capitale de Tiberius Claudius Cogidubnus est supposée être Noviomagus (actuelle Chichester) où se trouve l'une de ses inscriptions le mentionnant ainsi qu'un certain Pudens[2]. L'inscription « ...ente Pudentini Fil » peut probablement se compléter en « Pudente Pudentini Fil » (Pudente fils de Pudentini) quoique les critiques qui doutent de son identification font remarquer que cela pourrait aussi être « Clemente fils de Pudentini » :

 
L'inscription de Chichester
[N]EPTVNO·ET·MINERVAE

TEMPLVM
[PR]O·SALVTE·DO[MVS]·DIVINA[E]
[EX]·AVCTORITAT[E·TI]·CLAVD·
[CO]GIDVBNI·R[EG·MA]GNI·BRIT·[3]
[COLE]GIVM·FABROR·ET[·Q]VI·IN·E[O]
[SVNT]·D·S·D·DONANTE·APEAM
[...]ENTE PVDENTINI·FIL

N]eptuno et Minervae | Templum | pr]o salute do[mus] divinae | ex] auctorita[te Ti.] Claud. | Co]gidubni Reg(is) Magni Brit(anniae). | Colle]gium fabror. et qui in e[o | sunt] D.S.D. donante aream Pud]ente Pudentini Fil.

Il s'agit d'un autel à Neptune et Minerve pour le salut de la Maison Impériale, et dont la construction fut ordonnée par Cogidubnos et réalisée par le collège des fabri.

Identification à saint Pudens modifier

On ne sait s'il s'agit de l'héritage d'une tradition ancienne, mais l'hypothèse que Pudens et sa femme Claudia puisse être identifiés avec les Claudia et Pudens mentionnés par l'apôtre Paul de Tarse dans sa Deuxième épître à Timothée[4] (Nouveau Testament) a été faite depuis longtemps. Dans un article de la Britannia de 1586, William Camden proposait déjà cette identification, citant les travaux antérieurs de Jean Bale et Matthew Parker[5]. Un contemporain de Camden, l'historien du Vatican Caesar Baronius, est parvenu à la même conclusion dans ses Annales Ecclesiastici (en)[6], et il a été suivi par les historiens de l'époque tels que James Ussher[7] au XVIIe siècle et John Williams (en)[8] au XIXe siècle. Les Constitutions apostoliques rapportent que l'évêque Clément de Rome a été nommé par l'apôtre Pierre après que l'évêque « Linus, fils de Claudia » qui avait été ordonné par Paul soit mort[9],[10]. Cette partie des Constitutions apostoliques est datée du IIe siècle. D'autres textes chrétiens plus tardif disent que Linus était le fils de Claudia et qu'elle était la femme du sénateur Pudens chez qui a logé l'apôtre Pierre lorsqu'il se trouvait à Rome. L'hypothèse que les Pudens et Claudia de la tradition chrétienne puissent être les mêmes que Aulus Pudens et sa femme Claudia Rufina peut donc être soutenue. Ce serait ce saint Pudens qui aurait été un sénateur Romain qui aurait hébergé l'apôtre Pierre lors d'un de ses séjours à Rome. Sa demeure à Rome serait devenue une des premières églises domestiques de la ville et ce serait elle qui aurait donné naissance au titulus Pudentis qui était aussi connu comme ecclesia Pudentiana[11]. Un titulus atteste d'une église des premiers temps du christianisme à Rome. Il s'agissait d'un édifice privé transformé en lieu de culte avec le pouvoir d'administrer les sacrements. Les actes du synode du pape Symmaque (499) mentionne son existence comme très ancienne église.

Cependant, la coïncidence des noms est insuffisante pour faire une telle identification. En effet, le nom Claudia a été porté par chaque membre féminin de la gens Claudia, qui était une importante famille de l'aristocratie romaine[12], et le nom Pudens n'était pas un cognomen rare[13]. Pour certains critiques, en dehors de cette coïncidence et du rang sénatorial des deux Pudens, il n'y a aucune preuve d'un lien entre les Claudia et Pudens mentionnés par Martial et les Claudia et Pudens de la deuxième épître à Timothée. Ils soulignent l'existence d'un Titus Claudius Pudens, mari de Claudia Quintilla. Ce couple a perdu un fils en bas âge qui a été immortalisé sur une inscription trouvée sur la route entre Rome et Ostie (CIL VI.15,066). Mais il n'est pas tout à fait exact qu'il n'y ait que cette correspondance avec les noms Claudia et Pudens. Pour les tenants de cette identification, la coïncidence des noms ne concerne pas seulement Pudens et Claudia, mais aussi Linus. De plus, aussi bien Martial, que le Liber pontificalis, que les chroniques de l'Historia Brittonum, ainsi que les auteurs antiques qui ont écrit à ce sujet font un lien entre ces personnages et une branche royale précise des rois de Britannia, ce qui donne une force supplémentaire à l'inscription de Chichester. Il est généralement admis que Claudia Rufina des Épigrammes de Martial était la fille du roi Cogidubnus (CIL VII, 17), mentionné dans l'inscription sous son tria-nomina, Tiberius Claudius Cogidubnus et vraisemblablement lié avec un Pudens fils de Pudentini.

Dans son De Excidio et Conquestu Britanniae, l'une des sources majeures pour l'histoire antique de la Grande-Bretagne, Gildas le Sage (mort en 570) mentionne le Roi Lucius, qui serait le premier roi de Britannia à avoir été baptisé. Il en est de même de Nennius dans sa version de l'Historia Brittonum[14]. Bède le Vénérable reprend ces informations dans son Histoire ecclésiastique du peuple anglais (I, 22[15]) et cite abondamment le sermon de Gildas. Une source chrétienne aussi officielle que le Liber Pontificalis compilé à Rome donne aussi cette information. Au milieu du IIe siècle, Lucius aurait envoyé une délégation à Rome pour demander que des missionnaires chrétiens viennent en Britannia pour évangéliser son royaume. En Gallois, ce roi Lucius est plus connu sous le nom de Lleirwg, Llewer Mawr. Or Llewer Mawr est un descendant de Caractacus dont l'histoire est brièvement racontée par Dion Cassius[16]. Au moment de la conquête de la Britania par les Romains en 43, Caractacus a été envoyé en otage à Rome. Selon les sources en Gallois, il aurait été accompagné de son fils Cyllinus, et à Rome, tous deux se seraient convertis au "christianisme" de l'époque. Selon ces sources, qualifiées d'hagiographiques par leurs détracteurs, Cyllinus aurait été le premier évêque de Rome sous le nom de Linus, directement nommé par l'apôtre Simon-Pierre ou par Paul de Tarse, ce qui est compatible avec ce que disent les Constitutions apostoliques. S'il est un descendant de l'évêque de Rome appelé Linus, il est donc logique qu'il ait été chrétien et qu'il ait demandé que son pays soit évangélisé. Il aurait été élégamment tatoué avec du woard bleu. Ce qui était aussi le cas de Claudia Perugina, donnée comme « issue des Bretons bleus » par le poète Martial. Si Pudens et Claudia sont des grands amis de Martial, ses épigrammes parlent aussi d'un Linus avec lequel il a très peu d'affinité. Bien qu'il ne donne pas le nom de ses parents, rien ne s'oppose à ce que le Linus mentionné par Martial soit le fils de Claudia. Des sources totalement indépendantes en trois langues différentes, appartenant à des genres littéraires complètement différents (chroniques chrétiennes, constitutions apostoliques, vies de martyr, poésies de Martial, chroniques galloises, lettre de Paul, inscription épigraphique de Chichester) donnent donc des indications extraordinairement convergentes.

Notes et références modifier

  1. Martial, Epigrams, ed. & trans. D. R. Shackleton Bailey, Harvard University Press, 1993.
  2. Roman Inscriptions of Britain, 92 - CIL VII, 11.
  3. La cinquième ligne de l'inscription était autrefois restituée ainsi R[·LEGAT·AV]G·IN·BRIT ("roi et légat en Bretagne"), mais cela est désormais considéré comme une lecture erronée.
  4. Nouveau Testament, Deuxième épître à Timothée, 4:21 ; Paul de Tarse salue « Eubulus, Pudens, Linus, Claudia, et tous les frères » (traduction Bible de Jérusalem).
  5. William Camden, Britannia, Chapter "Romans in Britaine" § 54.
  6. Caesar Baronius, Annales Ecclesiastici, Block VII, Sec 56, p 64; Blocks IV and V, pp 111-112; Blocks I & II, pp. 148,150; Block VI. p 228 {pagination based upon 1614 Edition of Annales Ecclesiastici.
  7. James Ussher, Britannicarum Ecclesiarum Antiquitates. Dublin, 1639; p. 10-12
  8. John Williams, Claudia and Pudens, 1848.
  9. Constitutions apostoliques, (en) livre VII, 46, 6.
  10. (en) William Smith, Dictionary of Greek and Roman Biography and Mythology Vol 1, p. 761-762.
  11. (en) « Praxedes and Pudentia », Catholic Encyclopedia (consulté le ).
  12. William Smith, Dictionary of Greek and Roman Biography and Mythology Vol 1, p. 761-762.
  13. William Smith, Dictionary of Greek and Roman Biography and Mythology Vol 3 p. 602.
  14. Voir The Irish Version of the Historia Britonum of Nennius, p. 63 ou The "Historia Brittonum" de Nennius, Mark the Anchorite, Bill Gunn, p. 13.
  15. « scelerum facta, quæ historicus eorum Gildus [sic] flebili sermone describit »), et il est également cité par lui dans cet ouvrage (cf. sur la bataille du Mont Badon : « nunc cives nunc hostes vincebant usque ad annum obsessionis Badonici montis... » [texte de Gildas, § 26] devenant chez Bède, Hist. Angl., I, 16 « ex eo tempore nunc cives nunc hostes vincebant usque ad annum obsessionis Badonici montis... »).
  16. Selon Dion Cassius (livre LX), « (Aulus) Plautius [...] vainquit d'abord Cataratacus, et puis Togodumnus, tous deux fils de Cynobellinus, car Cynobellinus lui-même était mort. Leur fuite lui procura la soumission d'une partie des Boduni qui obéissaient aux Catuellani (cf.) Dion Cassius, HISTOIRE ROMAINE, livre LX ».