Utilisateur:ChocapikRG/Brouillon

Manifestation Anti-Nucléaire le 9 septembre 2011 devant le Temple Meiji de Tokyo.

Histoire et origine

modifier

Longtemps l'un des acteurs les plus engagés au monde de l'énergie nucléaire civile, l'industrie nucléaire japonaise n'a pas été aussi durement touchée par les effets de l'accident de Three Mile Island en 1979 (États-Unis) ou de la catastrophe de Tchernobyl en 1986 (URSS) que certains autres pays. La construction de nouvelles centrales est restée forte tout au long des années 1980 et dans les années 1990. Cependant, à partir du milieu des années 1990, plusieurs accidents liés au nucléaire ont eu lieu au Japon et certains ont été dissimulés, ce qui a érodé la perception de l'industrie par le public, entraînant des protestations et une résistance aux nouvelles centrales. Parmi ces accidents, citons l'accident nucléaire de Tokaimura, l'explosion de vapeur de Mihama, les dissimulations après les accidents du réacteur de Monju et l'arrêt de 21 mois de la centrale nucléaire de Kashiwazaki-Kariwa à la suite d'un tremblement de terre en 2007. En raison de ces événements, l'industrie nucléaire japonaise a été examinée de près par le grand public du pays.[1]

L'impact négatif de la catastrophe nucléaire de Fukushima Daiichi en 2011 a changé les attitudes au Japon. Les experts en politique et en énergie décrivent "rien de moins qu'une perte de confiance à l'échelle nationale, non seulement dans la technologie nucléaire japonaise autrefois vantée, mais aussi dans le gouvernement, que beaucoup accusent d'avoir laissé l'accident se produire".[2] Soixante mille personnes ont défilé dans le centre de Tokyo le 19 septembre 2011, en scandant "Sayōnara nuclear power" et en brandissant des banderoles, pour demander au gouvernement japonais d'abandonner l'énergie nucléaire, suite à la catastrophe de Fukushima.[3]

L'évêque d'Osaka, Michael Goro Matsuura, a fait appel à la solidarité des chrétiens du monde entier pour soutenir cette campagne antinucléaire. En juillet 2012, 75 000 personnes se sont rassemblées près de Tokyo pour la plus grande manifestation antinucléaire jamais organisée dans la capitale. Les organisateurs et les participants ont déclaré que de telles manifestations signalent un changement fondamental des attitudes dans une nation où relativement peu de personnes ont été disposées à s'engager dans des protestations politiques depuis les années 1960.[4]

Parmi les groupes anti-nucléaires, citons : Citizens' Nuclear Information Center, Stop Rokkasho, Hidankyo, Sayonara Nuclear Power Plants, Women from Fukushima Against Nukes et Article 9 group. Les personnalités du mouvement anti-nucléaire incluent des personnes comme Jinzaburo Takagi, Haruki Murakami, Kenzaburō Ōe, Nobuto Hosaka, Mizuho Fukushima, Ryuichi Sakamoto et Tetsunari Iida.

L'exemple de l'île d'Iwai- Shima est assez notable. Depuis 1982, les habitants, qui sont des pêcheurs et des agriculteurs s'opposent fermement à la construction d'une usine nucléaire sur l'île[5]

En septembre 2012, la plupart des Japonais sont favorables à l'option zéro en matière d'énergie nucléaire, et le Premier ministre Yoshihiko et le gouvernement japonais ont annoncé un changement de cap spectaculaire en matière de politique énergétique, promettant de rendre le pays dénucléarisé d'ici les années 2030. Il n'y aura pas de nouvelles constructions de centrales nucléaires, la durée de vie des centrales existantes sera limitée à 40 ans et tout nouveau redémarrage d'une centrale nucléaire devra répondre aux normes de sécurité strictes de la nouvelle autorité de régulation indépendante. La nouvelle approche pour répondre aux besoins énergétiques impliquera également d'investir 500 milliards de dollars sur 20 ans pour commercialiser l'utilisation de sources d'énergie renouvelables telles que l'énergie éolienne et l'énergie solaire..[6]

L'ancien Premier ministre Shinzō Abe, qui a été élu en 2012, a remis l'énergie nucléaire à l'ordre du jour politique, en prévoyant de redémarrer autant de réacteurs que possible. En juillet 2015, le gouvernement a soumis ses idées pour réduire les émissions de gaz à effet de serre aux Nations unies, et la proposition comprenait un objectif pour que l'énergie nucléaire couvre au moins 20 % de la consommation d'électricité du Japon d'ici 2030. Les sources d'énergie renouvelables, comme l'hydroélectricité mais aussi l'énergie solaire, contribueraient à hauteur de 22 % ou plus. Le 11 août 2015, la centrale nucléaire de Sendai a rompu une accalmie de quatre ans en redémarrant l'un de ses réacteurs. Ce redémarrage est le premier depuis l'effondrement de l'industrie nucléaire japonaise, à la suite de la catastrophe de Fukushima Daiichi en 2011..[7]

Au 10 mars 2020, sur les 56 réacteurs nucléaires du Japon, 24 doivent être déclassés, 9 sont actuellement en service et 7 sont prêts à être redémarrés. 3 nouveaux réacteurs sont en construction, afin de respecter le cinquième plan énergétique de base du Japon (20 % à 22 % d'énergie nucléaire d'ici 2030).[8]

Mouvement Antinucléaire dans l'art japonais

modifier

Après 1945

modifier

Après la Seconde Guerre Mondiale, le Japon se retrouve meurtri, et compte entre 103 000 et 220 000 morts seulement des deux bombes nucléaires. [9] Les Hibakusha sont nombreux (495 000 sur les mémoriaux en Aout 2019) et certains vont retranscrire à travers l'art ce qu'ils ont vécus. C'est notamment le cas de Maski Hironaka et Yukio Karaki, deux Japonais qui vont pratiquer l'art brut, l'art comme exutoire. Les deux n'ont pas de culture artistique, pas d'apprentissage du dessin ou de la peinture, mais l'art était pour eux un moyen de parler de la douleur et du traumatisme vécu, une sorte d'effet cathartique.


Une des figures artistiques anti-nucléaire les plus connues est Keiji Nakazawa, auteur du manga Hadashi no Gen ou Gen d'Hiroshima en Français, manga en 10 volumes publié entre 1975 et 1985. A l'instar de Mashi Hironaka et Yukio Karaki, le mangaka est un Hibakusha. Il est né en 1939 à Hiroshima, et perd son père, son frère ainé et sa petite sœur dans l'explosion, et réussi à fuir avec ses deux autres frères et sa mère enceinte d'une fille. En 1975, Keiji Nakazawa, devenu mangaka depuis 1960 décide de parler d'Hiroshima à travers l'histoire de la famille Nakaoka entre 1945 et 1953, une famille d'Hibakusha quittant la ville après sa destruction, en se basant sur sa propre vie et expérience. Le manga est tout autant une critique de l'arme nucléaire que de ses conséquences, à la fois écologiques, humaines et sociales. Gen d'Hiroshima parle des radiations mortelles, du rejet des Hibakusha par le reste de la société japonaise, les considérants comme des pestiférés qui peuvent transmettre les maladies due aux radiations. Le manga met en scène un autre fait social, la montée des Yakuza. Après 1945, la police et le gouvernement sont désordonnés et sous le joug américain. Le marché noir prend de l'ampleur et les Yakuza en prennent rapidement le pouvoir, avec l'aide de l'occupation américaine, qui vient dans la mafia japonaise et son code d'honneur une force de régulation, servant un peu de police et empêchant les petits groupes criminels d'exister.

Le manga culte Akira de Katsuhiro Ōtomo, publié entre 1982 et 1990 et comptant 14 volumes, traite lui aussi du nucléaire, plus exactement de la menace que pèse les armes nucléaires sur le monde, mais ici d'une façon indirecte. L'œuvre ne parle pas du bombe nucléaire, mais d'une arme de destruction massive développée en secret pour gagner la guerre. Le 6 décembre 1982, Tokyo fut détruite par une arme d'origine inconnue, et le monde plongé dans la Troisième Guerre Mondiale après que plusieurs villes aient été détruites elles-aussi par l'arme nucléaire. Le gouvernement Japonais travaille depuis 30ans en secret sur une arme de destruction massive humaine capable de détruire quiconque. Une métaphore de l'escalade de la menace nucléaire.

Après le 11 mars 2011

modifier

Après le 11 mars 2011 et le Genpatsu-shinsai, la triple catastrophe du 11 Mars 2011 dont l'explosion de Fukushima-Daiichi, une nouvelle génération d'artistes luttant contre ou dénonçant le nucléaire apparait, une génération qui n'a pas connu le traumatisme de Hiroshima et Nagasaki.

Parmi cette nouvelle génération, le photographe Takashi Arai, qui utilise le daguerréotype pour photographier les lieux et les objets. Le procédé du daguerréotype à l'avantage de réagir à la chaleur et la lumière, même invisible à l'œil nue. Les objets et lieux qui sont photographiés par Takashi Arai ressortent donc bleu à certains endroit, la où la chaleur ou la lumière viennent s'imprégner sur le mercure de la plaque du daguerréotype, possiblement celles des radiations nucléaires. Sont visibles dans les œuvres de l'artiste les radiations invisibles, d'Hiroshima, de Nagasaki, de Fukushima ou de lieux d'essais nucléaires, montrant que même des années plus tard, les lieux restent contaminés.[10]

Le collectif Chim↑Pom va se soulever plusieurs fois contre le nucléaire civil japonais, dans différentes manifestations artistiques. Citons notamment Don't Follow The Wind, œuvre collaborative avec Ai Weiwei, Meiro Koizumi, Trevor Paglen, Kota Takeuchi, Ahmet Ögüt, Taryn Simon, Nikolaus Hirsch & Jorge Otero-Pailos, Aiko Miyanaga, Nobuaki Takekawa, Grand Guignol Mirai, Eva Mattes et Franco Mattes.[11] Don't Follow The Wind est une œuvre collective et invisible. Les différents artistes ont tous produit une œuvre d'art, et elles sont ensuite placézs dans la zone rouge de Fukushima, la zone la plus radioactive et totalement interdite au publique, et personne ne sait quand la zone ne sera plus radioactive, peut-être des milliers d'années. Le collectif a ensuite monté Don't Follow The Wind : Non-Visitor Center[12], une pièce avec des casques VR, pour permettre aux visiteurs de se promener dans la zone rouge. Cependant les œuvres d'arts restent invisibles, soit l'artiste se pose devant, soit avec une sorte de voile noir devant. Le collectif est aussi à l'origine de l'œuvre Hitokakera, la larme en japonais, faite à l'occasion du Reborn Art Festival 2017. C'est une pièce réfrigérée à -9°C dans la montagne, avec en son cœur une grosse larme faite à partir des "larmes de habitants de Fukushima". [13]

Le mouvement anti-nucléaire japonais prend aussi de l'ampleur auprès des formes d'art un peu moins traditionnelles, notamment à travers le Street Art et son plus grand représentant Japonais, 281_AntiNuke. Artiste totalement anonyme par peur des représailles du gouvernement et de l'extrême-droite japonaise, 281_AntiNuke reprend les codes esthétiques et graphiques de Banksy, figure de proue du Street Art, pour critiquer la politique japonaise sur le nucléaire et la guerre [14].

Références

modifier
  1. (en) « Japan cancels nuclear plant », BBC News,‎ (lire en ligne)
  2. (en) Martin Fackler, « Japan's Nuclear Energy Industry Nears Shutdown, at Least for Now », The New York Times,‎ (lire en ligne)
  3. « Thousands march against nuclear power in Tokyo », USA Today,
  4. (en) Mure Dickie, « Japanese anti-nuclear demonstrations grow », The Washington Post,‎ (lire en ligne)
  5. Philippe Pelletier, « Iwai-shima, île antinucléaire », Ebisu. Études japonaises, no 58,‎ , p. 325–357 (ISSN 1340-3656, DOI 10.4000/ebisu.6174, lire en ligne, consulté le )
  6. (en) Carol J. Williams, « In wake of Fukushima disaster, Japan to end nuclear power by 2030s », LA Times,‎ (lire en ligne)
  7. Davide Castelvecchi, "Japan's nuclear revival won't lower carbon emissions enough", Nature, 11 August 2015.
  8. « Japan's Nuclear Power Plants », sur Nippon.com (consulté le )
  9. « Bombardements atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki », dans Wikipédia, (lire en ligne)
  10. (en-US) « EXPOSED IN A HUNDRED SUNS – TAKASHI ARAI STUDIO » (consulté le )
  11. « Don't Follow The Wind | Chim↑Pom from Smappa!Group », sur chimpom.jp (consulté le )
  12. « Don't Follow The Wind | Chim↑Pom from Smappa!Group », sur chimpom.jp (consulté le )
  13. « Hitokakera | Chim↑Pom from Smappa!Group », sur chimpom.jp (consulté le )
  14. « https://twitter.com/281_ », sur Twitter (consulté le )