Trisyllabe

vers de trois sillabes

Le trisyllabe est un vers de trois syllabes.

Usage modifier

Dans les métriques syllabiques, un trisyllabe (treis, en grec = « trois »[1]) est un vers de trois syllabes.

À l'instar des autres vers courts, il est le plus souvent utilisé en hétérométrie[2], « où il joue un rôle de contrepoint »[1].

Par exemple, dans une ballette de Guillaume de Machaut, le trisyllabe est associé à l'heptasyllabe dans une structure strophique en quartier, dont le premier douzain est[3] :

En aimer ha douce vie
Et jolie,
Qui bien la scet maintenir,
Car tant plaît la maladie,
Quant nourrie
Est en amoureus désir,
Que l'amant fait esbaudir
Et quérir
Comment elle monteplie.
C'est doux mal à soutenir,
Qu'esjouir
Fait cuer d'ami et d'amie.

— Guillaume de Machaut


En isométrie, il est utilisé par Victor Hugo dans Les Djinns[4] :

Dans la plaine
Naît un bruit.
C'est l'haleine
De la nuit.
Elle brame
Comme une âme
Qu'une flamme
Toujours suit !

— Victor Hugo, Les Djinns

Et, vers la fin du même poème :

Ce bruit vague
Qui s'endort,
C'est la vague
Sur le bord ;
C'est la plainte,
Presque éteinte,
D'une sainte
Pour un mort.

— Victor Hugo, Les Djinns[5]

On l'utilise d'habitude dans des vers gais ou burlesques[6], ou pour un effet satirique ou plaisant[7], comme chez Hugo dans une strophe du Prince fainéant (du recueil Toute la Lyre)[7] :

Même aux belles
J'ai mépris,
Et loin d'elles
Mon cœur pris
Laisse, en somme,
Faire un somme
Aux cerfs, comme
Aux maris.

— Victor Hugo, Toute la Lyre, « Le Prince fainéant »

Mais le trisyllabe est sérieux dans le recueil de l'abbé Charuel d'Antrain, dans un Compliment à un Abbé et Général d'Ordre, poème daté de 1750[8] :

Beau séjour,
Que ta cour
M'édifie !
Chaque jour
De la vie,
On vous prie,
Dieu d'amour.
Votre flamme
Brûle une âme
Tour à tour.
Loin du monde,
Votre paix
Est profonde.
Non, jamais
Votre asyle
Doux, tranquille,
Ne ressent
De l'orage,
Du naufrage,
L'accident.
Solitude,
Ton étude
Rend les sens
Innocens,
Tes délices
Sont sans vices,
Tes rigueurs
Sans langueurs,
Là la joie
S'y déploie.
En ce lieu
On se livre
Tout à Dieu :
Pour le suivre,
Quel honneur !
Quel bonheur !…

Paul Scarron l'emploie également en isométrie :

Sarrasin,
Mon voisin,
Cher amy,
Qu'à demy
Je ne voy,
Dont, ma foy,
J'ay dépit
Un petit,
N'es-tu pas
Barrabas,
Basiris,
Phalaris,
Ganelon
Le félon,
De sçavoir
Mon manoir
Peu distant,
Et pourtant
De ne pas,
De ton pas
Ou de ceux
De tes deux
Chevaux gris
Mal nouris,
Y venir
Réjouir,
Par des dits
Esbaudits,
Un pauvret
Tres maigret,
Au col tors,
Dont le corps
Tout tortu,
Tout bossu,
Surrané,
Décharné
Est reduit,
Jour & nuit,
A souffrir,
Sans guerir,
Des tourmens
Vehemens ?
Si Dieu veut,
Qui tout peut,
Dés demain
Mal S.Main
Sur ta peau
Bien & beau
S'étendra
Et fera
Tout ton cuir
Convertir
En farcin.
Lors, mal sain
Et poury,
Bien marry
Tu seras
Et verras
Si j'ay tort
D'estre fort
En émoy
Contre toy.
Mais pourtant,
Repentant,
Si tu viens
Et te tiens
Un moment
Seulement
Avec nous,
Mon courroux
Finira,
Et caetera.

— Paul Scarron, Recueil des œuvres diverses et choisies en vers burlesques de M. Scarron, Lyon, chez J.B. et N. de Ville, 1695, p. 84

Dans le vers libre, comme en hétérométrie, « c'est l'effet de contraste rythmique, et éventuellement thématique, qui est mis à profit » en l'utilisant, relève Michèle Aquien[7]. Par exemple dans ce passage de « Au seuil auguste », dans Depuis toujours déjà d'André Frénaud[7] :

Au seuil auguste de la mer,
la prairie.
Mille oiseaux passent lentement.

— André Frénaud, Depuis toujours déjà, « Au seuil auguste »

Bibliographie modifier

Notes et références modifier

  1. a et b Aquien 1993, p. 305.
  2. Aquien 2018, p. 34.
  3. Aquien 1993, p. 305-306.
  4. Buffard-Moret 2023, p. 56.
  5. Recueil Les Orientales, 1829.
  6. Anne Marie comtesse de Beaufort d'Hautpoul, Nouveau manuel complet de littérature à l'usage des deux sexes, Roret, 1844, p. 109.
  7. a b c et d Aquien 1993, p. 306.
  8. Georges Lote, Histoire du vers français, tome IX : Le XVIIIe siècle [en ligne]. Aix-en-Provence : Presses universitaires de Provence, 1996 (généré le 12 mars 2023). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/pup/1492>. (ISBN 9782821827479). DOI : https://doi.org/10.4000/books.pup.1492.

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