Traité des Hérétiques

Le traité des hérétiques, en forme longue le traité des hérétiques : à savoir, si on les doit persécuter, et comment on se doit conduire avec eux, selon l'avis, opinion, et sentence de plusieurs auteurs, tant anciens, que modernes (en latin : De Haereticis, an sint persequendi et omnino quomodo sit cum eis agendum, doctorum virorum tum veterum, tum recentiorum sententiae) est un traité théologique et patristique composé par Sébastien Castellion sous le pseudonyme de Martin Bellie en .

Traité des Hérétiques
Auteur
Date de création

Dans ce traité, écrit en réaction à la fois à l'exécution de Michel Servet par Jean Calvin et à l'Inquisition catholique, Castellion lance une violente charge contre le concept d'hérésie et s'oppose à ce que le pouvoir politique puisse punir les hérétiques. Il défend la liberté de conscience et de religion, y compris pour les Juifs et Musulmans. Si son traité, comme le Conseil à la France désolée, ne parvient pas à empêcher les Guerres de Religion, il s'agit d'un des premiers textes défendant la tolérance religieuse de l'histoire.

Histoire

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Contexte

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Castellion est un théologien humaniste protestant ; il évolue à Strasbourg puis se rend à Genève pour assister Jean Calvin[1]. Rapidement déçu par la jeune théocratie, il devient critique du prêcheur de manière croissante[1],[2]. Cette opposition atteint son paroxysme avec l'exécution de Michel Servet, un théologien protestant perçu comme hétérodoxe, brûlé vif à Genève[1],[2],[3].

Castellion, qui est réfugié à Bâle, entreprend d'écrire contre Calvin[1].

Rédaction

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Le texte est composé de pièces diverses[4]. Il s'agit d'une anthologie rassemblant des opinions d'auteurs chrétiens opposés à la peine de mort ou les poursuites judiciaires pour hérésie[4]. L'essentiel des sources que Castellion utilise est tiré d'auteurs patristiques, Jérôme, Jean Chrysostome, Lactance, Augustin, mais il utilise aussi des auteurs qui lui sont contemporains, comme Érasme, Luther, et, avec ironie, Calvin ou Castellion lui-même[2],[4],[5]. Castellion traduit le texte et le publie en français, en latin, puis publie une traduction en allemand rapidement après[2],[3],[4]. Outre ce cadre suisse, il semble inspiré par des éléments touchant aux anabaptistes en Allemagne, par la situation autour de David Joris[6] et par des écrits d'auteurs comme Sébastien Franck[7].

L'opuscule frappe Genève et pousse Théodore de Bèze à répondre, l'année suivante, par son propre traité en défense de l'exécution de Servet[8],[9].

Analyse

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Thèses défendues

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L'auteur défend la tolérance religieuse constante et l'impunité totale des hérétiques[4],[10],[11],[12]. Il ne s'agit pas simplement pour lui de chrétiens hétérodoxes mais il défend aussi la tolérance religieuse pour les Juifs et Musulmans, nommant ces derniers « Turcs »[10].

Postérité

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Iacopo Aconcio et Baruch Spinoza auraient lu le traité et auraient été inspirés par son contact[11],[13]. Le texte est considéré comme un des premiers textes défendant la tolérance religieuse de l'histoire[3]. Il semble qu'il influence durablement l'histoire du protestantisme français[2].

En 1936, Stefan Zweig publie Conscience contre violence, une biographie de Castellion où il lui rend hommage[14]. Le texte est considéré comme un des plus importants en matière de tolérance religieuse[15].

Liens externes

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Références

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  1. a b c et d Bühler 2015, p. 344-349.
  2. a b c d et e Charles Bost, « Sébastien Castellion Et L'opposition Protestante Contre Calvin », Revue de Théologie et de Philosophie, vol. 2, no 10,‎ , p. 301–321 (ISSN 0035-1784, lire en ligne, consulté le )
  3. a b et c Marius Valkhoff, « Sebastian Castellio and His 'De Haereticis a Civili Magistratu Non Puniendis...libellus' », Acta Classica, vol. 3,‎ , p. 110–119 (ISSN 0065-1141, lire en ligne, consulté le )
  4. a b c d et e Bühler 2015, p. 349-352.
  5. Anne-Claire Husser, « Sébastien Castellion vu par Ferdinand Buisson. », ThéoRèmes. Penser le religieux, no 8,‎ (ISSN 1664-0136, DOI 10.4000/theoremes.781, lire en ligne, consulté le )
  6. Mirjam van Veen, « Contaminated with David Joris's Blasphemies David Joris's Contribution to Castellio's De Haereticis an Sint Persequendi », Bibliothèque d'Humanisme et Renaissance, vol. 69, no 2,‎ , p. 313–326 (ISSN 0006-1999, lire en ligne, consulté le )
  7. Doris Rieber, « Sébastien Franck (1499-1542) », Bibliothèque d'Humanisme et Renaissance, vol. 21, no 1,‎ , p. 190–204 (ISSN 0006-1999, lire en ligne, consulté le )
  8. Odile Panetta, « Heresy and Authority in the Thought of Théodore de Bèze », Renaissance and Reformation / Renaissance et Réforme, vol. 45, no 1,‎ , p. 33–72 (ISSN 0034-429X, lire en ligne, consulté le )
  9. Peter G. Bietenholz, « Limits to Intolerance: The Two Editions of Beza's Epistolae Theologicae, 1573 », Bibliothèque d'Humanisme et Renaissance, vol. 35, no 2,‎ , p. 311–313 (ISSN 0006-1999, lire en ligne, consulté le )
  10. a et b Robert White, « Castellio Against Calvin: The Turk in the Toleration Controversy of the Sixteenth Century », Bibliothèque d'Humanisme et Renaissance, vol. 46, no 3,‎ , p. 573–586 (ISSN 0006-1999, lire en ligne, consulté le )
  11. a et b Renato Giacomelli, « La Tolleranza Religiosa in Quanto Problema Dell’assolutismo: Il Pensiero Politico Di Jacopo Aconcio », Divus Thomas, vol. 116, no 3,‎ , p. 205–230 (ISSN 0012-4257, lire en ligne, consulté le )
  12. Marie-Christine Gomez-Géraud, Sébastien Castellion: des Écritures à l'écriture, Classiques Garnier, coll. « Bibliothèque de la Renaissance », (ISBN 978-2-8124-0923-3)
  13. Étienne Barilier, « Spinoza, Lecteur De Castellion? », Revue de Théologie et de Philosophie, vol. 132, no 2,‎ , p. 151–162 (ISSN 0035-1784, lire en ligne, consulté le )
  14. Mireille Fognini, « Quand Stefan Zweig stigmatise l'exercice de l'autorité pervertie en tyrannie », Le Coq-héron, vol. 208, no 1,‎ , p. 107 (ISSN 0335-7899 et 1951-6290, DOI 10.3917/cohe.208.0107, lire en ligne, consulté le )
  15. Samuël Tomei, « Renaissance et Réforme : l’humanisme de Sébastien Castellion (1515-1563) », Humanisme, vol. 293, no 3,‎ , p. 66–71 (ISSN 0018-7364, DOI 10.3917/huma.293.0066, lire en ligne, consulté le )

Bibliographie

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  • Pierre Bühler, FORMES PRÉCOCES DE L'IDÉE MODERNE DE TOLÉRANCE RELIGIEUSE CHEZ SÉBASTIEN CASTELLION, Paris, Revue de Théologie et de Philosophie, (lire en ligne)