Rue Sidi Abdallah Guech

rue de Tunis, Tunisie

Rue Sidi Abdallah Guech
Situation
Coordonnées 36° 48′ 02″ nord, 10° 10′ 25″ est
Pays Drapeau de la Tunisie Tunisie
Région Tunis
Ville Tunis
Quartier(s) Médina
Morphologie
Type Rue

Carte

La rue Sidi Abdallah Guech, plus rigoureusement « impasse Sidi Abdallah Gueche »[1] (arabe : زنقة سيدي عبد الله قش), est un ensemble de maisons closes de Tunis, capitale de la Tunisie. Reconnu par les autorités, le site autorise l'exercice de la prostitution tout en assurant une certaine protection aux femmes qui y travaillent.

Toponyme modifier

S'il est paradoxal que le nom d'un lieu de prostitution soit celui d'un saint, cela ne semble pas le fait du hasard : Abdelhamid Larguèche a relevé que tous les lieux réservés de la prostitution de la Tunis ottomane portaient des noms de saints, ce qui semblait établir un rapport entre mysticisme et érotisme. Les saints de l'islam pouvaient être les protecteurs de filles « qui empêchent, par leur sacrifice, leurs frères et leurs sœurs de tomber dans le péché »[2].

Localisation modifier

 
Rue Zarkoun où se trouve l'impasse.

L'impasse est située à l'entrée de la médina, à quelques centaines de mètres de la mosquée Zitouna et des souks. Cette ruelle étroite et discrète — cinquante mètres de long et parfois un mètre de large[3] — ne se différencie guère des ruelles alentour[4]. Elle se situe entre l'ancien quartier juif, la Hara, et le quartier franc[5].

Elle accueille des deux côtés de petites chambres devant lesquelles les filles attendent leurs clients[6].

Histoire modifier

Tolérée puis reconnue par les autorités dès 1942[7], cette maison close est surtout fréquentée sous le protectorat français par les Tunisiens, musulmans ou juifs[4]. Les femmes qui y travaillent viennent souvent de milieux défavorisés, leurs clients étant également dans leur majorité des hommes peu fortunés, beaucoup venant d'Algérie[4]. Pendant des décennies, cette rue est le seul endroit où les prostituées juives pouvaient exercer[5].

Après la révolution de 2011, les forces de l'ordre la désertent[6], ne laissant de quelques militaires sur place[8], alors que les rondes étaient fréquentes[3]. Le , une foule évaluée entre plusieurs dizaines[1],[9] et près de 2 000 personnes[8] tente de la prendre d'assaut et manque de l'incendier[8],[6], avant d'être repoussée par la population et dispersée par les forces de l'ordre[9]. Cet événement intervient dans le cadre d'une campagne menée par des salafistes qui réclament sa fermeture et conduit à la fermeture d'autres maisons closes, comme à Béja, Kairouan, Médenine, Sfax et Sousse[8],[6],[9],[7].

À la suite de cet incident, l'impasse est fermée par une porte métallique et la plaque la signalant est enlevée car son nom, Sidi Abdallah Guech, est celui d'un saint[1]. Un écriteau indique également que l'impasse est fermée le vendredi et durant le ramadan[7].

Statut modifier

La prostitution pratiquée en ce lieu autorisé, encadrée par l'État, n'est pas un délit[10]. De ce fait, les prostituées de Sidi Abdallah Guech qui disposent du statut de fonctionnaire[3] sont placées sous le contrôle des services du ministère de la Santé et paient des impôts[8] ; le centre local de santé reçoit quotidiennement près de cinquante d'entre elles sur un total de 238 prostituées déclarées[8].

Littérature modifier

Sidi Abdallah Guech est évoquée par plusieurs auteurs de la littérature tunisienne. Ainsi, Bouraoui en parle à plusieurs reprises dans Thunis Thanatos[11]. De son côté, Abdelmajid Bouslama la décrit dans Les portes du Menzel comme un lieu d'initiation pour le jeune narrateur compte tenu que les relations hors mariage sont très mal vues par la société[12]. Tahar Fazaa la replace quant à lui, avec Amours, humour, humeur, dans le contexte général de la prostitution en Tunisie à travers l'histoire, signalant que les prostituées juives y étaient regroupées[13].

Références modifier

  1. a b et c « Abdallah Gueche rebaptisée ? », sur webdo.tn, (consulté le ).
  2. Abdelhamid Larguèche et Dalenda Larguèche, Marginales en terre d’islam, Tunis, Cérès, , 185 p. (ISBN 978-9973700995), p. 66-76.
  3. a b et c Christophe Passer, « Tunisie : « Il nous reste à apprendre à être libres » »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur hebdo.ch, .
  4. a b et c « Les prostituées de l'impasse Abdallah Guech : la « fierté » de Tunis »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur observers.france24.com, .
  5. a et b Larguèche et Larguèche 1992, p. 40-41.
  6. a b c et d Sid Ahmed Hammouche, « Révolution en Tunisie »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur laliberte.ch, .
  7. a b et c (en) Alexander Smoltczyk, « The Battle for the Future of Tunisia », sur spiegel.de, (consulté le ).
  8. a b c d e et f « Les islamistes s'attaquent aux maisons closes », sur france24.com, (consulté le ).
  9. a b et c « Tunisie : les islamistes s'en prennent aux prostituées »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur lci.tf1.fr, .
  10. Mehdi Ayadi, « Tunisie : la tragédie humaine de la prostitution », sur nawaat.org, (consulté le ).
  11. Bouraoui, Thunis Thanatos, Carthage, Cartaginoiseries, , 124 p. (ISBN 978-9-973-70420-7, lire en ligne).
  12. Abdelmajid Bouslama, Les portes du Menzel, Carthage, Cartaginoiseries, , 340 p. (ISBN 978-9-973-70418-4, lire en ligne), p. 143-144.
  13. Tahar Fazaa, « Marginales en terre d'islam », dans Amours, humour, humeur, Tunis, Apollonia, (ISBN 978-9-973-82700-5, lire en ligne), p. 151.