Robert Kiffer

agent secret français pendant la Seconde Guerre mondiale

Robert Kiffer (1913-1974) fut un agent secret français pendant la Seconde Guerre mondiale. Agent double, il travailla pour la résistance (réseau de renseignements franco-polonais INTERALLIÉ et réseau action britannique Jean-Marie-DONKEYMAN) et pour l’Abwehr, le service de contre-espionnage de l’armée allemande. Condamné à mort après la guerre, il fut amnistié.

Robert Kiffer
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Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 61 ans)
Senlis (Oise)Voir et modifier les données sur Wikidata
Nom de naissance
Robert Jean Lucien KifferVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activités
Autres informations
Condamnations
Emprisonnement (en) (), peine de mort ()Voir et modifier les données sur Wikidata

Biographie modifier

Premières années modifier

1913. Robert Kiffer naît le à Moncel-sur-Seille (Meurthe-et-Moselle)

Il est diplômé des Arts et Métiers.

1934. Après une formation à l’École de pilotage d’Ambérieux il est affecté à la 33e escadre aérienne, à Nancy.

1937. De retour à la vie civile, il est ingénieur aux Tuileries Mécaniques de Champignolles (Côte-d'Or)

1938. En mars, il est rappelé sous les drapeaux.

Seconde Guerre mondiale modifier

1940 modifier

  • Mai-Juin. Lors de l'offensive allemande, il combat dans les Ardennes au sein du groupe d'observateurs aériens 2/520. Il se replie sur Perpignan.
  • Septembre. Le 6, le sergent-chef Robert Kiffer est démobilisé au centre de Thuir, près de Perpignan. Il regagne Moncel-sur-Seille.
  • Décembre. Voulant rejoindre l’Angleterre par l’Afrique du Nord, il traverse clandestinement la ligne de démarcation (à pied, à Cormery) et se rend à Marseille. Il se fait embaucher au port, pour profiter d’un bateau qui partirait pour l’Algérie (sans succès, car le port est étroitement surveillé par la commission d’armistice).

1941 modifier

  • Janvier. Il est recruté dans le réseau de renseignements INTERALLIÉ par Gaston Lurton « Jean », rencontré dans un train. Il est présenté au chef de réseau Roman Czerniawski « Armand ».
  • Avril. Quelqu’un lui signale qu’il est recherché pour des propos résistants tenus en public. Il tente de passer en Espagne. Arrêté à Figueras, il est détenu quelque temps à Miranda puis renvoyé en France, où il est condamné à un mois de prison par le tribunal correctionnel de Céret pour avoir tenté de passer en Espagne.
  • Juin. Après le mois de prison, il est libéré. Armand le désigne comme responsable régional d’INTERALLIÉ pour la Normandie (Manche et Calvados), avec le pseudo « Désiré ».
  • Novembre. Le 3, sur trahison d’Émile Lemeur[1], Kiffer est arrêté à la gare de Cherbourg, à la descente du train Paris-Cherbourg. L’agent de l’Abwehr Hugo Bleicher, qui vient d’engager le démantèlement d’INTERALLIÉ l’interroge, puis le transfère à la prison du Cherche-midi et finit par le retourner et l’utiliser pour atteindre le chef de réseau, Roman Czerniawski « Armand », ce qui se produit le 17, villa Léandre à Paris.

1942 modifier

  • Février. Kiffer est libéré de prison. Il travaille désormais pour Hugo Bleicher.
  • Avril-juin. Il mène des missions d’enquête à Jersey et à Guernesey sur la disparition de plans de DCA.
  • Juillet. À Marseille, avec Claude Jouffret, il cherche à infiltrer un réseau polonais. Jouffret est arrêté. Recherché, Kiffer remonte à Paris.

1943 modifier

  • Avril. Avec Hugo Bleicher et le VM[2] Léo Marnac, à Saint-Jorioz, il participe à l’arrestation des agents du SOE Peter Churchill « Raoul » et Odette Sansom « Lise ».
  • Mai. Hugo Bleicher « Jean » lui présente l’un de ses VM, Roger Bardet, qui le fait entrer dans le réseau Jean-Marie-DONKEYMAN en lui faisant rencontrer Henri Frager, le chef du réseau : il devient adjoint de Roger Bardet. Avec Robert Goubeau « Bob » et l’abbé Robert Alesch, il crée le faux réseau LYSIANA, formé d’authentiques résistants, qui organisent des parachutages d’armes venant d’Angleterre mais ignorent que les armes livrées tombent entre les mains ennemies.
  • Octobre. Roger Bardet et Robert Kiffer livrent deux hommes du réseau Jean-Marie (Henri Dobert et René Capron)[3] aux Allemands. Le groupe Kiffer de Normandie est arrêté.
  • Novembre. Robert Kiffer participe aux opérations qui aboutissent à l’arrestation de « Bastien »

1944 modifier

  • Mai. Le 7, sur ordre d’Henri Frager, il exécute Marcel Lebel, dont l’activité suspecte a été découverte.
  • Juin. Après le débarquement, Henri Frager, Roger Bardet et Robert Kiffer gagnent l’Yonne, où ils poursuivent l’activité du réseau Jean-Marie au profit des maquis.
  • Août. Hugo Bleicher arrête Henri Frager. Robert Kiffer retourne en Normandie, où il forme, avec les rescapés des réseaux qu’il a trahis, un nouveau groupe, Michel de Normandie, qui participe aux combats de la Libération. Le 26, il part en Angleterre et le 28, il est interrogé à Patriotic School.

Après guerre modifier

  • 1944 (suite). Début du mois d’octobre, il est rendu aux autorités françaises. Fin du mois, il est arrêté sur dénonciation du VM Bernard Fallot. Il est relâché.
  • 1945. Le , il est de nouveau arrêté par la DST chez sa maîtresse Paule Béliart.
  • 1947. Le , il épouse Paule Béliart à Fresnes[4].
  • 1948. Il est remis en liberté provisoire.
  • 1949. En décembre, il est l’un des cinq prévenus comparaissant devant la cour de justice de la Seine[5]. Il est condamné à mort, en même temps que son camarade Roger Bardet.
  • 1950. Vincent Auriol, président de la République, commue sa peine en travaux forcés à perpétuité.
  • 1953. Il est amnistié, par application de la loi du .
  • 1971. Il divorce.
  • 1974. Le , il meurt à Senlis.

Identités modifier

  • État civil : Robert Jean Lucien Kiffer
  • Pseudos :
    • Pour le réseau INTERALLIÉ : Désiré
    • Pour l’Abwehr : Kiki ; agent F 7172 ; laissez-passer (Dienststelle Ausweis) établi au nom de René Laplan, né le à Nancy.
    • Pour le réseau Jean-Marie-DONKEYMAN : Raoul, Michel ;
    • Autres : René, André Berger, Edmond Clisse, Édouard Valentin, Robert Heuzy, John Sharp.

Famille modifier

  • Son père : Auguste Lucien, 47 ans à la naissance de Robert, propriétaire
  • Sa mère : Lucie Gribling, 30 ans à la naissance de Robert, institutrice
  • Sa femme : Paule Eugénie Berthe Béliart ; mariage (1947-1971)

Sources modifier

  • Patrice Miannay, Dictionnaire des agents doubles dans la résistance, collection Documents, Le Cherche-Midi, 2005.
  • Jean Medrala, Les Réseaux de renseignements franco-polonais 1940-1944. Réseau F, Marine, Famille-Interallié, Réseau F2, Étoile, PSW-Afrique, Enigma-équipe300, Suisse3, L’Harmattan, 2005 (ISBN 2-7475-8157-8 et 978-2-7475-8157-8).
  • Gérard Fournier et André Heintz, Opération "Aquatint", 12-, le raid d’un commando britannique à Saint-Laurent-sur-Mer, coll. « Des Souvenirs et des Hommes », OREP Éditions, 2005 ; (ISBN 2-912925-64-9)

Notes modifier

  1. Pour les dénonciations qui aboutirent au démantèlement complet du réseau de renseignements INTERALLIÉ, Émile Lemeur, ouvrier municipal de la ville de Cherbourg, sera condamné à mort le par la cour de justice de la Seine.
  2. VM est un sigle allemand signifiant "Vertrauen Mann" ("homme de confiance") et utilisé par l’Abwehr ou la Gestapo pour désigner leurs informateurs et agents doubles.
  3. Le , Henri Dobert et son ami René Capron organisent un attentat contre Louis Laplanche, le responsable cantonal d’un mouvement de collaboration. Ils récupèrent deux mines allemandes qu’ils placent dans l’allée de la villa du collaborateur. Mais l’opération ne se déroule pas comme prévu : l’homme passe avec sa voiture entre les mines, il descend de voiture pour ouvrir son portail ; le frein à main étant mal serré, la voiture descend et, en reculant fait exploser les mines ; l’automobile est pulvérisée, mais l’homme est indemne et il confie aux Allemands les noms des personnes susceptibles d’avoir commis l’attentat. Le 6 septembre, Dobert et Capron sont arrêtés par la Gestapo. Dobert, pourtant porteur d’un pistolet, n’est pas fouillé. Sans être menottés, ils sont emmenés en voiture à la gendarmerie. Durant le trajet, Dobert parvient à cacher discrètement son arme entre la banquette et le dossier arrière de la voiture. Ils sont interrogés à la gendarmerie de Trouville, où ils passent la nuit. Le lendemain, ils sont emmenés dans la même voiture : tandis que les deux agents de la Gestapo perquisitionnent chez un commerçant de Trouville, Capron fait discrètement passer l’arme à Dobert, qui abat le chauffeur resté seul. Les deux hommes s’évadent dans deux directions différentes. Ils sont recueillis pendant près de deux semaines par Gaëtane Bouffay, membre du réseau Jean-Marie. Ils reprennent leur activité clandestine. Une nouvelle mission leur est confiée : exécuter un sabotage dans une usine électrique de la région parisienne. Après une opération réussie — le déménagement d’un dépôt d’armes — ils doivent être présentés au chef de réseau, Henri Frager « Paul » par Robert Kiffer et Roger Bardet, qui les prennent en voiture pour les conduire à Paris, mais les livrent aux Allemands. Condamnés à mort, Dobert et Capron sont exécutés le au centre des Madrillets, à Rouen. [Source : journal régional du , à l’occasion du dévoilement d’une plaque, le à l’entrée de l’impasse Mein où il habitait, en l’honneur de Henri Dobert exécuté 57 ans plus tôt.]
  4. Probablement à la Maison d'arrêt de Fresnes.
  5. Roger Bardet, Robert Kiffer, Robert Goubeau, Claude Jouffret et Suzanne veuve Laurent née Renouf.