Le radio-art utilise l'émission, le filtrage, la réception, la transmission, plus généralement la manipulation des ondes électromagnétiques pour en faire des œuvres. Dans les années 2000, Tetsuo Kogawa le définissait comme un art de la radiation ou du rayonnement[1].

Le radio-art se différencie de l'art radiophonique ou de la création radiophonique qui elles, produisent des formes - aussi expérimentales soient-elles - qui s'inscrivent dans les programmes diffusés par les stations radio (classiques, spécialisées ou web)[2].

S'inscrivant dans la pensée de Mc Luhan, le radio-art utilise la technologie radiophonique à la fois comme médium mais aussi comme message[3]. Il intervient directement sur la matière des ondes et les met en forme, ce qui le différencie de l'art sonore à proprement parler.

Le type d'ondes électromagnétiques utilisé induit des formes spécifiques : sculptures dans l'espace, installations, pièces sonores, performances...

Ainsi certaines œuvres de radio-art ne sont pas diffusables à la radio, d'autres oui[1].

Le radio-art est souvent inclus dans le champ des arts électroniques[4] ou des nouveaux médias[5],[6], parfois dans le champ des arts sonores. Il pourrait dans tous les cas s'apparenter à un art de la transmission[7].

L'appellation radio art en anglais englobe quant à elle le radio-art tel que défini plus haut, l'art radiophonique et la création radiophonique[8],[9].

Types d'ondes utilisées dans le radio-art modifier

 
Diagramme du spectre électromagnétique

Une onde irradie qu'elle que soit sa fréquence. "Le radio-art essaie ainsi d'intervenir sur la radiation des transmissions électromagnétiques et de créer une certaine forme d'onde"[1], par oscillation, par résonance.

Les ondes utilisées dans le radio-art sont classées de manière conventionnelle en EHF, SHF, UHF, VHF, HF, LF, VLF[4]... en référence au spectre électromagnétique.

Œuvres de radio-art (exemples) modifier

Années 1960 modifier

En 1968, Max Neuhaus installe 20 émetteurs radios dans les arbres sur 600 m le long de la Lincoln Parkway à Buffalo, New York, et crée "Drive in Music".

Les émetteurs font se superposer 7 zones avec des composantes sonores variées, synthétisées sur place avec un équipement artisanal. La pièce sonore que les automobilistes entendent sur leur poste radio change en fonction de leur vitesse, de leur direction, de l'heure de la journée et des conditions météorologiques. La composition sonore de Neuhaus intègre en contrepoint les bruits aléatoires de l'environnement[10].

La même année, Robert Barry accentue sa recherche de désincarnation et dématérialisation des œuvres d'art. Il crée "Electromagnetic Energy Field"[11]. Une boîte de métal avec un interrupteur est reliée à de longs fils de cuivre qui courent le long des plinthes de la galerie. Le champ d'énergie que ce mécanisme génère constitue l'œuvre, invisible[12].

En 1969, il enterre des capsules de baryum-133 dans le sol de Central Park à New-York. L'œuvre s'appelle "Radiation piece : Baryum-133"[13],[14].

Années 1970 modifier

Années 1980 modifier

En 1981, Alvin Lucier compose "Sferics" à Middletown, Connecticut, installation sonore pour laquelle il construit de grandes antennes cadres afin d'enregistrer les perturbations ionosphériques et d'en faire un disque[15].

En 1982, Robert Adrian (en) organise pour Ars Electronica à Linz, Autriche, "Die Welt in 24 Stunden " (Le Tour du Monde en 24h), une œuvre de télécommunication qui utilise les lignes de téléphone et la télévision à balayage lent pour relier simultanément 16 villes différentes sur 3 continents[16].

Années 1990 modifier

"Divining for Lost Sound" est une installation sonore de plein-air in-situ, créée par les artistes Absolute Value of Noise (Peter Courtemanche[2]) et Lori Weidenhammer à Vancouver en 1996. L'œuvre est une métaphore du sourcier reliant des ondes radio et des champs électromagnétiques à la radiesthésie. Des antennes en cuivre enterrées créent un champ électromagnétique qui permet de détecter la présence ou la proximité des auditeurs. Le champ transmet un signal audio sur un récepteur radio portable. Plus le participant s'approche de l'antenne, plus la clarté du son s'améliore, et inversement[17].

Années 2000 modifier

En 2002, l'artiste japonais Tetsuo Kogawa performe à Vienne et à Vancouver "Natural Radia" mettant en jeu des transmetteurs FM, des microphones, des récepteurs radios, les ondes radios, l'espace physique et ses mains[18].

La même année, à la 13ème biennale de Sydney, Australie, l'artiste Joyce Hinterding crée "Plasma Wave Instrument : Air Time". L'oeuvre utilise un générateur photovoltaïque à haute tension qui transforme la lumière du soleil en plasma. L'air s'y déplace plus vite que la vitesse du son, et brûle littéralement tout en produisant des ondes radio[19].

Depuis 2003, l'artiste allemande Christina Kubisch développe la série “Electrical Walks”. Promenade sonore qui utilise un casque à induction magnétique développé par l'artiste, l'œuvre rend audible les phénomènes électromagnétiques invisibles dans notre environnement (portiques de magasins, écrans publicitaires, entrées de métro). Le public est muni d'une carte pour le guider dans sa déambulation[20].

Joyce Hinterding crée en 2009 "Aura" au Breenspace, Sydney. Il s'agit d'une suite de dessins utilisant l'or et le graphite comme conducteurs pour mettre en évidence l'environnement électromagnétique de la galerie. Les images deviennent des dispositifs de récupération d'énergie[21].

Années 2010 modifier

"Radio Fischli & Weiss" du collectif ∏-node est une installation modulaire de 2015, dans laquelle un signal sonore traverse différents médias (voies lumineuse, aqueuse, mécanique, hertzienne...) et se trouve petit à petit parasité, dégradé, transformé pour obtenir un nouveau signal[22],[23].

"Axis Mvndi", ensemble de sculptures radio-cosmiques créé par l'artiste Nicolas Montgermont en 2017, utilise des antennes, des ondes radios, et le cosmos comme médiums. Le dispositif emploie les ondes radio pour dessiner des modèles cosmologiques à grande échelle dans le cosmos. Une antenne mise en mouvement est la seule action apparente[24].

"Salle de Brouillage" est une ZAD électromagnétique[25], créée en 2018 par l'artiste Julien Clauss. L'installation met en jeu 30 émetteurs radio FM installés sur les murs d'un espace d'exposition, de manière à recouvrir la totalité de la bande FM. Des postes de radio sont à disposition des visiteurs, invités à déambuler dans l'espace et à explorer l'entrelacs d'ondes radios qui l'occupe. Les contenus sonores de chaque émetteur, composés par l'artiste, s'inspirent de l'univers de la radio et de la musique expérimentale[26].

Elaboré au début des années 2010 comme un projet de recherche par Martin Howse et ce qui deviendra la Mycelium Network Society, l'œuvre "Radio Mycelium" est montrée et performée à la Biennale Post-Nature de Taipei en 2018-2019. Le projet met le mycélium fongique en relation avec les signaux électromagnétiques et tente par ce biais une communication inter-espèce[27].

Années 2020 modifier

Bibliographie modifier

  • art. "Spectropia: illuminating investigations in the electromagnetic spectrum". in Acoustic space, vol.7, Collection of scientific writings and artistic research, Vilnius, 2008 [published on the occasion of the 10th international festival for new media culture, Art+Communication, Riga, Latvia].
  • "Tetsuo Kogawa Radio-Art" de Tetsuo Kogawa et Pali Meursault, UV éditions, 2019. (ISBN 978-2-9562753-2-9)
  • "Re-Inventing Radio : Aspects of Radio as Art" de Heidi Grundmann, Elisabeth Zimmermann, Reinhard Braun, Dieter Daniels, Andreas Hirsch, Anne Thurmann-Jajes, Editions Revolver, Frankfurt am Main, 2008. (ISBN 9783865884534)
  • "Transmission Arts : The Air that Surrounds Us" de Joseph-Hunter, Galen (2009). http://www.mitpressjournals.org/doi/pdf/10.1162/pajj.2009.31.3.34
  • "Radio Revolten : 30 Days of Radio Art" by Corax E.V., Spector Books, Germany, 2019. (ISBN 978-3959051897)[28]
  • "Earth Sound Earth Signal - Energies and Earth Magnitude in the Arts", Douglas Kahn, University of California Press, 2013. (ISBN 9780520257559)[29]

Liens externes modifier

Références modifier

  1. a b et c Tetsuo Kogawa et Pali Meursault, Tetsuo Kogawa radio-art, UV éditions, (ISBN 978-2-9562753-2-9)
  2. a et b Heidi Grundmann, Re-inventing radio: aspects of radio as art, Revolver Publishing, (ISBN 978-3-86588-453-4)
  3. Marshall Mc Luhan, Pour comprendre les médias, Points, , 432 p. (ISBN 2757850148)
  4. a et b « Un manifeste radioart | Syntone », sur syntone.fr, (consulté le )
  5. Novactive, « Qu'est-ce que "l'art des nouveaux médias" ? (Les Basiques) », sur histoiredesarts.culture.gouv.fr (consulté le )
  6. « olats.org », sur archive.olats.org (consulté le )
  7. « Wave Farm | home », sur wavefarm.org (consulté le )
  8. « Radio art - The Art and Popular Culture Encyclopedia », sur www.artandpopularculture.com (consulté le )
  9. (en) « What is radio-art ? »
  10. (en) Media Art Net, « Media Art Net | Neuhaus, Max: Drive In Music », sur www.medienkunstnetz.de, (consulté le )
  11. « Robert Barry : Art conceptuel, oeuvres invisibles et mots », sur Paris Art (consulté le )
  12. (en-US) « PST, A to Z: ‘Perpetual Conceptual’ at Los Angeles Nomadic Division », sur Los Angeles Times, (consulté le )
  13. Gauthier Herrmann, Fabrice Reymond et Fabien Vallos, Art conceptuel: une entologie, Éd. Mix, (ISBN 978-2-914722-69-8)
  14. « NO SHOW MUSEUM », sur www.noshowmuseum.com (consulté le )
  15. « NO IDEAS BUT IN THINGS - The Composer Alvin Lucier - Sferics », sur www.alvin-lucier-film.com (consulté le )
  16. Roy Ascott et Edward A. Shanken, Telematic embrace: visionary theories of art, technology, and consciousness, Univ. of California Press, (ISBN 978-0-520-22294-6)
  17. « absolute value of noise », sur absolutevalueofnoise.ca (consulté le )
  18. « Tetsuo Kogawa: Natural Radia », sur kunstradio.at (consulté le )
  19. (en) « Plasma Wave Instrument : Air Time, site de l'artiste J. Hinterding »
  20. « La Gaîté Lyrique | Electrical Walks Paris », sur La Gaîté Lyrique (consulté le )
  21. (en-US) Reuben Keehan, « Joyce Hinterding at Breenspace », sur www.artforum.com (consulté le )
  22. Véronique Godé, « Le Collectif ∏-Node fait courir le bruit à Marseille », sur ArtsHebdoMédias, (consulté le )
  23. Bastien Gallet, « Les aventures d’un son : sur Radio Fischli & Weiss du collectif ∏node - AOC media », sur AOC media - Analyse Opinion Critique, (consulté le )
  24. Les Cahiers de l’Observatoire de l’Espace n° 10, « Axis Mvndi, une œuvre radio de Nicolas Montgermont », sur archive.wikiwix.com, (consulté le )
  25. « Le festival Gamerz aide la création numérique en Provence », sur Makery (consulté le )
  26. (en-US) Regine, « Jamming Room: getting in touch with the invisible dimensions of our environment », sur We Make Money Not Art, (consulté le )
  27. (en-US) « HACK THE PANKE Festival », sur Art Laboratory Berlin (consulté le )
  28. (en-US) Neural, « (edited by) Corax E.V. – Radio Revolten: 30 Days of Radio Art | Neural », (consulté le )
  29. « Douglas Kahn - The Wire », sur www.thewire.co.uk (consulté le )