L’orviétan est un faux antidote des XVIIe et XVIIIe siècles.

Le marchand d’orviétan de campagne.

Médicament de rencontre resté fameux dans les fastes du charlatanisme médical, l’orviétan était dû, dit-on, à l’imagination d’un certain Jérôme Ferrante, natif d’Orvieto, d’où il tira son nom, et depuis son origine jusque vers la fin du XVIIIe siècle, il fut apporté en France en 1647 par un autre natif d’Orvieto du nom de Christoforo Contugi, qui se fit d’abord appeler Lorvietano, puis Lorviétan ou l’Orviétan. L’apothicaire Pierre Pomel écrit en 1694 dans son Histoire des drogues : « L’orviétan étoit commun à Rome depuis longtemps, et c’est de là que le faisoient venir les épiciers avant que le sieur Contugi eût obtenu du Roi la permission de le débiter publiquement. »

Contugi acquit vite célébrité et richesse sous le nom qu’il avait choisi et il était déjà fameux au temps de la Fronde, car son pseudonyme figure en tête de plusieurs mazarinades. Ayant entrepris, en 1647, de faire approuver sa drogue par la Faculté, il réussit, moyennant espèces sonnantes trébuchantes, à obtenir la signature de douze docteurs. Mais cette ambition le perdit lorsque, voulant avoir jusqu’à l’attestation du doyen, Jean Piètre, il offrit audacieusement de la lui payer quatre cents écus en lui mettant sous les yeux les approbations qu’il avait déjà achetées. Jean Piètre, mauvais médecin, mais honnête homme, réunit toute la Faculté et les douze docteurs corrompus « furent chassés de la compagnie par un décret solennel. »

Cette mésaventure du charlatan italien ne nuisit nullement au succès qu’obtenait sa drogue. Il en transmit le secret à ses descendants, et l’un d’eux le vendit à un autre entrepreneur de guérisons, le sieur Nicolas de Blegny, créateur de nombreuses spécialités pharmaceutiques, aigrefin qui, pour avoir le titre de médecin du roi, connaissait pourtant mieux le chemin de la prison que celui de la Cour.

L’orviétan se composait seulement de vingt-sept substances, dont les plus utiles paraissent avoir été la thériaque vieillie et des vipères sèches garnies de leur cœur et de leur foie. Comme l’atteste comiquement Molière, c’était une véritable panacée :

« : SGANARELLE.

Holà ! Monsieur, je vous prie de me donner une boîte de votre orviétan, que je m’en vais vous payer.
L’OPÉRATEUR.
L’or de tous les climats qu’entoure l’Océan
Peut-il jamais payer ce secret d’importance ?
Mon remède guérit, par sa rare excellence,
Plus de maux qu’on n’en peut nombrer dans tout un an :
La gale,
La rogne,
La teigne,
La fièvre,
La peste,
La goutte,
Vérole,
Descente,
Rougeole.
Ô grande puissance de l’orviétan[1] ! »

L’orviétan fut ensuite débité en France, dans les villes, dans les bourgs et dans les villages, par des tabarins de bas étage, des bateleurs effrontés, charlatans, saltimbanques, marchands de drogues prétendues médicales vendant leurs produits avec accompagnement de lazzis, de farces burlesques, de parades et de coups de grosse caisse, qui s’installaient sur les places publiques, dans les foires et dans les carrefours, et qui, attirant les badauds par le moyen de leur spectacle grossier, aidaient ainsi la vente de leur spécifique incomparable.

De là est venu qu’on a donné, par la suite, le nom de « marchand d’orviétan » aux charlatans de toutes sortes.

  1. Molière, L'Amour médecin, acte II, scène 7.

Sources

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  • Alfred Franklin, La Vie privée d'autrefois, Paris, Plon-Nourrit, p. 133-7.
  • Arthur Pougin, Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’y rattachent, Paris, Firmin-Didot, 1885, p. 498.