Nautes
Les nautes sont une confrérie de personnel navigant sur les fleuves et rivières de Gaule.
Étymologie
modifierNautes vient du grec ancien ναύτης (naútês) signifiant « marin, matelot ». Il existe également une forme latine nauta, de même signification[1]
Le terme grec naútês vient de la terminologie grecque naus, correspondant du latin navis, qui donne en français « navire » et « navigation »[2].
Le terme grec naus a une racine indo-européenne nau que l'on retrouve en langue gauloise dans naua (« bateau »)[3].
Naus a donné nausum (« barque gauloise »).
Le terme « Nau » est encore utilisé aujourd'hui concernant une typologie de barque à fond plat présente sur le Léman[4].
On notera que les Nautae transportent les marchandises par voies d'eau dans toute la Gaule centrale, alors que diverses inscriptions du Haut-Empire citent, à côté des Nautae, les Nauvicularii dont l'activité était maritime[5].
Histoire
modifierLes nautes étaient à la fois, propriétaires, armateurs, capitaines de leurs barques, négociants (négoce de vin, d'huile, de blé et de saumure), voituriers (transports par voie d'eau d'un fleuve à un autre). Cela en faisait des commerçants assez aisés et possiblement armés[6], puisque c'est dans leurs rangs que les autres confréries navigantes (dendrophores, peut-être utriculaires) choisissaient habituellement leurs patrons. « Diverses corporations de navigants se partageaient les artères fluviales : les naviculaires occupaient, en plus de la mer, les embouchures, les nautes les fleuves eux-mêmes, les utriculaires se réservant de plus petits affluents et des étangs[7] ».
Ils sont organisés en collèges ou en confréries dont la plus célèbre est celle des nautes parisiaques - nautae parisiaci - qui, sous Tibère, ont élevé à Lutèce, le monument appelé le Pilier des Nautes[6]. L'inscription présente sur ce pilier montre que la confrérie des nautes parisii disposait d'une caisse commune[6]. Une corporation des nautes du Rhône, dénommés les « nautae lacus lemani », et des locaux commerciaux[8] responsables du transport fluvial de Genève à Lyon, est également connue[9],[8]. Elle était placée sous l'autorité d'un curateur[10]. Ils relayaient sur le fleuve la confrérie des nautes du lac Léman, dont le collège se réunissait au sein d'un édifice, sous la forme d'une schola, et situé dans l'agglomération de Lousonna (actuelle Lausanne)[11],[12]. Ils possédaient également une succurcale à Genava, l'ancien site antique de Genève[12]. Au cours du Ier siècle apr. J.-C., ces riches bateliers, devenus maîtres de l'espace économique du lac Léman, ont initié la construction de nombreux bâtiments publics et religieux[12],[Note 1]. Au terme du Ier siècle, cette confrérie aurait financièrement contribué à l'élévation, au cœur de la cité de Lousonna, d'un temple gallo-romain aux ornements ostentatoires[12]. Des prospections archéologiques, entreprises au cours années 1930 dans le quartier de Vidy, ont permis d'exhumer une inscription épigraphique qui témoigne de l'existence de cette corporation lausanienne[9]. L'inscription a été mise en évidence à proximité d'un temple dédié à Mercure[9]. Cette dédicace comporte, entre autres, les termes suivants :
« [...]nautae [lac]u lemanno qui Leso[nn]ae consistunt[...]. »
— René Dussaud, , p. 33[9].
Parmi les autres corporations connues ou soupçonnées, il y a les bateliers de l'Ardèche et de l'Ouvèze, ou encore ceux de l'Aar (les nautae Aruranci)[9] et de la Durance[16]. Des inscriptions attestent l'existence des Nautes de la Saône « Patrono Nautarum Araricorum », de la Loire « Patrono Nautarum Ligericorum »[17].
Les navires et autres vestiges archéologiques
modifierPlusieurs découvertes d'épaves de chalands gallo-romains ont permis de se faire une idée de la forme des bateaux qu'ils utilisaient. Ceux-ci étaient généralement construits sur sole, c'est-à-dire à fond plat, sans quille, procurant un faible tirant d'eau, selon un principe de construction appelé « monoxyle assemblé ». Les bois utilisés étaient, selon les pièces, du chêne ou du sapin.
Le chaland d'Abbeville compte parmi les épaves remarquables. Ce bateau, découvert en 1808 dans l'ancien lit de la Somme, est le premier chaland gallo-romain découvert en Europe. Daté du IIe siècle apr. J.-C., il mesurait 12m de long sur 3m de large et pouvait embarquer jusqu'à 7 tonnes de fret. Il a fait l'objet d'une reconstitution[18].
Le chaland Arles Rhône 3 a été l'objet d'une couverture médiatique significative. Découvert en 2004 en rive droite du Rhône à Arles, il a été fouillé à partir de 2008, puis, en 2011, il a été remonté à la surface et a fait l'objet d'études et de mesures de conservation. Il est aujourd'hui exposé au Musée de l'Arles antique. Mesurant près de 31m de long pour 3m de large, il date du Ier siècle et sa construction montre des traces d'une influence méditerranéenne[19].
Les fouilles du parc Saint-Georges, au pied de la colline de Fourvière à Lyon, en 2003, ont mis en évidence six épaves de chalands gallo-romain, construits entre le Ier et le IIIe siècle de notre ère[20]. L'une des épaves est en cours de restauration depuis 2013 en vue d'une exposition au musée gallo-romain de Fourvière[21].
On peut mentionner enfin le chaland du IIe siècle découvert en 1970 dans le lac de Neuchâtel, en Suisse. Celui-ci mesurait 20m de long et a été le sujet d'un projet d'archéologie expérimentale, la fabrication d'une réplique nommée Altaripa[22]. Cette réplique est exposée au public au Laténium.
En Belgique, deux chalands et une pirogue monoxyle ont été découverts lors d'une fouille de sauvetage à Pommerœul, en 1975. L'un, très dégradé, mesurait encore 15m de long. La seconde épave mesurait 12,7m de long sur 3m de large. Les restes de l'installation portuaire et du vicus associé sont datés du IIe siècle apr. J.-C.[23].
Notes et références
modifierNotes
modifier- Parmi ces édifices construits à proximité du lac Léman, se dressaient un forum, des tabernae et une basilica[13],[14]. Située au centre de ce complexe urbain, se déployait une vaste place, une area publica dont le statut était essentiellement commercial. D'autres structures, à vocation domestique, telles que des villae et des ateliers artisanaux, ont été mises en évidence grâce à des prospections archéologiques. Enfin, les vestiges d'un sanctuaire de forme carrée et érigé vers le milieu du IIIe siècle, ont également été retrouvés[15],[13].
Références
modifier- site du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales du CNRS
- http://sitecon.free.fr/etymo.htm
- Xavier Delamarre, Dictionnaire de la langue gauloise, 2008, (ISBN 978 2 87772 2377), page 231 (nauson).
- « «Sapaudia» | Inventaire des Bateaux du Léman », sur inventairebateauxduleman.ch (consulté le ).
- Histoire de Bretagne, p. 100, sous dir. J. Delumeau, Privat, 1969.
- Jean-Claude Béal, « Les " nautes armés " de Lutèce : mythe ou réalité ? » », Revue archéologique, vol. 2, no 40, , pages 315 à 337 (DOI 10.3917/arch.052.0315, lire en ligne, consulté le ).
- François de Izarra, Pedro Sánchez Gómez, Le fleuve et les hommes en Gaule romaine, Errance, , p. 173
- Germaine Faider-Feytmans, « Hans Bögli et Madeleine Sitterding, Lousonna : les fouilles entreprises jusqu'en 1963 dans le vicus romain de Lausanne (Vidv), dans Revue historique vaudoise. », L'Antiquité classique, vol. Tome 33, no fascicule 1, , pages 293 à 295 (lire en ligne, consulté le ).
- René Dussaud, « Les fouilles de Lousonna. », Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, vol. 84e année, no 1, , pages 30 à 37 (DOI 10.3406/crai.1940.77280, lire en ligne, consulté le ).
- André Buisson, « Le mausolée de Marcus Rufius Catullus, curateur des Nautes du Rhône, à Gélignieux (Ain) - CIL XIII, 2494 », Revue Archéologique de Narbonnaise, no 24, 1991.
- Bertrand Goffaux, Schola, collège et cité : à propos de CIL, XIV, 2634 (Tusculum), Revue Belge de Philologie et d'Histoire, no 86, 2008.
- Alain Daubigney, « Recherches sur le vicus : G. Kaenel, M. Klausener, S. Fehlmann, Nouvelles recherches sur le vicus gallo-romain de Lausanne (Vidy -Lausanne). Lousonna, 2G. Kaenel, M. Klausener, S. Fehlmann, Le vicus gallo-romain de Lousonna-Vidy, Rapport préliminaire sur la campagne de fouille 1983, vol. », Dialogues d'histoire ancienne, vol. 13, , pages 378 et 379 (lire en ligne, consulté le ).
- Michel Tarpin, Sylvie Berti, Marc-André Haldimann, Frédéric Rossi et Lucie Steiner, « Le bassin lémanique gallo-romain. », Gallia, éditions du CNRS, vol. tome 56, , pages 33 à 44 (DOI 10.3406/galia.1999.3242, lire en ligne).
- Fanny Lanthemann, « Archéologie des espaces commerciaux : L’exemple des « maisons longues » durant le Haut-Empire. Panorama historique et implications politiques. », dans Fanny Lanthemann et al., Figures nouvelles, figures anciennes du commerce en ville., vol. 108, Les Annales de la recherche urbaine, (DOI 10.3406/aru.2013.3205, lire en ligne), page 39, note 4.
- Yves Burnand, « Un aspect de la géographie des transports dans la Narbonnaise rhodanienne : les nautes de l'Ardèche et de l'Ouvèze », Revue Archéologique de Narbonnaise, no 4, 1971.
- Hélène Fatoux, Les Métiers d'eau au temps jadis dans nos régions, Éditions Amatteis, , p. 24.
- Évocation du projet de reconstitution sur le site de l'INRAP.
- Dossier de presse de l'opération de relevage du chaland.
- visite virtuelle du chantier de fouille par l'INRAP.
- Les bateaux du parc Saint-Georges : une découverte exceptionnelle, Archéologie fluviale.
- résumé du n°25 de la revue archéologie neufchâteloise consacré au projet de réplique du chaland.
- Alfred Terfve, Le remontage des barques gallo-romaines de Pommeroeul (Belgique) [Étape nécessaire de l'étude archéologique?], Archéonautica, volume 14, 1998.
Voir aussi
modifierBibliographie
modifier- Yves Burnand, « Un aspect de la géographie des transports dans la Narbonnaise rhodanienne : les nautes de l'Ardèche et de l'Ouvèze », Revue archéologique de Narbonnaise, t. 4, , p. 149-158
- François de Izarra, Pedro Sánchez Gómez, Le fleuve et les hommes en Gaule romaine, Errance, , p. 173-185