Nafanua est une ali'i (chef/reine) historique et une toa (guerrière) des Samoa du clan Sā Tonumaipe'ā, possédant quatre titres de pāpā (district) qui constituent les principaux titres ali'i des Samoa[1]. Après sa mort, elle est déifiée et entre dans la mythologie polynésienne en tant que déesse de la guerre.

Il existe des traditions orales historiques et mythologiques sur la famille et la vie de Nafanua. Elle aurait joué un rôle crucial dans les guerres civiles entre les districts de l'est et de l'ouest de Savai'i, l'île principale de l'archipel samoan.

Exemple de tiputa (chemise), semblable à celle portée par Nafanua pendant les guerres.

Biographie modifier

Famille modifier

Selon la mythologie samoane, Nafanua est la fille de Saveasi'uleo, lui-même considéré comme un demi-dieu et ali'i de Pulotu[2] :39. Pulotu est à la fois un lieu historique et un lieu de l'au-delà pour les guerriers des Samoa (comparable au concept viking du Valhalla ). Dans une tradition orale, la mère de Nafanua est Tilafaiga, une des deux sœurs jumelles légendaires (avec Taema), qui apportèrent le tatouage malu aux Samoa.

Légende guerrière modifier

Nafanua reçoit le titre de toa tama'ita'i (princesse guerrière) pour avoir vengé son oncle et apporté la paix à Savai'i grâce à ses victoires militaires. Son village, Falealupo, est situé à l'ouest de l'île de Savai'i.

À l'époque de Nafanua, les côtes est et ouest de Savai'i étaient engagées dans une guerre pour la terre et la suprématie de l'île entière. Dans la culture samoane, une famille est plus prestigieuse quand elle possède beaucoup de terres ; et les membres de la famille (en particulier les hommes) reçoivent des titres de propriété plus importants et une plus grande part de la terre. Selon la tradition orale, lorsque le grand chef Lilomaiava faisait prisonnier quelqu'un du côté est de l'île, il le forçait à grimper la tête en bas sur un cocotier en guise de punition publique.

L'un des villageois capturés par Lilomaiava s'appele Ta'i'i, l'oncle de Nafanua et le frère aîné de Saveasi'uleo. Ta'i'i est puni et forcé de grimper sur le cocotier les pieds en premier. Alors qu’il grimpe sur le cocotier, la douleur et l’humiliation le poussent à soupirer bruyamment. Les soupirs de Ta'i'i sont entendus par Saveasi'uleo et Nafanua. Cela met Savesi'uleo en colère et il dit à Nafanua de se préparer à la guerre et d'abattre l'arbre Toa. Le bois de l'arbre doit être utilisé pour fabriquer des armes destinées à chasser Lilomaiava et son armée.

Immédiatement, Nafanua coupe l'arbre Toa et le laisse sécher sur place. Quelques jours plus tard, elle retourne voir l'arbre Toa et découvre qu'il a attiré de nombreux pule (coquillages). Nafanua dit alors : « E gase toa ae ola pule ». Littéralement, cela signifie que les coquillages sont vivants mais que l'arbre Toa est mort. Métaphoriquement cela signifie que même si nous possédons une grande force et un grand pouvoir en tant qu’êtres humains, nous ne réussirons pas si nous n’avons pas la sagesse et le courage nécessaires pour prendre la bonne décision.

Nafanua fabrique alors quatre armes à partir du bois Toa (ou bois Koa).

Avant de partir au combat, Saveasi'uleo ordonne à Nafanua : « A pa'ia le pa i Fu'alaga, a'e le tuli au'a le Ali'i o Aiga ». Son père donne l'ordre à Nafanua d'arrêter de tuer lorsqu'elle atteint le village de Fualaga. Au cours de la bataille, Nafanua repousse l'ennemi vers la frontière de son propre territoire. Une tradition veut qu'elle ait oublié l'ordre de son père, et ce n'est que lorsque le vent se met à souffler assez fort pour soulever ses tiputa (vêtements), révélant ses seins, qu'elle s'en souvient. Les guerriers ennemis se sentent honteux lorsqu'ils se rendent compte qu'ils ont été surclassés par une femme et décident d'arrêter les combats[3].

Après sa victoire, Nafanua prend possession des quatre principaux titres de chef de district : Tui Atua, Tui A'ana, Gato'aitele et Tamasoali'i, reconstituant le fa'amatai (système de gouvernement de chef) qui perdure encore aujourd'hui aux Samoa[3].

Il existe différentes interprétations de ces événements, mais Nafanua est largement reconnu en Polynésie comme l'un des plus grands guerriers de l'histoire.

Armes de Nafanua modifier

Ces armes sont dorénavant considérées comme les armes traditionnelles samoanes et sont aujourd'hui davantage utilisées comme objets décoratifs.

Ta Fesilafa'i modifier

C'est la première et principale arme que Nafanua utilise la plupart du temps pendant la bataille. Elle a la forme d'un large hameçon tourné vers l'extérieur et comporte trois à quatre dents pointues orientées latéralement. En temps de guerre, cette arme est simple et non peinte ou décorée.

Fa'auli'ulito modifier

C'est l'arme que Nafanua fabrique et donne à Matuna et Matuna pour qu'ils l'utilisent pendant les combats. Elle leur demande d'attaquer l'ennemi par le côté, afin qu'elle puisse rencontrer l'ennemi au centre et tenter de parvenir à un compromis de paix et d'harmonie. Elle demandé à Matuna et Matuna de faire attention car il lui est difficile de repérer l'ennemi. L'arme ressemble à un simple bâton mais présente un bord arrondi, épais, lourd et large.

Ulimasao modifier

Il s'agit d'une arme considérée comme une arme de secours destinée à mettre fin à la guerre et à rétablir la paix. Le mot « Ulimasao » signifie également « conduire en sécurité ». Elle a la forme d'une pagaie de canoë avec des côtés ronds et lisses et un bord pointu.

Fa'amategataua modifier

Cette arme est une arme de réserve et considérée comme l'arme la plus dangereuse de toutes. En fait, selon Silivelio Suafo'a (orateur de cette légende), cette massue de guerre n'a jamais été destinée à être utilisée. Heureusement, Nafanua n’a pas besoin d’utiliser cette quatrième arme appelée « Arme de la Mort ». La légende raconte qu'elle est si puissante que si elle est utilisée, elle tuerait tout le monde, y compris sa famille. Cette arme a la forme d’une lance mais possède des dents des deux côtés. Le nombre de dents varie de cinq à sept.

Falealupo modifier

Aux Samoa, le village de Falealupo, à l'ouest de Savai'i, abrite la maison de Nafanua[4]. Falealupo est également le site de l'entrée dans le monde des esprits pulotu[5] :123. Pendant longtemps, les chefs de villages et même d'îles lointaines venaient à Falealupo pour demander la bénédiction de Nafanua avant de se lancer dans une opération militaire. En 1989, les chefs et orateurs de Falealupo décernent officiellement le titre honorifique de Nafanua à l'ethnobotaniste Paul Alan Cox (en) pour ses efforts de conservation visant à protéger la forêt tropicale samoane[6].

C'est à Falealupo, selon une tradition, que Nafanua prédit l'arrivée du christianisme. Après des années de guerre, Malietoa Fitisemanu veut unir les Samoa et mettre fin à l'effusion de sang, alors il vient rencontrer Nafanua. Après plusieurs jours, Nafanua émet une prophétie à propos de Malietoa Fitisemanu, « Fa'atali i lagi se ao o lou malo » (Attendez au ciel une couronne pour votre royaume). En 1830, le missionnaire John Williams arrive sur les rives de Sapapali'i et apporte la Bible pour la mettre entre les mains de Malietoa Vainu'upo, le fils de Malietoa Fitisemanu. Ainsi, Malietoa Vainu'upo devient connu comme « le roi que Samoa écoute ». Malietoa devient un des rois des Samoa et joue un rôle déterminant dans l'unification de l'ensemble des Samoa. Beaucoup considèrent que ces événements accomplissent la prophétie de Nafanua [3],[7] :58.

Hommages modifier

Voir aussi modifier

Références modifier

  1. Morgan Tuimalealiifano, O Tama a ʻāiga:The Politics of Succession to Sāmoa's Paramount Titles, Suva, University of the South Pacific, (ISBN 9789820203778, lire en ligne)
  2. Isaia Malopa'upo, Coming of Age in American Anthropology: Margaret Mead and Paradise, Universal-Publishers, (ISBN 9781581128451, lire en ligne)
  3. a b et c Lesuma, « Sā Nafanuā: Reconstituting Nafanua as Female Empowerment in Samoan Diasporic Literature », The Journal of American Folklore, vol. 132, no 525,‎ , p. 265–6 (ISSN 0021-8715, DOI 10.5406/jamerfolk.132.525.0260, S2CID 199274411)
  4. « Samoa: Cure aids conservation by Michael Field » [archive du ], New Zealand Listener
  5. George Turner, Samoa, a Hundred Years Ago and Long Before, Echo Library, (ISBN 9781406833713, lire en ligne)
  6. P. A. Cox et W.H. Freeman, Nafanua: Saving the Samoan Rain Forest, New York,
  7. Alex Calder, Jonathan Lamb et Bridget Orr, Voyages and Beaches: Pacific Encounters, 1769-1840, Honolulu, University of Hawaii Press, , p. 58