Mira (film)

film sorti en 1971
Mira
Description de cette image, également commentée ci-après
Willeke van Ammelrooy devant les affiches du film
lors de la première à Amsterdam, le .
Réalisation Fons Rademakers
Acteurs principaux
Pays de production Drapeau de la Belgique Belgique
Drapeau des Pays-Bas Pays-Bas
Genre Drame
Durée 95 minutes
Sortie 1971

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution.

Mira est un film dramatique belgo-néerlandais de Fons Rademakers sorti en 1971 sur un scénario de Hugo Claus et de Magda Reypens avec Willeke van Ammelrooy et Jan Decleir dans les rôles principaux. L'histoire est basée sur le roman Le Déclin du Waterhoek (titre original néerlandais : De teleurgang van den Waterhoek) de Stijn Streuvels.

Liminaire modifier

Même si Mira s'inscrit dans la lignée de multiples adaptations de romans flamands au cinéma comme Monsieur Hawarden (1969), Rolande met de bles (Chronique d'une passion, 1972), Het dwaallicht (1972), Dood van een non (Mort d'une nonne, 1976) ou Kasper in de onderwereld (1979), ce film est cependant l'un des premiers qui annonce l'éclosion d'un cinéma flamand, toujours et principalement basé sur l'adaptation d'œuvres de grands écrivains flamands. Des films comme Le Conscrit, d'après le roman De loteling d'Hendrik Conscience (1974), et Pallieter, d'après le roman éponyme de Félix Timmermans (1976), tous deux réalisés par Roland Verhavert, ont suivi le succès tant national qu'international de Mira.

Genèse du film modifier

 
Stijn Streuvels par Modeste Huys (1915)
Letterenhuis, Anvers

Hommage à Stijn Streuvels modifier

Hugo Claus, afin d'honorer Stijn Streuvels, désirait adapter au cinéma une œuvre de ce romancier flamand. Son choix se porte sur De teleurgang van den Waterhoek[1], un roman qui a fait l'objet d'un énorme scandale lors de sa parution en 1927. Il en rédige un scénario qu'il propose à Fons Rademakers, un réalisateur néerlandais avec qui il avait déjà collaboré en 1958 pour Village au bord du fleuve (Dorp aan de rivier) et en 1961 pour Le Couteau (Het mes). L'impératif est que le film devait sortir l'année du centenaire de la naissance de Stijn Streuvels, né en 1871.

Le roman de Stijn Streuvels modifier

Le romancier belge Stijn Streuvels (1871-1969) s'est basé sur des faits réels s'étant produits à Avelgem (Flandre-Occidentale) en 1905 pour écrire son livre Le Déclin du Waterhoek (en néerlandais : De teleurgang van den Waterhoek), paru en 1927. Le sujet du roman est le vain combat de quelques habitants de cette localité flamande contre la construction d'un pont sur l'Escaut, le pont du Waterhoek. Streuvels, qui travaillait à l'époque dans une boulangerie familiale à Avelgem, y ajoute le personnage secondaire de Mira, inspiré par un amour de jeunesse, une jeune fille de vingt ans prénommée Marie. Ce drame paysan, dans une Flandre en pleine transformation, mêle crimes, désirs et amour fou pour une femme indépendante et sensuelle qui brise toutes les conventions sociales.

Le roman laisse la victoire à la technique, au modernisme et à la jeune génération.

Conception du film modifier

Fons Rademakers était en discussion en 1969 avec Stijn Streuvels — âgé de 97 ans à l'époque — lorsque celui-ci décéda.

Le réalisateur pensait initialement titrer son film De brug (Le Pont) quand il se rendit compte que le personnage de Mira, interprété de façon sensuelle par Willeke van Ammelrooy, en ferait un titre plus accrocheur.

Synopsis modifier

 
Le « pont Mira » à Hamme.

Waterhoek est un hameau au bord de l'Escaut où les habitants vivent volontairement isolés. À la suite de la venue d'un ingénieur chargé de la construction d'un pont, certains habitants craignent de perdre leur indépendance et leur quiétude pour certains, leur emploi pour d'autres (comme pour Deken Broeke, le passeur d'eau). Mira, une séduisante villageoise, hésite entre l'amour que lui portent deux hommes, Lander ou l'ingénieur Maurice.

Résumé modifier

Sous la conduite de Deken Broeke, quelques habitants de Waterhoek tentent de s'opposer à la construction d'un pont devant remplacer le bac existant. Lander Broeke, le fils de Deken, et deux comparses agressent l'arpenteur et ses assistants, ce qui entraîne la noyade et la mort de deux d'entre eux. La gendarmerie, après une poursuite effrénée à cheval, parvient à arrêter Lander. Sa maîtresse, la belle Mira, reste apparemment insensible, tandis que Maurice Rondeau, l'ingénieur chargé de superviser la construction du pont, tombe vite sous le charme de Mira. Timide et gentil, Maurice est tout le contraire de Lander. Le beau-fils de Deken, Sieper, choisit le progrès et se charge de procurer une cinquantaine d'ouvriers à l'entrepreneur pour construire le pont.

Deken Broeke, dans une ultime tentative, tente de détruire le pont, mais Sieper l'en empêche et l’assomme.

Mira épouse Maurice et inaugure le pont en robe de mariée. Cependant, le mariage échoue[2],[3] et Maurice part au Congo. Mira quitte Waterhoek, traverse le pont dans la voiture du notaire et s'en va découvrir le vaste monde.

Fiche technique modifier

 
Bac à chaîne (modernisé) d'un passeur d'eau

Équipe technique modifier

Dates et lieux de tournage modifier

Le film a été tourné du début de l'été 1970 à octobre de la même année, en grande partie à Berlare et notamment à la maison du passeur d'eau et au passage d'eau entre Appels et Berlare. Les rues villageoises sont celles de Nevele. L'hôtel est à Hingene, le café à Hansbeke et la maison de la mère de l'ingénieur à Bruxelles.

Les scènes du pont ont été enregistrées aux alentours du pont tournant sur la Durme à Hamme. Ce pont, connu depuis sous le nom de pont Mira, a été inauguré en 1900 et a entre-temps été dédoublé par un autre ouvrage d'art, plus adéquat au trafic moderne[5].

Distribution modifier

Acteurs principaux modifier

Pour la copie belge du film, Mia Van Roy, une actrice flamande, a doublé la voix de Willeke van Ammelrooy dont l'accent est typique des Pays-Bas

Acteurs de second plan modifier

Les acteurs modifier

 
Willeke van Ammelrooy en 1973

La jeune comédienne néerlandaise Willeke van Ammelrooy, qui interprète le rôle-titre et dont Mira est son premier film de long-métrage, est devenue instantanément célèbre dès la sortie du film. Elle avait commencé sa carrière en 1966 dans un documentaire de Joris Ivens, Rotterdam Europort, puis avait joué dans trois téléfilms ainsi que dans trois courts métrages. L'actrice a touché un cachet de 7 500 florins (à peu près 3 700 euros) pour sept semaines de tournage.

À ses côtés, le jeune anversois Jan Decleir, pratiquement inconnu lui aussi, profita de l'aura de ce film pour entamer une carrière internationale.

Caractère des protagonistes modifier

  • Mira, 19 ans
  • Deken Broeke, 75 ans
  • Lander, 28 ans
  • Sieper, 40 ans
  • Maurice, 30 ans

Prix et nominations modifier

Mira a été présenté au Festival de Cannes 1971 en sélection officielle en compétition.

En 1971, le film a obtenu un prix au festival du film de Cork (Irlande) et le Diplôme du mérite à celui d'Édimbourg.

Différences notables entre les œuvres romanesque et cinématographique modifier

Si le film suit relativement la trame du roman de Stijn Streuvels, quelques divergences peuvent être relevées :

  • Le film ne traite aucunement de Gitta, la maman de Mira, ni de la prime jeunesse de celle dernière
  • Mira est plus jeune — et également moins présente — dans le roman que dans le film
  • Le pont n'est pas de même conception, pont Vierendeel dans le roman et pont tournant dans le film
  • Hugo Claus ajoute des scènes dans le scénario, comme celle du retour de France des travailleurs saisonniers, — appelés « les flamins » dans ce pays — qui se plaignent sur leur sort ainsi que celle de la chauve-souris
  • Le scénariste intervertit certaines scènes ; ainsi ce n'est qu'à la fin du roman que Mira et Maurice font connaissance et courtisent, alors que, dans le film, Mira hésite entre Lander — qui n'a pas encore commis son crime — et Maurice
  • La séquence où Lander est poursuivi par les gendarmes — une scène d'anthologie — se déroule en partie dans les bois, alors que dans le roman, c'est dans un champ que Lander est traqué
  • Dans le film, Deken Broeke essaie de détruire le pont déjà construit, alors que dans le roman il s'attaque aux fondations d'une des culées en construction
  • Le notaire du village — interprété par le réalisateur lui-même — occupe une place plus importante dans le film et se déplace en voiture laquelle n'est jamais mentionnée dans le livre
  • La mère de l'ingénieur Maurice, présente dans le roman uniquement de par leur correspondance, est un personnage dans le film
  • Mira inaugure le pont en robe de mariée, alors que, dans le roman, sa séparation d'avec Maurice est déjà accomplie lors de cette cérémonie

Le nu dans Mira modifier

Mira a été produit après mai 68, les années hippies, le festival de Woodstock et la comédie musicale Hair, ce qui fait que, embrayant sur cette vague de liberté, Mira soit l'un des premiers films belges ou hollandais où il y eut tant de scènes de nu.

Willeke van Ammelrooy avait cependant exigé que le moins de monde soit présent sur le plateau lors de l'enregistrement de telles scènes et, en outre, que ses poils pubiens ne soient pas visibles à l'écran. Ce n'est que lors de l'avant-première que l'actrice s'est rendu compte que le réalisateur n'avait pas respecté ce dernier souhait. Selon Rademakers, ces scènes ont contribué à la publicité et au succès du film.

La production cinématographique néerlandaise fut ensuite essentiellement composée de films érotiques[6] ce qui caractérise le cinéma néerlandais des années 1970.

Réception critique et audience modifier

Aux Pays-Bas, le film a été vu par 430 265 spectateurs et est le quatrième film le plus regardé en 1971. En Belgique, le film a comptabilisé quelque 642 000 entrées et a longtemps été le film belge ayant eu le plus d'audience. Ce n'est qu'en 1987 que le film Hector de Stijn Coninx l'a dépassé.

Postérité modifier

Le film eut un tel retentissement que, outre le pont sur la Durme rebaptisé pont Mira, le hameau de la commune de Berlare où ont été tournées la plupart des scènes du film a été renommé Waterhoek, ainsi que la rue qui y passe. De même, la zone de police Avelgem-Anzegem-Waregem où se sont réellement passés les faits décrits dans le film a été appelée « politiezone Mira ».

Une sculpture en bronze réalisée en 1975 par Marnix Verstraeten, Mira van de Waterhoek a été installée et inaugurée en 1997 à Avelgem[7]. Elle est dressée dans le quartier de Rugge, Doorniksesteenweg.

Plusieurs promenades et routes pour cyclistes, tant à Hamme qu'à Avelgem[8], portent le nom du personnage central du film ou de Waterhoek.

Bibliographie modifier

  • (nl) Piet Thomas (sous la direction), De huid van Mira[9], Tielt : Lannoo, 1998, 388 p., numéro spécial du Jaarboek van het Stijn Streuvelsgenootschap, no 4 (ISBN 90-209-3634-4)
Contient le scénario intégral du film Mira par Hugo Claus
  • (nl) Jules Lampole, Terug in de tijd te Rugge : een volkshistorisch-toponymische wandeling door de wijk Rugge en de Waterhoek naar aanleiding van een eeuw Mirabrug te Avelgem, Avelgem-Waarmaarde : Geschied- en Oudheidkundige Kring van Avelgem, 2006
Œuvre originale[10]
  • (nl) Stijn Streuvels, De teleurgang van den Waterhoek, 1re édition, Brugge : Excelsior, 297 p., 1927
  • (nl) Stijn Streuvels, De teleurgang van den Waterhoek, 2e édition revue par l'auteur[11], Anvers : Staandaard-Boekhandel, 321 p., 1939
  • Stijn Streuvels, Le Déclin du Waterhoek, traduit du néerlandais par Betty Colin, Courtrai : Zonnewende, 311 p., 1943

Notes et références modifier

  1. D'autres romans de Stijn Streuvels avaient été précédemment adaptés au cinéma. Ainsi, en 1943, le roman De vlaschaard adapté par Boleslaw Barlog sous le titre Wenn die Sonne wieder scheint — Jan Gruyaert adaptera par après ce même roman en 1983 sous le titre homonyme De vlaschaard — et, en 1963, Émile Degelin réalise Leven en dood op het land adapté du roman du même nom
  2. La figure romanesque de Maurice Rondeau est basée sur celle de Maurice Mostaert, marié en 1905 avec Maria Vermeeren et dont le mariage n'a pas tenu. (H. Speliers, Dag Streuvels. Ik ken den weg alleen, Leuven : Kritak, 1994, p. 491-496)
  3. (nl) De teleurgang van den Waterhoek, avec une photo de Maria Vermeeren, sur le site streuvels.be
  4. « Teloorgang », est un mot patoisant dérivé de « teleurgang » (traduction française : déclin)
  5. (nl) Le pont Mira à l'inventaire du patrimoine
  6. (nl) Allemaal film, aflevering 3: De gouden jaren
  7. « Sculptuur Mira van de Waterhoek », sur inventaris.onroerenderfgoed.be
  8. Waterhoekroute, circuit pour cyclistes
  9. (nl) De huid van Mira, extraits
  10. Il existe à ce jour quatorze éditions en néerlandais du roman. À partir de la septième édition de 1970, suivant les prescriptions de la rectification de l'orthographe néerlandaise, le titre a été modifié en De teleurgang van de Waterhoek.
  11. En fait, Stijn Streuvels s'est auto-censuré. Si certaines descriptions ont été enrichies, Streuvels a surtout supprimé certaines parties de son roman afin de le rendre plus compact, et donc mieux vendable. Enfin certains passages dont le contenu trop érotique ou contraire aux mœurs de l'époque ont été supprimés, principalement après que la hiérarchie catholique eut menacé de retirer le roman des bibliothèques catholiques (« Een nieuwe editie van De teleurgang van den Waterhoek », in: De huid van Mira, p. 83-111.

Voir aussi modifier

Articles connexes modifier

Liens externes modifier

Sur les autres projets Wikimedia :