Loi de composition de Gauss

loi de composition sur les formes quadratiques binaires entières

En mathématiques, en théorie des nombres, la loi de composition de Gauss est une règle, découverte par Carl Friedrich Gauss, utilisée effectuer une opération binaire sur des formes quadratiques binaires entières (FQBE). Gauss a présenté cette règle dans ses Disquisitiones Arithmeticae[1], un manuel de théorie des nombres publié en 1801, aux articles 234 à 244. La loi de composition de Gauss est l'un des résultats les plus profonds de la théorie des FQBE, et sa formulation ainsi que les preuves de ses propriétés telles que données par Gauss sont généralement considérées comme très compliquées et très difficiles[2]. Plusieurs mathématiciens ont ultérieurement simplifié la formulation de la loi de composition et l'ont présentée sous un format adapté aux calculs numériques. Le concept a également trouvé des généralisations dans plusieurs domaines.

Formes quadratiques binaires entières

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Une expression de la forme  , où   sont tous entiers, est appelée forme quadratique binaire intégrale (FQBE). La forme   est appelé une FQBE primitive si   sont premiers entre eux. La quantité   est appelé le discriminant de la FQBE  . Un nombre entier   est le discriminant d'un FQBE si et seulement si  .   est appelé discriminant fondamental si et seulement si l’une des affirmations suivantes est vraie :

  •   et est sans facteur carré,
  •    et   est sans facteur carré.
  • Si   et   alors   est dite définie positive
  • Si   et   alors   est dite négative définie
  • Si   alors   est dit indéfinie.

Équivalence des FQBE

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Deux FQBE   et   sont dites improprement équivalentes si

  et  

On notera   lorsque   et   sont équivalents.   est une relation d'équivalence. La classe d'équivalence de   est noté   .

On dit que deux FQBE   et   sont équivalentes (ou proprement équivalents) s'il existe des entiers   tels que

  et  

Il s'agit également d'une relation d'équivalence.

Le discriminant est un invariant d'équivalence (propre et impropre)

Formulation de Gauss de la loi de composition

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Contexte historique

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L'identité suivante, appelée identité de Brahmagupta, était connue du mathématicien indien Brahmagupta qui l'utilisa pour calculer des approximations fractionnaires de racines carrées d'entiers positifs :

 

En écrivant   cette identité peut être réécrite sous la forme suivante :

   .

La loi de composition des FQBE de Gauss généralise ceci à une identité de la forme    sont toutes des FQBE et   sont des combinaisons linéaires des produits  .

La loi de composition des FQBE

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Soient les FQBE suivants :

 
 
 

S'il est possible de trouver des entiers   et   tel que les six nombres suivants

 
 

soient premiers entre eux et tels que si

  .

on a l'égalité suivante

 

alors on dit que   est une composée des formes   et  . On peut noter qu'un composéee de deux FQBE, s’il existe, n’est pas nécessairement unique.

Exemple

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Soient les FQBI suivantes :

 
 
 

On pose

 

On a

  ,
  .

Ces six nombres sont bien premiers entre eux.

De plus, soient

  .

On peut alors vérifier que

 
 

Ainsi   est une composée de   et   .

Un algorithme pour trouver le composite de deux FQBE

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L'algorithme suivant peut être utilisé pour calculer une composée de deux FQBE[3].

Algorithme

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Étant donné les FQBE suivantes ayant le même discriminant   :

 
 
 
  1. Calculer  
  2. Calculer  
  3. Calculer   tel que  
  4. Calculer  
  5. Calculer  
  6. Calculer  
  7. Calculer  
  8. Calculer
 
 

Alors   de sorte que   est une composée de   et   .

Propriétés de la loi de composition

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Existence de la composée

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La composée de deux FQBE existe si et seulement si elles ont le même discriminant.

Formes équivalentes et loi de composition

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Soient   des FQBE tels que :

 

Si   est une composée de   et  , et   est un composée de   et  , alors

 

Une opération binaire

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Soit   un entier fixé et   l'ensemble de toutes les FQBE primitives de discriminant  . Soit maintenant   l'ensemble des classes d'équivalences de   pour  . Soient   et   deux éléments de  . Si   est une composée des FQBE   et   dans  , on définit l'opérateur binaire   par :

 

Le groupe  

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  •   est un groupe abélien fini
  • L'élément neutre de   est 
  • L'inverse de   est  .

Approche moderne de la loi de composition

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L'esquisse suivante de l'approche moderne de la loi de composition des FQBE est basée sur une monographie de Duncan A. Buell[4]. Le livre peut être consulté pour plus de détails et pour des preuves de toutes les propriétés énoncées ci-après.

Nombres algébriques quadratiques et entiers

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Soit   l'ensemble des entiers. Dans cette section, nous appelerons entiers rationnels les éléments de   pour les distinguer des entiers algébriques, qu'on redéfinit ici :

Un nombre complexe   est un nombre algébrique quadratique s'il satisfait une équation de la forme

  avec   .

  est un entier algébrique quadratique s'il satisfait une équation de la forme

  avec  

Les nombres algébriques quadratiques sont des nombres de la forme

  avec  , où   est sans facteurs carrés.

L'entier   est appelé la radicande de l'entier algébrique  . La norme du nombre algébrique quadratique   est définie comme suit :

  .

Soit   le corps des nombres rationnels. Le plus petit corps contenant   et un nombre algébrique quadratique   est l'extension quadratique de   dont la base de transcendance est  . Elle est notée notée  . On peut montrer qu'on a en fait :

 
 

Soit   un entier rationnel sans facteurs carrés. L'ensemble des entiers algébriques quadratiques de radicande   est noté  . On montre qu'on a en fait :

 

  est un anneau pour l'addition et la multiplication ordinaires.

Soit

 

alors

  .

Idéal d'un corp quadratique

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Soit   un idéal de   (c'est-à-dire soit   un sous-ensemble non vide de   stable par addition et fortement stable par multiplication). Alors on peut trouver   tel que n'importe quel élément de   peut être représenté de manière unique sous la forme   avec  . Une telle paire d'éléments dans   est appelé une base de l'idéal  . On écrit alors  .

La norme de   est défini par :

  .

La norme est indépendante du choix de la base.

Quelques idéaux particuliers

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  • Le produit de deux idéaux   et  , noté  , est l’idéal engendré par les combinaisons  -linéaires de  .
  • Un idéal fractionnaire est un sous-ensemble   de   pour lequel les deux propriétés suivantes sont vérifiées :
  1. Pour tous   et pour tous  ,  
  2. Il existe un entier algébrique   tel que pour chaque  ,  
  • Un idéal   est appelé idéal principal s’il existe un entier algébrique   tel que   . Cet idéal principal est alors noté   .

On peut également prouver ce théorème important :

« Étant donné un idéal (intégral ou fractionnaire)  , il existe un idéal intégral   dtel que   est un idéal principal. »

Une relation d'équivalence sur l'ensemble des idéaux

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Deux idéaux (intégraux ou fractionnaires)   et   sont dit équivalents (on note alors  ), s'il existe un idéal principal   tel que   . Ces idéaux sont dits étroitement équivalents si la norme de   est positive. Ces relations sont des relations d'équivalence.

Les classes d'équivalence (respectivement classes d'équivalence étroites) des idéaux fractionnaires d'un anneau d'entiers algébriques quadratiques   forment un groupe abélien pour la multiplication des idéaux. L'élément neutre du groupe est l'ensemble des idéaux principaux (ou, pour l'équivalence étroite, l'ensemble des idéaux principaux de norme positive ). Les groupes de classes d'idéaux et de classes étroites d'idéaux sont appelés le groupe des classes et le groupe étroit des classes de   .

Formes quadratiques binaires et classes d'idéaux

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Le résultat principal qui relie les FQBEs et les classes d’idéaux peut maintenant être énoncé comme suit :

Le groupe des classes de formes quadratiques binaires de discriminant   est isomorphe au groupe étroit des classes du corps  .

Approche de Bhargava

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Cube de Bhargava avec les entiers a, b, c, d, e, f, g, h aux coins

Manjul Bhargava, mathématicien canado-américain lauréat de la médaille Fields, a introduit une configuration, appelée cube de Bhargava, de huit nombres entiers   (voir figure) qui permet d'étudier les lois de composition des formes quadratiques binaires et d'autres formes similaires. En définissant les matrices associées aux faces opposées de ce cube comme indiqué ci-dessous

  ,

Bhargava construit trois FQBEs comme suit :

 

Bhargava a établi le résultat suivant reliant un cube de Bhargava à la loi de composition de Gauss[5] :

Soit un cube   et   les trois formes quadratiques binaires primitives données par  , alors   ont le même discriminant, et le produit de ces trois formes est l'élément neutre dans le groupe défini par la composition de Gauss. Inversement, si   sont trois formes quadratiques binaires primitives du même discriminant dont le produit est l'identité sous la composition de Gauss, alors il existe un cube   donnant  .

Références

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  1. Carl Friedrich Gauß et Arthur A. Clarke, Disquisitiones arithmeticae, Yale Univ.Pr, (ISBN 978-0-300-09473-2)
  2. D. Shanks, Number theory and applications, volume 265 of NATO Adv. Sci. Inst. Ser. C Math. Phys. Sci., Dordrecht, Kluwer Acad. Publ., , 163 - 178, 179 - 204
  3. Duncan A. Buell, Binary Quadratic Forms: Classical Theory and Modern Computations, New York, Springer-Verlag, , 62–63 p. (ISBN 978-1-4612-8870-1)
  4. Duncan A. Buell, Binary Quadratic Forms: Classical Theory and Modern Computations, New York, Springer-Verlag, (ISBN 978-1-4612-8870-1)
  5. Manjul Bhargava, Higher composition laws and applications, in Proceedings of the International Congress of Mathematicians, Madrid, Spain, 2006, European Mathematical Society,

Modèle:Carl Friedrich Gauss