Laminoir
Un laminoir est à l'origine une machine manuelle, dérivée d'un outil du XVe siècle, pour laminer un métal par passage entre deux cylindres d'axes parallèles et tournant le plus souvent en sens inverse. Il correspond aussi à un atelier où est installé ce type de machines ou de dispositifs plus modernes démultipliant les cylindres compresseurs, ce qui devient, dans l'actuelle version industrielle, une vaste installation. Un laminoir effectuant l'opération dite de laminage permet de mettre en forme, le plus souvent à chaud, le matériau fer, notamment les divers types de fer ou d'aciers, sans oublier les métaux non ferreux comme, par exemple, l'aluminium et ses alliages, le plomb, les métaux précieux comme l'or ou l'argent, tous ces métaux étant suffisamment malléables[1].
Cette opération métallurgique correspondant autrefois à l'art de laminer ou de fabriquer des lames, à chaud ou à froid, utilise en particulier la compression variable lors du défilement entre divers rouleaux rotatifs pour renforcer la cohésion interne du métal ou de l'alliage, et surtout amincir les formes métalliques en tôles ou en feuilles, voire en bandes après découpe, pour les allonger en billettes ou en barres (de) plus ou moins fines, les renforcer en poutres ou poutrelles pour le bâtiment, en rails pour les chemins de fer, ou les réduire en profilés etc. Des dispositifs de raccordement permettent aussi de former des tuyaux, alors que la réduction progressive de taille par filières, générant du fil métallique suffisamment tenace reste spécifique d'un atelier de tréfilerie adjoint.
Laminage
modifierSur le procédé de déformation plastique et les techniques modernes :
L'art du laminage est ancien puisqu'il s'agit de fabriquer des lames ou "réduire le métal en lames" en un sens restreint[2]. Le mot latin classique lāmǐna,æ de genre féminin, racine observable du verbe transitif "laminer", à l'origine du terme laminage, désigne en effet une lame[3]. Une lame, mot polysémique en français, correspond toujours en un sens technique spécifique à la partie métallique d'un instrument ou d'un outil propre à couper, à trancher, à diviser, à sectionner etc.
Laminer signifie, dans le vocable actuel du travail des métaux ou de l'ancienne forge, "faire subir à un matériau une déformation permanente par passage au laminoir, ou, a minima, entre deux cylindres lamineur" s'il n'est fait usage de marteau[4]. Le laminage industriel de plus grande ampleur peut suivre un formage primaire. Les produits de départ peuvent être des lingots, des brames ou des billettes[5]. Certains produits du laminoir peuvent être transformés en d'autres produits semi-finis lors d'étapes ultérieures.
À la Belle Epoque, une lame désigne dans l'industrie une bande de fer servant à fabriquer des canons de fusil dits à ruban[6]. Le laminage en en métallurgie est l'opération consistant à réduire un métal en lames ou plaques et à lui donner le profil voulu par un étirage[7]. Le laminoir est la machine composée de rouleaux mécaniques munis d'anneaux de profils variés, faisant corps avec eux, et entre lesquels on fait passer en les étirant des lingots chauffés pour les aplatir et les étirer en même temps. Le lexicologue Pierre Larousse définit, de façon large et pragmatique, le laminoir en machine dont on se sert pour donner aux masses métalliques les formes usitées dans le commerce, à l'aide d'une pression et d'une traction exercée sur ces masses[8].
Il existe une multitude de termes techniques associés à ces opérations (laminage, étirage) ou aux composants du laminoir[9]. Le rattrapeur est l'ouvrier qui reçoit à l'aide de pinces les barres de fer à leur sortie du "train de laminoirs", c'est-à-dire après leurs passages contraints entre les cannelures des cylindres. Le train de laminoirs décrit l'ensemble successif des cylindres d'un laminoir, depuis le (premier) dégrossisseur jusqu'au (dernier) finisseur. L'atelier des forges où les barres de fer sont aplaties et ainsi réduite en plaques à l'aide de trains de laminoirs était dénommé applatisserie, autrefois parfois platinerie. L'aplatissoir est un train de laminoirs entre les cylindres duquel on fait passer des barres de fer pour les aplatir. La batterie d'une installation sidérurgique représente l'ensemble des laminoirs, au moyen duquel on étire le fer.
Le laminoir de Dunkerque, employé communément par le groupe Arcelor-Usinor en 1999 pour mettre en forme, jour et nuit, sa production ferreuse issue de sa "sidérurgie sur l'eau", s'étendait sur 500 mètres de long.
Types de machines industrielles
modifierVoici les principaux types de laminoirs, aptes à transformer et façonner des matériaux métalliques[10] :
- laminoirs à produit plat, lointains dérivés des aplatisseurs. Par exemple, en sidérurgie, le laminoir à plaques transformant des bouts de ferraille en feuilles métalliques, le laminoir dégrossisseur changeant une bande en une bobine de métal, le laminoir vertical pour élargir un matériau, le train à bande, le train à froid, le steckel mill etc.
- laminoirs à produits longs, pour former des barres, des poutrelles, des profilés, des rails ou des tubes. A côté des laminoirs universels mentionnons les laminoirs en cannelures.
- laminoirs à fil, très employés par les bijoutiers ou joailliers. Ils sont souvent couplés à un banc à étirer.
- laminoirs à rouleaux coniques, pour la fabrication spécifique de roues pour les divers engins de transport ferroviaire.
Classement selon les produits
modifierEn plus de l'état du matériau, les laminoirs sont nommés en fonction du produit fabriqué :
- Les produits longs sont des produits dont la longueur est bien supérieure à leur épaisseur et leur largeur. Les laminoirs pour produits longs peuvent être :
- laminoir à fils, qui fabriquent des produits enroulés en bobines,
- Laminoirs à poutres, laminoirs d'acier profilé dont les produits sont découpés à la longueur de transport avant expédition (qui peut être de 120 m pour les rails) ;
- Laminoirs à tubes pour la production de tubes en acier.
- Les produits plats larges diffèrent des produits longs en ce que la largeur est beaucoup plus grande que l'épaisseur. Les laminoirs sont divisés en :
- Laminoirs à bande (procédés : laminage à chaud ou laminage à froid),
- laminoirs à anneaux (de),
- laminoirs de tôle (tôle d'acier).
Références
modifier- ↑ Un métal non ferreux se nomme en allemand Nichteisenmetall (de), littéralement un métal privé de fer. Remarquons que toute matière modifiable ou matériau malléable, qui se prête à une mise en forme similaire, peut être passée dans une machine nommée laminoir, ainsi en verrerie, papeterie, dans l'industrie du latex pour la mise en forme du caoutchouc, dans l'industrie alimentaire, en pâtisserie ou boulangerie, en cuisine etc. A une autre échelle de taille, dans l'industrie textile, le laminage des fibres des matières textiles les déforme irréversiblement en très minces rubans, de grande ténuité et homogénéité, favorisant leur disposition au filage.
- ↑ Selon le Dictionnaire du Trévoux, 1752. Retrouver le verbe "laminer" sur le TLFi. Un laminoir est déjà en 1643 une machine qui réduit en lames les métaux.
- ↑ Le dictionnaire latin français de Félix Gaffiot distingue abord au sens premier de mince pièce de métal, de bois, de laine etc. , pièce qui peut être dénommées aussi plaque, feuille, y compris les lames de scies. Ensuite dans diverses acceptions : lame rouge (instrument de supplice), morceau, lingot, pièce de métal par exemple d'or ou d'argent, lobe de l'oreille, jeune coquille de noix.
- ↑ Le Petit Larousse, 2004. Au sens figuré, le verbe laminer signifie trivialement "diminuer jusqu'à détruire". "Laminer quelqu'un" correspond à ruiner la santé de cette personne, ruiner ou mettre à bas ses forces physiques ou psychiques, de même que "passer au laminoir", locution employée par Balzac en 1834, équivaut à "être soumis à de rudes épreuves, voire à un examen sévère".
- ↑ Un lingot de métal se dit en allemand Blockguss (de), autrement une "coulée formée" en bloc compacte.
- ↑ Le ruban est une lame d'acier roulé en spirale dont on fait un canon de fusil. De manière générale, le ruban représente une sorte de fer feuillard obtenu au laminoir.
- ↑ Henry de Graffigny, Dictionnaire des termes techniques, op. cit., entrées lames, laminage, laminoir.
- ↑ Pierre Larousse, op. cit., article laminoir. Au sens figuré, le laminoir représente ainsi une action qui façonne.
- ↑ Notons que le crocodile ou le squeezer étaient des sortes de laminoirs, le débitant une autre sorte de petit laminoir employé par les fabricants de chaines pour aplatir le fil de fer ou le métal précieux constituant une maille. Henry de Graffigny, Dictionnaire des termes techniques, op. cit., entrées associées au mot laminoir.
- ↑ Le laminoir industriel, présenté par l'Usine Nouvelle, op. cit., en lien externe. Nous ne mentionnons pas les laminoirs de l'industrie alimentaire, machine polyvalentes pour l'étalage, l'aplatissement, le découpage des diverses pâtes. Les boulangers, pâtissiers, confiseurs les utilisent pour régler l'épaisseur des feuilles de pâtes ou de produits, en particulier parfois en différentes couches pour les pâtes feuilletées, des pâtes à tartes, des pâtes à croissants.
Bibliographie
modifier- Henry de Graffigny (préf. Max de Nansouty), Dictionnaire des termes techniques employés dans les sciences et dans l'industrie : Recueil de 25.000 mots techniques avec leurs différentes significations., Paris, H. Dunod et E. Pinat éditeurs Imprimerie Deslis Frères (Tours), , 839 p. (lire en ligne), entrées Lames, Laminage et laminoir en métallurgie p. 470-471.
- * Pierre Larousse (dir.), Grand dictionnaire universel du XIXe siècle : français, historique, géographique, mythologique, bibliographique...paru en 17 volumes de 1866-1877, t. 10 L-MEMN, Paris, Administration du grand Dictionnaire universel, , 1494 pages pour le tome 10, entrées laminage avec partie encyclopédique, laminé (adjectif), laminer (verbe), laminerie (atelier), lamineur (ouvrier), laminoir p. 118-119.
- C.A Oppermann (direction de la rédaction) avec E. Deny, ingénieur aux forges de Hayange, "Etude sur la fabrication des fers laminés", "Procédés de laminage des fers spéciaux" et autres études et notes, in Portefeuille économique des machines, de l'outillage et du matériel, 15e année, N°176, Août 1870, J. Baudry éditeur, Librairie polytechnique Ch. Béranger, abonnement chez Dunod éditeur, Paris, page 73-80. Accessible sur gallica.bnf.fr
- Robert Vorpe, Matériaux : XIIe édition, revue et corrigée par René Tamisier, Neuchâtel, Fédération des écoles de mécaniques et d'électricité de la Suisse, , 234 p., Cours de technologie avec table des matières, Chapitre 10 § 10.1 Travail des métaux p. 181: travail par déformation en particulier Forgeage, matriçage et estampage, et surtout laminage p. 184-189.