Juan Carretero Luca de Tena

Juan Ignacio Carretero Luca de Tena (Séville, 1890 - ibidem, 1952) était un journaliste, essayiste et directeur de presse espagnol.

Juan Carretero
Nom de naissance Juan Ignacio Carretero Luca de Tena
Naissance
Séville
Décès (à 61 ans)
Séville
Nationalité Drapeau de l'Espagne Espagne
Profession Journaliste, patron de presse
Autres activités Militantisme andalouciste
Années d'activité 1915-1952
Médias actuels
Pays Espagne
Média Presse écrite
Fonction principale Rédacteur, éditorialiste, directeur
Historique
Presse écrite ABC Madrid (1915-1919) ;
El Noticiero Sevillano (1919-1929) ;
ABC Sevilla (1929-1952)

Neveu du patron de presse Torcuato Luca de Tena, Juan Carretero fit ses premiers pas de journaliste dans le quotidien de son oncle, ABC Madrid. Revenu dans sa ville natale en 1919, il dirigea pendant une dizaine d’années le journal El Noticiero Sevillano, auquel il donna une empreinte libérale-conservatrice. En 1929, ayant été appelé par son oncle à prendre les rênes d’une version sévillane d’ABC, il guida ce nouveau journal, de tendance monarchiste alphonsine, à travers une époque mouvementée, adoptant sous la République un point de vue de plus en plus réactionnaire et se rangeant en juillet 1936 aux côtés des militaires insurgés. Néanmoins, et bien que le journal, alors florissant, ait fait figure de porte-voix du camp nationaliste pendant la Guerre civile, Carretero fut plusieurs fois démis de sa fonction de directeur par le régime, mais, finalement reconduit en 1944, dirigea ensuite le journal jusqu’à sa mort en 1952.

Biographie modifier

Formation et débuts dans la carrière journalistique modifier

Par suite de la mort prématurée de son père, Juan Carretero fut élevé au sein de la famille maternelle, les Luca de Tena[1]. Il entreprit des études de sciences morales et politiques à l’université de Séville, obtint un doctorat à Madrid, puis compléta sa formation supérieure à Genève, en Suisse[2],[1],[3]. Dans sa jeunesse, Juan Carretero fréquenta l’Ateneo de Sevilla, association culturelle où il noua des contacts avec les intellectuels les plus cotés de la ville et s’imprégna en outre des idées andaloucistes, défendues par un groupe de militants sévillans liés à l’Ateneo qui s’attachaient dans les années 1910 à réhabiliter et ressusciter le passé culturel de l’Andalousie, et dont Carretero alla rejoindre les rangs. C'est dans cet esprit qu'il se fit l’auteur d’un ensemble d’articles (qu’il signait la plupart du temps du pseudonyme d’Agustín Torreblanca) et de conférences traitant de l’économie, de l’administration locale, des coutumes et des problèmes sociaux de la région et composant un précieux corpus de documents à l’usage des andaloucistes[3].

 
Torcuato Luca de Tena, oncle et mentor de Juan Carretero.

Il fut initié au journalisme par son oncle Torcuato Luca de Tena, qui lui offrit une fonction de rédacteur au journal ABC de Madrid[4]. Ces années de travail dans la rédaction de cet organe de presse (de 1915 à 1919) sont les seules pendant lesquelles il signa de son propre nom ses articles. (Plus tard, passé à la rédaction d’El Noticiero, et plaçant désormais le journal au-dessus de toute autre préoccupation, il souhaita s'effacer et cessa dès lors de mettre son nom sous ses textes ; on peut présumer toutefois que nombre des éditoriaux d’El Noticiero et de l’ABC de Séville soient de sa plume[1].) Critique reconnu dans la sphère du régionalisme andalou de tendance « historique »[5], il collabora parallèlement à la revue sévillane Bética[6].

À la tête d'El Noticiero Sevillano (1919 à 1929) modifier

En 1918, il s’en retourna dans la capitale andalouse pour se joindre à la rédaction du journal El Noticiero Sevillano[7],[8],[3], qu’il allait diriger de 1919 à 1929. Durant cette période, il sut attirer dans l’équipe rédactionnelle quelques-unes des meilleures plumes de l’époque, parmi lesquelles José María Izquierdo et Juan María Vázquez[3]. Le journal, qui avait été fondé en 1893 puis dirigé par le prolifique Francisco Peris Mencheta et qui était resté jusque dans les années 1920 propriété de la famille, comptait alors parmi les grands périodiques de Séville. Dans les années où Juan Carretero se trouvait à sa tête, le journal bascula de ses anciennes positions conservatrices vers un positionnement plus libéral, adoptant une attitude fort critique vis-à-vis de la dictature de Primo de Rivera ; en particulier, la rédaction se heurta à plusieurs reprises aux autorités municipales imposées par le dictateur, notamment à propos des travaux de construction en vue de l’Exposition ibéro-américaine de 1929, à telle enseigne qu’en Juan Carretero démissionna de sa fonction de membre du Comité de l’Exposition[1].

Directeur d’ABC Sevilla (1929-1952) modifier

Homme de tendance libérale-conservatrice, Juan Carretero fut nommé en 1929 directeur d’ABC Sevilla, version sévillane nouvellement fondée d’ABC Madrid, dont la première édition parut cette même année[9]. Sous la Seconde République, l’ABC madrilène incarnait les intérêts des monarchistes alphonsins, c’est-à-dire du groupe politique appuyant les revendications du roi Alphonse XIII alors en exil. Le nouveau journal ABC de Séville, créé d’après une idée de l’oncle Torcuato Luca de Tena lui-même, affichait la même orientation monarchiste que son homonyme madrilène, mais davantage centré sur les informations régionales et sur la sphère andaloue[10]. L’oncle avait souligné auprès de son neveu que l’ABC sévillan devait se garder d’être un « clone » de l’ABC madrilène ; pourtant, surtout dans les débuts du nouveau journal, les deux versions étaient presque identiques, l’ABC sévillan recevant en effet de Madrid les plaques d’héliogravure, avec y compris leur lot de publicités et leur rubrique nécrologique, comme l’atteste p. ex. la première page du premier numéro d’ABC Sevilla, qui ne faisait que reproduire celle d’ABC Madrid, photographie du monument à Cervantes incluse[1],[11].

Ensuite, tout au long de la période où Juan Carretero se trouva à la tête du journal, celui-ci ne cessa de se consolider et d'augmenter son tirage[12]. Carretero réussit à attirer autour de lui, au détriment de presque toutes les autres rédactions, une équipe rédactionnelle réunissant les meilleurs éléments du journalisme sévillan et se révélant apte à conférer au journal un caractère distinct pendant ses 25 premières années d’existence[3],[1]. Sa bonne tenue de façon générale, et son excellente rubrique locale en particulier, ont présidé au succès immédiat d’ABC Sevilla[1].

 
La une du journal ABC Sevilla du .

Au cours de son long mandat à la tête du journal, Juan Carretero vécut plusieurs périodes difficiles : les dernières mois de la monarchie, les années de la Seconde République, et le coup d’État de juillet 1936 suivi de la Guerre civile[3]. Sous la République, le journal monarchiste alphonsin ABC vira, dans l'une et l'autre de ses deux éditions, vers un conservatisme de plus en plus réactionnaire. Après l’éclatement de la Guerre civile, la version madrilène, quoique désormais aux mains du camp républicain, maintint paradoxalement sa dénomination, de sorte qu’il y eut en Espagne deux ABC d’allégeance contraire. L’ABC de Séville, qui à présent occupait la place laissée par l’ABC de la capitale et accueillait dans ses colonnes les meilleures signatures de l’Espagne nationaliste, connut son apogée pendant le conflit, se diffusant en effet sur la totalité du territoire insurgé et rehaussant encore son tirage[1]. Pourtant, en dépit de ce que la ligne éditoriale avait adopté pendant la Guerre civile une tendance nettement propagandiste favorable aux militaires rebelles, la cohabitation avec les nouvelles autorités ne fut pas exempte de frictions, ainsi que le démontre la destitution de Carretero de la direction du journal à deux reprises, à la faveur du droit que la nouvelle loi sur la presse d’ octroyait au pouvoir franquiste[13],[1].

Sa première mise à l’écart eut lieu en , semble-t-il sur décision de Serrano Suñer, lequel s’était senti dédaigné par le journal[14]. Carretero fut reconduit à la direction du journal le , à la suite de la mort de son suppléant, mais fut à nouveau congédié à peine trois mois plus tard, le [13],[1], au motif qu’il avait autorisé la publication le d’un discours de Queipo de Llano (qui était alors sur le point d'être sèchement limogé et ostracisé par le pouvoir franquiste), dans lequel Queipo se plaignait de ce que la croix laurée de Saint-Ferdinand ne lui avait pas été décernée. Si sans doute le même Serrano Súñer fit opposition au retour de Carretero à la tête du journal, la direction fut en revanche assumée cette fois par un membre de la maison, l’auteur réputé et ami personnel de Carretero, Juan María Vázquez García, qui restera au poste jusqu’à sa mort en , date à laquelle Carretero redevint formellement directeur-gérant du journal, pour le demeurer jusqu’à son décès à Séville en 1952[15],[1]. Au moment où mourut Juan Carretero, ABC Sevilla s’était établi comme le quotidien le plus vendu de Séville et de toute l’Andalousie[1].

Références modifier

  1. a b c d e f g h i j k et l (es) Concha Langa Nuño, « Juan Carretero, destituido dos veces como director de ABC de Sevilla », sur Heraldo de Madrid.
  2. A. Checa Godoy & C. Espejo Cala (2007), p. 267-268.
  3. a b c d e et f M. Alonso González (2006), p. 42.
  4. A. Checa Godoy & C. Espejo Cala (2007), p. 92.
  5. M. Ruiz Lagos (1979), p. 24.
  6. J. Hurtado, J. Ortiz Villalba & S. Cruz (2013), p. 45.
  7. A. Checa Godoy (1991), p. 487.
  8. M. J. Comellas (1991), p. 66.
  9. A. Checa Godoy & C. Espejo Cala (2007), p. 268 & 286.
  10. (es) Paris González-Albo Manglano, « La imagen de Maimónides en la España contemporánea : su VIII centenario a través de la prensa (1935) », eHumanista, Santa Barbara (Californie), Université de Californie à Santa Barbara, no 47,‎ , p. 2 (ISSN 1540-5877, lire en ligne).
  11. M. Alonso González (2006), p. 52.
  12. R. Reig García (2011), p. 124.
  13. a et b R. Reig García (2011), p. 143.
  14. A. Checa Godoy & C. Espejo Cala (2007), p. 290-291.
  15. R. Reig García (2011), p. 156.

Bibliographie modifier

  • (es) Antonio Checa Godoy, Historia de la prensa andaluza, Séville, Fundación Blas Infante, , 302 p. (ISBN 978-8478984077)
  • (es) Antonio Checa Godoy et Carmen Espejo Cala, ABC de Sevilla, un diario y una ciudad : análisis de un modelo de periodismo local, Séville, université de Séville, , 384 p. (ISBN 978-8447209330, lire en ligne)
  • (es) María Jesús Comellas et Alfonso Braojos Garrido, Estudios de historia moderna y contemporánea : homenaje a Federico Suárez Verdeguer, Madrid, Rialp, , 499 p. (ISBN 84-321-2748-5), « Nuevas notas para el estudio de la prensa sevillana en el siglo »
  • (es) José Hurtado, Juan Ortiz Villalba et Salvador Cruz, Bética y el regionalismo andaluz. A propósito del centenario, Séville, Centro de Estudios Andaluces, , 160 p. (ISBN 978-8494181702, lire en ligne)
  • (es) Anna Nogué Regàs et Carlos Barrera del Barrio, "La Vanguardia", del franquismo a la democracia, Madrid, Fragua, , 424 p. (ISBN 978-8470742002)
  • (es) La comunicación en Andalucía : Historia, estructura y nuevas tecnologías (ouvrage ciollectif, sous la direction de Ramón Reig García & Concha Langa-Nuño), Séville, Centro de Estudios Andaluces, , 690 p. (ISBN 978-84-939078-0-8, lire en ligne)
  • (es) Manuel Ruiz Lagos, El Andalucismo militante. Dialéctica y crónica del "ideal andaluz", Xéres, Sexta,
  • (es) Nicolás Salas, Sevilla : crónicas del siglo XX, vol. III, Xéres, université de Séville, , 273 p. (ISBN 84-85268-45-8)
  • (es) Juan Carretero Luca de Tena. Periodista, intelectual y ateneísta (ouvrage collectif, sous la coordination d’Enrique Barrero González & Enriqueta Vila Vilar), Séville, Ateneo de Sevilla, , 345 p. (ISBN 978-84-613-8487-7) .
  • (es) Concha Langa Nuño, Perfiles de periodistas contemporáneos (ouvrage collectif, sous la direction de Celso Jesús Almuiña Fernández, Ricardo Martín de la Guardia & José Vidal Pelaz López), Madrid, Fragua, , 424 p. (ISBN 978-84-7074-731-1), « Juan Carretero y Luca de Tena, periodista sevillano, director de ABC de Sevilla (1890-1952) », p. 173-186.

Liens externes modifier