Joseph (auteur chrétien ancien)

auteur d'un texte grec du IVe siècle

Joseph, ou Joseph le Chrétien (Joseppus Christianus dans la Patrologia Graeca 106), est l'auteur d'un texte grec transmis par un seul manuscrit (Cambridge University Library, Ms 1157, fol. 104-196)[1], intitulé Ὑπομνηστικὸν βιϐλίον Ἰωσήππου (en latin Joseppi Memorialis libellus).

L'Hypomnesticon de Joseph modifier

Il s'agit, comme l'indique le titre, d'un « aide-mémoire » constitué actuellement de 167 chapitres donnant des informations sur la Bible et la religion chrétienne, comme une série de questions-réponses. En fait, le § 136 est un extrait de la Chronique d'Hippolyte de Thèbes, une note marginale intégrée dans le texte par un copiste. Sur les 166 véritables chapitres, 131 concernent l'Ancien Testament et 35 le Nouveau Testament et le christianisme. Certains chapitres portent cependant sur des sujets seulement annexes, comme le § 144 qui énumère toutes les formes de divination chez les Grecs. Dans cette masse d'érudition, certains chapitres sont d'un grand intérêt pour les historiens : le § 139 est une liste des persécutions subies par les chrétiens ; le § 140 est une liste de 62 hérésies brièvement présentées.

Le manuscrit date de la fin du Xe siècle, et des chapitres isolés se rencontrent dans des manuscrits des Xe et XIe siècle. Franz Diekamp a démontré l'existence d'un manuscrit archétype remontant au plus tard à la fin du IXe siècle[2].

La datation du texte a fait l'objet depuis le XVIIe siècle d'appréciations très divergentes (allant du IVe au XIe siècle), mais dès 1680 Isaac Vossius proposait de le situer vers 380[3], position reprise ensuite par plusieurs auteurs[4]. Franz Diekamp pensait que le texte ne pouvait être antérieur au concile d'Éphèse (431), car on y rencontre deux fois le mot Θεοτόκος (« Mère de Dieu »), mais on sait maintenant que ce mot était couramment employé dès le IVe siècle (entre autres par Apollinaire de Laodicée).

Dans un article paru en 1955, Jacques Moreau, par une analyse serrée du texte, a exposé toutes les raisons de penser que la date proposée par Isaac Vossius est la bonne (en s'appuyant notamment sur les § 139, la liste des persécutions[5], § 140, celle des hérésies[6], mais aussi § 122, la liste des traductions grecques de la Bible connues de son temps, au nombre de six). Doctrinalement, déjà Franz Diekamp, rejoint par Jacques Moreau, avait conclu que Joseph était un apollinariste, ou qu'il utilisait des documents provenant de cette tendance.

Isaac Vossius a également été le premier à proposer d'identifier ce Joseph au comte Joseph de Tibériade dont parle Épiphane de Salamine (Panarion, XXX, 4-12). Il raconte son histoire au milieu d'une notice assez confuse consacrée aux ébionites (sans qu'on voie trop le rapport). Joseph de Tibériade était un Juif qui exerça de hautes responsabilités dans sa communauté d'origine (il aurait été proche du patriarche Hillel II), se convertit au christianisme sous le règne de Constantin Ier, reçut de cet empereur le titre de comte et des lettres l'autorisant à bâtir des églises dans des villes de Palestine peuplées par des Juifs, mais rencontra une forte résistance chez ses anciens coreligionnaires. Sous Constance II, retiré à Scythopolis, il fut selon Épiphane un ferme soutien du parti orthodoxe contre l'arianisme. Vers 355, il reçut chez lui Eusèbe de Verceil exilé, et c'est à cette époque qu'Épiphane fit sa connaissance, alors qu'il était septuagénaire. Au moment où Épiphane écrivit le Panarion (vers 375), il semble qu'il était encore vivant, donc à peu près nonagénaire. Au XVIe siècle, il a été ajouté au Martyrologe romain par César Baronius (« saint Joseph de Palestine », fêté le ).

Selon Simon Claude Mimouni, « quoi que l'on pense de l'attribution de l'Hypomnesticon à Joseph de Tibériade qui, étant donné les lacunes de la documentation, ne peut être assurée de manière certaine, il est sûr, en revanche, que l'ouvrage a été composé avant 380 »[7].

L'Hypomnesticon a été publié pour la première fois en 1723 par Johann Albert Fabricius[8], puis repris dans les collections patrologiques d'Andrea Gallandi et de Jacques-Paul Migne (qui reproduit Gallandi).

Édition modifier

  • PG, vol. 106, col. 15-176.

Liens externes modifier

Bibliographie modifier

  • Jacques Moreau, « Observations sur l'Ὑπομνηστικὸν βιϐλίον Ἰωσήππου », Byzantion, vol. 25, 1955, p. 241-276.
  • Frédéric Manns, « Joseph de Tibériade, un judéo-chrétien du quatrième siècle », dans G. C. Bottini, L. di Segni, E. Alliata (dir.), Christian Archaeology in the Holy Land. New Discoveries, Jérusalem, 1990, p. 553-559.
  • Timothy C. G. Thornton, « The Stories of Joseph of Tiberias », Vigiliæ Christianæ, vol. 44, n° 1, 1990, p. 54-63.
  • Stephen Craft Goranson, The Joseph of Tiberias Episode in Epiphanius : Studies in Jewish and Christian Relations, Dissertation, Department of Religion, Duke University, 1990 (§ V : « Hypomnesticon : A Work of Joseph of Tiberias ? », p. 144-160).
  • Simon Claude Mimouni, Les traditions anciennes sur la Dormition et l'Assomption de Marie. Études littéraires, historiques et doctrinales, Supplements to Vigiliæ Christianæ, E. J. Brill, 2011 (§ IX : « L'Hypomnesticon de Joseph de Tibériade », p. 257-273).

Notes et références modifier

  1. Ce manuscrit fameux, connu pour contenir aussi la plus ancienne copie des Testaments des douze patriarches, a appartenu à la bibliothèque de Michel Choniatès. C'est sur lui que Robert Grosseteste a traduit les Testaments en latin en 1242. Il y en a une copie réalisée au XVIIIe siècle à la bibliothèque universitaire d'Utrecht.
  2. Franz Diekamp, Hippolytos von Theben. Texte und Untersuchungen, Münster, 1898, p. 145-151.
  3. Isaac Vossius, De Sibyllinis oraculis, Oxford, 1680, p. 18.
  4. Hugo von Hurter, dans son Nomenclator literarius theologiæ catholicæ (vol. I, Innsbruck, 1903, col. 210), place Joseph à la fin du IVe siècle. Un argument déterminant pour une date haute du texte, c'est que l'auteur adhère à la chronologie millénariste de Julius Africanus, selon laquelle le monde présent doit durer six mille ans : il le dit en § 1, et en § 150 il affirme que Jésus-Christ est né 5 500 ans après la Création ; il faut donc croire que d'après lui la fin du monde devait intervenir en 500 apr. J.-C.
  5. Joseph écrit postérieurement à l'empereur Julien, puisqu'il le mentionne à la fin du § 139, mais il dit explicitement que Julien ne persécuta pas les chrétiens, qu'il se contenta de les combattre par ses écrits (« οὐ διώξαντος δὲ τοὺς Χριστιανούς, ἀλλὰ βδελυξαμένου καὶ συγγραφομένου κατ' αὐτῶν »), ne tenant ainsi pas compte des légendes postérieures sur des « martyrs » chrétiens au temps de Julien.
  6. Cette liste d'hérésies, très proche de celle du Panarion d'Épiphane de Salamine (62 au lieu de 60 chrétiennes chez Épiphane), n'en mentionne aucune qui soit postérieure au IVe siècle (notamment ni le nestorianisme, ni le monophysisme). Les différences entre Épiphane et Joseph (quatre hérésies chrétiennes d'Épiphane absentes chez Joseph, et six hérésies de Joseph absentes chez Épiphane) ont également fait l'objet d'analyses minutieuses.
  7. Op. cit., p. 272. Peut-être achevé entre 375 et 380, car la liste d'hérésies semble postérieure à celle du Panarion d'Épiphane de Salamine.
  8. Codicis pseudepigraphi Veteris Testamenti volumen alterum. Accedit Josephi veteris christiani scriptoris Hypomnesticon, nunc primum in lucem editum cum versione ac notis Jo. Alberti Fabricii, Hambourg, Theodor Christoph Felginer, 1723.