Jean Croiset

jésuite français

Jean Croiset, plus connu sous le nom de Père Croiset, né à Marseille le et mort à Avignon le [1], est un prêtre jésuite, professeur, théologien et homme de lettres français.

Jean Croiset
Biographie
Naissance
Décès
(à 81 ans)
Avignon
Surnom
père Croiset
Activité
prêtre ; professeur
Autres informations
Ordre religieux
Œuvres principales
L'Année chrétienne

Il est célèbre pour ses ouvrages intitulés L'Année chrétienne et Les Vies des Saints pour tous les jours de l'année (1723).

Biographie modifier

Jean Croiset s’est fait un nom dans l’histoire de la spiritualité par ses écrits ascétiques, largement diffusés, et plus spécialement par sa collaboration à la propagation de la dévotion au Sacré-Cœur. Il naquit à Marseille le 28 octobre 1656 et fut admis au noviciat de la Compagnie de Jésus le 16 décembre 1677. En troisième année de théologie (1689), il entre en relation épistolaire avec Marguerite-Marie Alacoque. Il est déjà gagné à la dévotion, alors toute nouvelle, au Sacré-Cœur. Par quelle voie en eut-il connaissance ? Fut-ce par relations personnelles avec Claude La Colombière, mort en 1682, ou par la lecture de la Retraite spirituelle du bienheureux, publiée en 1684 ? Probablement un groupe de disciples du directeur de la sainte, parmi lesquels le Père de Gallifet occupe un des premiers rangs, la lui révèle. L’impétuosité de son caractère porte à croire que ce fut peu après avoir découvert cette dévotion, qu’il s’adresse directement à Marguerite-Marie. A l’automne 1689, en compagnie du Père de Villette, il va la voir à Paray-le-Monial.

Les lettres de Croiset à la visitandine n’ont pu être jusqu’ici retrouvées. Dix lettres de la sainte ont été publiées pour la première fois, sauf la seconde déjà connue, en 1889-1890 dans le Messager du Cœur de Jésus et réunies en volume : Courte biographie et lettres inédites de la B. Marguerite-Marie (texte critique et histoire des lettres dans Gauthey, Vie et œuvres de la bienheureuse, t. 2, p. 511-620). La première date du 14 avril 1689. Marguerite-Marie mourait l’année suivante, le 17 octobre. Entre la visitandine et le jeune religieux qui se préparait à l’ordination sacerdotale, qu’il devait recevoir en mars 1690, on ne peut dire que se soient nouées des relations de direction spirituelle. Comme l’a montré l’abbé Décréau (Ami du Clergé, 20 avril 1950), Croiset demande conseil plus qu’il n’en donne. Il s’agit plutôt d’une collaboration dans un même zèle pour la diffusion de la dévotion.

Pour faire connaître la dévotion, un premier recueil de prières et de pratiques avait paru, connu sous le nom de Recueil de Dijon. Quoiqu’il se répandit rapidement, répondant à un besoin et à une attente, il demeurait insuffisant, faute d’un exposé doctrinal substantiel. Marguerite-Marie cherchait l’écrivain qui pût mener à bien cette tâche. Elle en parle à peu près à la même époque aux Pères Froment et Croiset. Celui-ci est le plus prompt à exécuter le projet. Grâce à ses soins, d’abord, le Recueil de Dijon est réimprimé à Lyon en 1689, sous son titre primitif La dévotion au Sacré-Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ, « avec les additions d’un très saint religieux ». Non content de ce premier travail, Croiset, en achevant ses études théologiques, rédige un ouvrage de plus longue haleine et, Marguerite-Marie étant morte sur ces entrefaites, il se hâte d’ajouter un Abrégé de la vie de la sœur Marguerite-Marie Alacoque…, qui fera connaître dans quelles circonstances la nouvelle dévotion a pris naissance. Le volume paraît à Lyon, en 1691 : La Dévotion au Sacré Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Il connut aussitôt un vif succès et contribua largement à faire connaître la nouvelle dévotion.

Il suscita aussi des oppositions, auxquelles ne fut pas étranger le zèle trop ardent de Croiset, à Lyon, auprès des jeunes gens du collège dont la conduite spirituelle lui était confiée, et des jeunes religieux. Critiqué auprès de ses supérieurs, il fut, pour le bien de la paix, écarté de Lyon en 1693. Dix ans plus tard, l’ouvrage, dans son édition de 1694, fut inscrit au catalogue de l’Index (décret du 11 mars 1704), sans que des contemporains aussi bien informés que J. de Galliffet, qui fut assistant de France à Rome, ait pu en connaître la raison véritable. Le livre ne fut retiré de l’Index que le 29 août 1887, sur les instances de Mgr J. Stadler, archevêque de Serajevo, qui en préparait une traduction croate. Néanmoins de multiples éditions et traductions, avec des modifications de détail, se succédèrent au cours du 18e siècle.

Envoyé à Arles, ensuite à Avignon, Croiset y enseigne la philosophie, puis la théologie à Marseille et à Aix. Il est nommé supérieur à Marseille (1703-1708). Lyon le revoit en 1708. Il y est instructeur du 3e An en 1711. Après un nouveau séjour à Avignon et à Aix (recteur du collège, 1713-1716), il est nommé recteur du collège de la Trinité à Lyon (1716-1719), puis de la maison Saint-Joseph (1719-1723), maître des novices à Avignon (1723-1729), provincial de Lyon (1729-1732). Enfin, il se retire à Avignon, où il meurt le 18 janvier 1738.

Au cours de cette longue carrière d’enseignement, de direction spirituelle, de gouvernement, Croiset ne cessa de composer des ouvrages spirituels, dont les éditions multipliées attestent le succès.

Ce fut d’abord la Retraite spirituelle pour un jour chaque mois (Lyon, 1694). La première édition comporte, après des généralités sur la retraite, six séries de méditations, les mêmes sujets revenant deux fois dans l’année : janvier et juillet, etc. Chaque journée comporte trois méditations, dont la troisième « Des sentiments que nous aurons à l’heure de la mort » est identique pour chaque mois. Les éditions postérieures, considérablement augmentées, comportent douze séries de méditations, une par mois. Si le thème de la mort est repris invariablement à la troisième méditation de la journée, le point de vue sous lequel il est abordé varie cependant chaque fois. Les brèves Réflexions chrétiennes placées à la fin du volume, développées, forment plus tard un volume, publié tantôt comme second volume de la Retraite spirituelle, tantôt en ouvrage autonome, sous le titre Réflexions chrétiennes sur divers sujets de morale, utiles à toutes sortes de personnes, et particulièrement à celles qui font la retraite spirituelle un jour chaque mois (Paris, 1707). En outre, dès 1696, parut un Abrégé de la retraite spirituelle (Lyon) ; en 1704, une Retraite pour se préparer à la mort et, en 1721, les Moyens de conserver les bons sentimens que la retraite inspire… (Paris), qui attestent le succès du livre, pour ne rien dire des nombreuses éditions, traductions et contrefaçons.

De 1712 à 1720, Croiset fit paraître les Exercices de piété pour tous les jours de l’année, contenant l’explication du mystère, ou la vie du saint de chaque jour, avec des réflexions sur l’épitre et une méditation sur l’évangile de la messe, et quelques pratiques de piété propres à toutes sortes de personnes (Lyon), en douze volumes, un pour chaque mois, auxquels s’ajoutèrent, en six volumes, des Exercices de piété pour tous les dimanches et fêtes mobiles de l’année contenant ce qu’il y a de plus instructif et de plus intéressant dans ces jours-là avec la Vie de Jésus-Christ (Lyon, 1721-1723). L’ensemble forme une « année chrétienne » en dix-huit volumes, dont les rééditions, traductions, extraits se poursuivent, nombreux, jusqu’au milieu du 19e siècle : Année chrétienne ou Exercices de piété… (1812), …ou Vies des Saints (1852), Les Vies des saints (2 in-folio, 1723), Vie de Notre-Seigneur (2 t., 1726), etc.

Lors de son retour à Lyon, en 1711, Croiset publie ses Règlemens pour Messieurs les pensionnaires des Pères Jésuites du Collège de Lyon, qui peuvent leur servir de règle de conduite pour toute leur vie (Lyon ; autres éditions : Heures et règlemens…). Cet ouvrage, qui comporte bientôt deux volumes dans ses rééditions, s’adapte sans doute à la formation des adolescents, mais son contenu en fait un des premiers Livre du chrétien. Aux conseils de portée durable sur la vie chrétienne et la vie spirituelle, se joignent des méditations et un formulaire de prières, extrait du bréviaire ou du rituel, pour les diverses circonstances de la vie. Les pensionnaires de Lyon ne furent pas les seuls à en bénéficier et leur nom disparut du titre. Au même public, Croiset offrit Le parfait modèle de la jeunesse chrétienne dans la vie de S. Louis de Gonzague (Avignon, 1735). À signaler aussi deux autres ouvrages spirituels : Parallèle des mœurs de ce siècle et de la morale de Jésus-Christ (Paris, 1727) et Des Illusions du cœur dans toutes sortes d’états et de conditions (Lyon, 1736).

Jean Croiset fut un directeur de conscience recherché, un prédicateur de retraites fermées de talent et un propagandiste zélé des congrégations mariales, notamment à Marseille, où il s’occupa des congrégations des théologiens, des nobles et des dames. Il rédigea un audacieux Règlement pour les Dames de la Congrégation établie à Marseille sous le titre de la Purification (Lyon, 1710). Mentionnons enfin sa Relation de tout ce qui s’est fait à Marseille et ailleurs pour obtenir la cessation du mal contagieux (Lyon, 1722).

Doctrine spirituelle modifier

Tous les historiens de la dévotion au Sacré-Cœur reconnaissent le rôle prépondérant du premier ouvrage de Croiset. C’est lui qui l’a fait sortir d’un cercle restreint d’amis de la Visitation pour la répandre dans le grand public ; qui en a dessiné nettement les traits, en même temps qu’il précisait, dans son Abrégé de la vie de la sœur Marguerite-Marie Alacoque, les circonstances de la révélation à Paray-le-Monial.

La doctrine, diffuse dans les écrits alors inédits de Marguerite-Marie et implicite dans la Retraite spirituelle de Claude La Colombière, se trouve désormais formulée en termes clairs, principalement dans la première partie {les motifs de cette dévotion), qui en définit l’objet et la fin : l’amour du Fils de Dieu, manifesté notamment dans l’eucharistie, mais méconnu des hommes, qu’il faut reconnaître et honorer par un retour d’amour, qui portera à réparer les outrages ou l’indifférence dont il est l’abjet. « Toute cette dévotion ne consiste, à proprement parler, qu’à aimer ardemment Jésus-Christ, que nous avons sans cesse avec nous dans l’adorable eucharistie, et à lui témoigner cet ardent amour par le regret qu’on a de le voir si peu aimé et si peu honoré des hommes, et par les moyens que l’on prend pour réparer ce mépris et ce peu d’amour » (ch. 1). La deuxième partie (moyens d’acquérir cette dévotion) et la troisième (pratique de cette dévotion) formulent des conseils ascétiques, suggèrent des exercices précis, proposent des méditations, qui facilitent la mise en pratique de cette dévotion.

Les ouvrages postérieurs de François Froment (La véritable dévotion au Sacré-Cœur de Jésus-Christ, Besançon, 1699, entrepris en même temps que celui de Croiset), et de Joseph de Gallifet (De l’excellence de la dévotion au Cœur adorable de Jésus-Christ, Lyon, 1733) ne firent pas oublier celui de Croiset. Ce fut néanmoins le seul ouvrage qu’il consacra à la dévotion au Sacré-Cœur. Écarté de Lyon, et voyant son ouvrage mis à l’Index, il se tut sur ce sujet. Ni son Année chrétienne, au vendredi qui suit l’octave de la Fête-Dieu, ni ses Règlemens pour Messieurs les pensionnaires, parmi les pratiques de dévotion, ne la proposent. Il n’est pas douteux qu’après l’enthousiasme, peut-être intempestif, de ses premières années de sacerdoce, Croiset ne s’imposât lui-même cette réserve, pour satisfaire aux directions de ses supérieurs. Il écrit cependant de Lyon le 29 août 1713 à la sœur Chalon : « J’espère donner prochainement sa vie (de Marguerite-Marie) en un volume entier », et il réclame des documents. Cette vie n’a pas été publiée (Fr.-L. Gauthey, Vie…, t. 1, p. 612-613).

Par la propagation de la retraite pour un jour chaque mois, procurant « un moyen facile de faire la retraite à toutes sortes de personnes, surtout à ceux qui à raison de leurs occupations n’ont pas assez de loisir pour consacrer huit à dix jours à une retraite annuelle », Croiset se montre un initiateur. Pareillement, en offrant ce guide quotidien que sont ses Exercices de piété, sorte d’année chrétienne, qui répond peut-être à celle du janséniste Nicolas Letourneux (Année chrétienne, Paris, 1684 svv ; à l’Index en 1691), Croiset se distingue par une utilisation plus marquée de l’année liturgique (sanctoral et temporal), pour alimenter la méditation quotidienne.

La doctrine spirituelle de Croiset ne peut être dite réellement originale. Toute son attention se porte sur l’ascétique, la pratique des vertus, l’opposition à l’esprit du monde. Dans cette lutte constante, l’effort est soutenu par la méditation des grandes vérités de la première semaine des Exercices, les seules développées dans ses retraites mensuelles, ses Règlements, et principalement par la pensée de la mort. Cette dernière est prépondérante, parce qu’« à la mort chacun a l’esprit chrétien ». Il y revient constamment, comme à la lumière qui juge pensées et démarches. La fin même de la retraite mensuelle est de « se mettre, par un véritable changement de vie, en état de bien mourir ». Croiset n’en guida pas moins, durant près de deux siècles, une foule de chrétiens dans la vie spirituelle.

Notes et références modifier

Bibliographie modifier

  : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Paul Mech, « Jean Croiset », Dictionnaire de spiritualité, ascétique et mystique, doctrine et histoire, tome 2.2, col. 2557-2560.  

Liens externes modifier