Immigration des personnes autistes françaises en Belgique

L'immigration des personnes autistes françaises en Belgique est une série de départs de personnes autistes de nationalité française, et de leur famille, vers la Belgique. Ces départs sont documentés au moins depuis l'époque de la Seconde Guerre mondiale, et se poursuivent dans les années 2020.

Les raisons invoquées pour cette immigration portent principalement sur l'existence de dispositifs d'enseignement et d'institution spécialisées jugées de meilleure qualité, sur un meilleur respect des personnes autistes elles-mêmes, ainsi que sur l'existence d'une approche de l'autisme jugée plus adaptée, car davantage fondée sur l'éducation que sur les soins médicaux.

Histoire modifier

D'après l'article d'Aliou Prins dans Moustique, l'accueil d'enfants français autistes en Belgique est une tradition bien établie depuis la Seconde Guerre Mondiale ; la France a ensuite encouragé cet accueil en raison d'un « manque de structures et de places », en établissant des conventions avec des établissements de Wallonie[1]. La fermeture de lits de psychiatrie en France dans les années 1970 et 1980 est également invoquée[2]. Un accord-cadre est conclu entre la France et la Wallonie fin 2011, puis entre en vigueur en mars 2014[3].

En 2011, un reportage de L'Obs dans une école spécialisée en autisme à Mons, utilisant la méthode TEACCH, révèle que la moitié des enfants qui y sont accueillis sont des Français[4]. En 2012, dans un podcast, France Inter laisse la parole à l'une de ces familles françaises, qui a choisi de scolariser son enfant autiste dans une école spécialisée à Kain[5]. Le départ vers la Belgique est qualifié de « forcé » pour certaines familles[6],[7],[8], alors que d'autres estiment qu'il s'agit d'un choix visant à offrir une meilleure qualité de vie et un meilleur avenir à leurs enfants[9]. En 2020, l'école spécialisée en autisme la Goëlette de Leers-Nord accueille 96 enfants français sur ses 150 élèves[10].

En mai 2019, un groupe de travail de l'agence régionale de santé des Hauts-de-France et du Grand Est rend un rapport intitulé « prévention des départs non-souhaités en Belgique »[11]. En 2021, le gouvernement français annonce la création de 2 500 solutions de prévention des départs non-souhaités de personnes handicapées vers la Belgique, ainsi qu'un moratoire pour limiter les places disponibles pour les Français dans les établissements belges[12],[1], en refusant les remboursements des nouveaux départs en Belgique[13]. La ministre Sophie Cluzel promet alors la fin des départs « subis » par les autistes[14].

Cependant, en 2023, il semble que cette promesse ne soit pas tenue[1],[15].

Chiffres et répartition modifier

En 2007, d'après le quotidien Le Monde, le nombre d'enfants et d'adultes en situation de handicap (principalement autistes), de nationalité française, accueillis dans des établissements belges, est évalué à 3 500[16]. Tous handicaps confondus, le rapport de 2019 indique que 6 109 personnes handicapées adultes de nationalité française sont accueillies dans une structure wallone, et que 190 établissements wallons accueillent majoritairement des personnes adultes handicapées françaises[3]. Les chiffres indiquent aussi que 801 personnes ont des troubles de spectre de l'autisme[17].

Selon le journal belge Le Soir, en 2023, le nombre total de mineurs et d'adultes « principalement autistes » de nationalité française accueillis en Belgique est estimé à environ 9 000, répartis entre 7 500 adultes et 1 500 enfants, pour la majorité établis dans le Hainaut[1],[18]. Environ un millier de ces personnes autistes feraient un aller-retour entre la France et la Belgique quotidiennement[1] ; 500 environ seraient en internat[18].

Motivations de l'immigration modifier

D'après Isabelle Resplendino, qui préside l'Association pour les Français en situation de handicap en Belgique (AFrESHEB), la majorité de ces départs en Belgique découlent de refus de prise en charge de personnes autistes (en particulier des plus lourdement handicapées) ou d'échecs de ces mêmes prises en charge en France[1]. Le présidente de l'association Autisme France, Danièle Langloys, évoque un niveau « remarquable » de la scolarisation des mineurs autistes en Belgique, par comparaison à la France[19].

Une autre source de motivation réside dans l'approche même de l'autisme, la France étant dans une approche qui privilégie la psychiatrisation et la médication, tandis que la Belgique a adopté une prise en charge qui repose davantage sur l'apprentissage et l'éducation[1],[20].

Prises de position modifier

Témoignant au sujet de son fils Léo, la présentatrice de JT et mère d'un enfant autiste Linda Giguère déclare en 2021, sur TV5 Monde, que les personnes autistes sont les bienvenues en Belgique, alors qu'en France elles « dérangent » et sont rejetées[21].

Dans un article intitulé « Être malheureux comme un autiste en France », également en 2021, le philosophe Josef Schovanec, né en France, explique les raisons de son départ en Belgique, estimant que les autistes y sont « davantage respectés dans [leurs] droits et dans [leur] différence »[22] ; il cite aussi parmi ses motivations l'inscription au titre II de la Constitution 'Des Belges et de leurs droits' d'un article protégeant les droits des personnes handicapées[23]. L'artiste autiste Hugo Horiot a lui aussi déménagé en Belgique[22].

Notes et références modifier

  1. a b c d e f et g Aliou Prins, « Pourquoi la Belgique accueille de nombreux enfants autistes venus de France », sur moustique.be, Moustique, (consulté le ).
  2. Jean-Pierre Olié, « Autisme: l’intolérable exil des malades français en Belgique », sur Slate.fr, (consulté le ).
  3. a et b Christophe et Dupont-Coppin 2019, p. 3.
  4. « Autisme : la Belgique, fin de l'errance pour des familles françaises », sur L'Obs, (consulté le ).
  5. « Autisme : les familles se tournent vers la Belgique », sur France Inter, (consulté le ).
  6. « L'exil forcé en Belgique des Français autistes », sur lejdd.fr, (consulté le ).
  7. Maïram Guissé, « Faute de structures en France, « l’exode forcé » des enfants autistes en Belgique », sur leparisien.fr, Le Parisien, (consulté le ).
  8. « L’exil forcé des enfants autistes en Belgique », sur Femme Actuelle, (consulté le ).
  9. Benjamin Hermann, « Des milliers de Français en situation de handicap en Wallonie : «C’est un choix, pas un exil» », sur Le Vif, (consulté le ).
  10. « TÉMOIGNAGE. Elle déménage de Lyon pour scolariser son fils autiste en Belgique : "En France, il y a trop d'attente" », sur France 3 Hauts-de-France, (consulté le ).
  11. Christophe et Dupont-Coppin 2019, p. 1.
  12. « Fin de l'exode vers la Belgique ? 2 500 solutions en France », sur Handicap.fr, (consulté le ).
  13. « Handicap : l’État acte la fin des départs en Belgique », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le ).
  14. « «Il n’y a plus de départs subis vers la Belgique» pour les autistes, assure la secrétaire d’État au handicap Sophie Cluzel », sur Courrier picard, (consulté le ).
  15. « Autisme : quelles solutions dans les Hauts-de-France depuis la fin des départs en Belgique? », sur La Voix du Nord, (consulté le ).
  16. « La Belgique, refuge des autistes français », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  17. Christophe et Dupont-Coppin 2019, p. 8.
  18. a et b « Un moratoire empêche des autistes français d’être pris en charge en Belgique », sur Le Soir, (consulté le )
  19. « "Près de 4.000 autistes sont contraints de s’exiler en Belgique" », sur Europe 1, (consulté le ).
  20. Mathieu Hutin, « Le handicap et les expatriés : le refuge est en Belgique », sur LesFrancais.press, (consulté le ).
  21. « En Belgique l'autisme est bienvenu, en France il dérange [L'humeur de Linda] | TV5MONDE - Informations », sur information.tv5monde.com, (consulté le ).
  22. a et b « Interview de Josef Schovanec "Etre Malheureux comme un autiste en France" », sur Le Magazine de la Différence, (consulté le ).
  23. « Belgique : droits du handicap inscrits dans la Constitution », sur Handicap.fr, (consulté le ).

Annexes modifier

Articles connexes modifier

Bibliographie modifier

  • [Christophe et Dupont-Coppin] Edith Christophe et Marine Dupont-Coppin, Prévention des départs non-souhaités en Belgique, Agence régionale de santé et Conférence nationale du handicap, (lire en ligne)