Grève des mineurs à Marikana
La grève des mineurs à Marikana désigne une grève sauvage survenue en près d’une mine de platine, propriété de Lonmin, dans la région de Marikana, près de Rustenburg, en Afrique du Sud.
Date | (entièrement du 10 août à 20 septembre 2012) |
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Localisation | Marikana, Afrique du Sud |
Organisateurs |
National Union of Mineworkers (NUM) Association of Mineworkers and Construction Union (AMCU) |
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Participants | Mineurs grévistes |
Revendications | Augmentation de salaires |
Coordonnées | 25° 40′ 40″ sud, 27° 30′ 33″ est |
Morts | Entre 34 et 36 selon les sources[réf. nécessaire] |
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Blessés | 78 manifestants |
Arrestations | 270 manifestants |
Le , trente-quatre ouvriers sont tués par la police. Ces agissements sont décrits sous le terme de « massacre » par l’ensemble des médias internationaux et comparés aux événements qui se sont déroulés à Sharpeville en 1960[1],[2].
La chef de la police sud-africaine Riah Phiyega a assuré lors d’une conférence de presse que les policiers impliqués avaient agi en état de légitime défense face à une émeute armée et agressive. « Les policiers ont dû faire usage de la force pour se défendre contre le groupe qui les chargeait »[3].
Mais par la suite, une commission d'enquête a accusé la police d'avoir menti sur les circonstances du massacre[4].
Prémices
modifierLe , 3 000 des 28 000 mineurs, qui sont payés en moyenne 4 000 rands (environ 400 euros) par mois, manifestent en réclamant 12 500 rands (environ 1 250 euros), soit plus de trois fois leur salaire actuel[5].
Des affrontements entre partisans de deux syndicats, le National Union of Mineworkers (NUM) et l’Association of Mineworkers and Construction Union (AMCU), avaient fait dix morts en quelques jours[6]. Le tout premier incident a lieu le 11 août, lorsque les grévistes se dirigent vers les locaux de la NUM, pour demander au syndicat d'intervenir auprès de la direction de l'usine. Malgré des circonstances un peu floues, il semble que l'un des membres du syndicat présent dans le bureau ait pris peur devant les grévistes armés de bâtons, de couteaux, de machettes et de lances, et ait ouvert le feu, faisant deux blessés graves— initialement annoncés comme morts[7].
Fusillade du 16 août
modifierLe [8], les mineurs en grève se dirigent à Nkaneng Hill armés de lances, de machettes et de bâtons. Un groupe important de femmes, épouses des mineurs et non employées à la mine, dont certaines étaient armées de knobkierries, se joint à eux[9]. La société Lonmin avait imposé un ultimatum aux mineurs leur donnant l’ordre de reprendre le travail sous peine de licenciement. Les mineurs grévistes ont rejeté cet ultimatum et refusé de se disperser[10],[11].
Plus tard dans l’après-midi, la police ouvre le feu sans sommation sur un groupe de grévistes. Les rapports officiels montrent que trente quatre mineurs ont été tués et soixante dix huit d’entre eux ont été blessés[12].
Les services de police sud-africains ont expliqué que les manifestants refusaient de déposer leurs armes et qu’ils ont attaqué les policiers à l’aide de toutes sortes d’armes y compris des armes à feu volées à deux policiers qu’ils avaient tués une semaine avant[13],[14].
Le Congress of South African Trade Unions (COSATU), fédération sud-africaine des syndicats à laquelle les grévistes sont opposés, a confirmé le rapport de police disant avoir d’abord fait usage de gaz lacrymogène et de canons à eau contre les mineurs, lesquels ont riposté en faisant usage de balles réelles[15]. Cependant des journalistes présents sur place ont affirmé que les grévistes n’avaient pas tiré en premier[16]. Les femmes des grévistes et l’AMCU ont vigoureusement contesté l’affirmation de la police selon laquelle les grévistes avaient tiré en premier[17].
Le lendemain, , la police locale a communiqué le bilan de la journée du , soit trente-quatre morts, soixante-dix-huit blessés et deux cent cinquante-neuf arrestations[18].
Le , la police sud-africaine a été accusée par la commission d’enquête chargée de faire la lumière sur les circonstances du massacre de Marikana d’avoir menti sur ces circonstances[4].
Réactions
modifierL’AMCU ( Association of Mineworkers and Construction Union) a blâmé le syndicat rival, la NUM (National Union of Mineworkers) et la police et par ailleurs insisté sur le fait que contrairement à des rumeurs, le syndicat n’est pas affilié à un parti politique[19]. Une enquête interne à la police est ouverte et le président sud-africain Jacob Zuma a annoncé la mise sur pied d’une commission d'enquête plus large sur la fusillade de Marikana[20]. Selon le New York Times, Frans Baleni, secrétaire général de l’Union nationale des mineurs, a défendu l’action de la police sur les ondes de la station radio Kaya FM disant : « La police était patiente, mais ces gens étaient extrêmement armés avec des armes dangereuses »[21]. Le Parti communiste sud-africain soutient le Congrès national africain (ANC) et le COSATU auquel NUM est affilié ont demandé que les leaders de AMCU soient arrêtés pour avoir manipulé les mineurs[22].
Le président de Lonmin, Roger Phillimore, a rejeté la responsabilité de ces affrontements meurtriers sur les forces de l’ordre en déclarant que « la police sud-africaine était chargée de l’ordre et de la sécurité sur le terrain depuis le début des violences entre syndicats rivaux ce week-end. » La police des polices sud-africaine a envoyé sur place une délégation d’experts le samedi afin d’enquêter sur les circonstances de la fusillade et de déterminer les responsabilités[18].
Le , Lonmin menace de licencier les grévistes qui ne reprendraient pas le travail le au matin, mais la majorité des mineurs a rejeté cet ultimatum et entend poursuivre le mouvement[23].
Le président Jacob Zuma annonce une semaine de deuil national en mémoire des quarante quatre personnes tuées en l’espace de huit jours à la mine de Marikana, dont les trente-quatre grévistes abattus par la police. Zuma annonce à cette occasion la nomination d’une commission interministérielle chargée d’enquêter sur la tragédie, présidée par le ministre auprès de la Présidence, Collins Chabane[24].
Réponses aux tueries
modifierLe lendemain du massacre, un groupe de femmes de mineurs a manifesté et chanté des slogans et des chants de lutte contre l'apartheid. Elles ont démenti que les mineurs avaient tiré les premiers et insisté sur le fait que la grève concernait les salaires. Elles exigeaient que les policiers responsables des tirs soient exécutés[25]. Une manifestation a eu lieu au Cap près du Parlement le lendemain du massacre[26].
À Auckland, en Nouvelle-Zélande, des manifestants ont attaqué l’ambassade d’Afrique du Sud avec des bombes de peinture[27].
Réactions de la justice sud-africaine
modifierLes blessés sont en état d’arrestation, tandis qu’un tribunal de la banlieue de Pretoria, inculpe de meurtre les 270 personnes interpellées après la fusillade[28]. Le parquet annonce finalement le que cette inculpation controversée est provisoirement suspendue[29].
Le , la justice sud-africaine remet en liberté tous les mineurs qui avaient été arrêtés le . Le juge Esau Bodigelo annonce aux mineurs que « Les poursuites contre vous pour meurtre et tentative de meurtre ont été retirées », mais ils restent poursuivis pour violence publique et rassemblement interdit[30].
Réactions dans le milieu minier
modifierLe , 15 000 mineurs sud-africains ont à nouveau débrayé dans une mine d'or exploitée à plus de 3 000 mètres de profondeur par le groupe Gold Fields dans la banlieue de Johannesburg dans un climat social toujours tendu par le bras de fer qui se poursuit à la mine de Marikana[31].
Le , la tension persiste sur le front social, où des mineurs du géant Anglo American Platinum (Amplats) ont commencé à bloquer les routes de la « ceinture de platine » autour de Rustenburg (nord), alors que Julius Malema veut s’adresser à l’armée[32].
Fin de la grève
modifierLe , plus de 3 000 mineurs en grève manifestent devant la mine de Marikana. Ils ont rejoint le site après une marche de plusieurs kilomètres alors que des négociations devaient reprendre à la mi-journée à Rustenburg[33]. Le , les représentants des grévistes non syndiqués et l'AMCU à l'origine du conflit meurtrier de Marikana ont refusé de s'associer à un accord direction-syndicats majoritaires prévoyant la reprise du travail dans la mine sud-africaine[34]. La grève pend fin le 18 septembre, après un accord de hausse de 22 % des salaires, dans un fort climat de tension entre les deux principaux syndicats, la NUM et l'ACMU, la première reprochant à la seconde d'avoir fait à ses membres des promesses irréalistes[35].
Monument
modifierUn mémorial de 34 croix a été érigé à la colline de Marikana en souvenir des victimes[36]
Bibliographie
modifier- Peter Alexander and others : Marikana. A View from the Mountain and a Case to Answer, Jacana Media, Johannesburg, South Africa 2012, (ISBN 978-1-431407330).
- Greg Marinovich : Murder at Small Koppie, Penguin, South Africa, 2015, (ISBN 9781770226098)
- Ylva Rodny-Gumede et Mia Swart : Marikana Unresolved : the massacre, culpability and consequences, University of Cape Town Press, Chicago, 2020, (ISBN 978-1775822783).
Documentaires
modifier- The Marikana Massacre: Through The Lens, eNCA, (2013).
- Miners Shot Down de Rehad Desai, (2014).
- Night is Coming: A Threnody for the Victims of Marikana de Aryan Kaganof, (2014).
Notes et références
modifier- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Marikana miners' strike » (voir la liste des auteurs).
- (en) Richard Stupart, « The Night Before Lonmin's Explanation », sur African Scene, (consulté le )
- (en) Monde Maoto and Natsha Marrian, « BDlive », sur BDlive, (consulté le )
- « Afrique du Sud : la police ouvre le feu sur des manifestants, 34 morts », liberation.fr, avec l’AFP, 17 août 2012.
- Tuerie de Marikana : la police sud-africaine a menti, selon la Commission d'enquête http://www.france24.com/fr/20130919-tuerie-marikana-police-afrique-du-sud-mine-mineurs-commission-enquete/
- « Massacre en Afrique du Sud : les mineurs grévistes menacés de licenciement », sur L’Express, (consulté le )
- Johannes Myburgh, « Afrique du Sud : début de l'enquête sur la fusillade de Marikana, le temps des questions », sur Le Point, (consulté le )
- (en) Sipho Hlongwane et Sipho Hlongwane, « Marikana Commission: NUM in a deep hole over the fight that started it all », sur Daily Maverick, (consulté le )
- (en) « Police kill 34 striking miners in South Africa », sur Reuters, (consulté le )
- (en) South African Press Association, « Miners' wives join Lonmin protest », (consulté le )
- « Afrique du Sud : la police tente de disperser les grevistes de Marikana par la force », rtbf.be, 16 août 2012.
- « Afrique du Sud / Grève dans une mine : la police ouvre le feu sur des manifestants, 34 morts », news.abidjan.net, 18 août 2012.
- (en) « South Africa mine killings: Jacob Zuma announces inquiry », sur BBC News, (consulté le )
- (en) « Residents stunned by Marikana violence », sur News24, (consulté le )
- (en) Ryk van Niekerk, « South African president condemns platinum mine massacre », sur MineWeb, (consulté le )
- (en) « Mine massacre claim as police open fire on striking workers », The Sydney Morning Herald, 17 août 2012.
- (en) « Conflicting accounts of Lonmin shooting », South African Press Agency Independent Online, 17 août 2012.
- (en) « Amcu blames Num politics for Lonmin massacre », Mail & Guardian, 17 août 2012.
- « Afrique du Sud : les mineurs rassemblés dans le calme », La Dernière Heure, 18 août 2012.
- (en) Faranaaz Parker, « Amcu blames NUM, politics for Lonmin massacre », Mail & Guardian, 17 août 2012.
- « Fusillade de Marikana, les causes d'un drame », La Libre Belgique, 18 août 2012.
- (en) Lydia Polgreen, « Mine Strike Mayhem Stuns South Africa as Police Open Fire », The New York Times, 17 août 2012.
- (en) « SACP calls for arrest of AMCU leaders », Business Report, 17 août 2012.
- « Massacre de Marikana : après le massacre, le bras de fer reprend », lepoint.fr, avec l’AFP, 19 août 2012.
- « Massacre de Marikana : une semaine de deuil national en Afrique du Sud », lepoint.fr, avec l’AFP, 19 août 2012.
- (en) « Miner's wives rage at South African police brutality after 'massacre' », The Guardian, 17 août 2012.
- (en) « Cape demo against Lonmin killing », Business Report, 17 août 2012.
- (en) « Auckland protest against South Africa shooting », 3news, 18 août 2012.
- « L'Afrique du Sud enterre les morts de Marikana », Le Figaro du 1er septembre 2012
- AFP, « Marikana : les mineurs ne sont plus inculpés pour meurtre », sur lefigaro.fr, (consulté le )
- AFP, « Libération de tous les mineurs arrêtés après la fusillade de Marikana », sur liberation.fr, (consulté le )
- AFP, « Afrique du Sud : nouvelle grève dans une mine, bras de fer à Marikana », sur 20 minutes.fr,
- AFP, « Afrique du Sud : l’agitation s’étend dans les mines de platine et menace l’armée », sur nouvelobs.com,
- « Afrique du Sud : manifestation de plus de 3 000 mineurs en grève », sur Euronews,
- Le Monde avec l’AFP, « Afrique du Sud : manifestation de plus de 3 000 mineurs en grève », sur lemonde.fr,
- (en) « South African miners strike deal with Lonmin bosses », sur France 24, (consulté le )
- « Afrique du Sud: L'évêque-négociateur veut un mémorial à Marikana », sur 20minutes.fr, (consulté le )
Articles connexes
modifierLien externe
modifier- [vidéo] « Striking Lonmin miner shooting at police on 16 Aug 2012 », sur YouTube