Effet Casimir

force attractive entre deux plaques parallèles conductrices et non chargées
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L’effet Casimir, tel que prédit par le physicien néerlandais Hendrik Casimir en 1948, est une force attractive entre deux plaques parallèles conductrices et non chargées[1].

Forces de Casimir sur des plaques parallèles.
Forces de Casimir sur des plaques parallèles.

Cet effet, dû aux fluctuations quantiques du vide, existe également pour d'autres géométries d'électrodes[2]. Expérimentalement, on utilise souvent des miroirs.

Raison modifier

Les fluctuations quantiques du vide sont présentes dans toute théorie quantique des champs. L'effet Casimir est dû aux fluctuations du champ électromagnétique, décrit par la théorie de l'électrodynamique quantique.

L’énergie du « vide » entre deux plaques se calcule en tenant compte uniquement des photons (y compris des photons virtuels) dont les longueurs d’onde divisent exactement la distance entre les deux plaques ( , où   est un entier positif, λ la longueur d’onde d’un photon, et L la distance entre les deux plaques). Ceci implique que la densité d’énergie du vide (entre ces deux plaques) est fonction du nombre de photons qui peuvent exister entre ces deux plaques.

Plus les plaques sont proches, moins il y a de photons obéissant à la règle  , car sont exclus les photons dont la longueur d’onde est supérieure à L. Il y a donc moins d’énergie.

La force entre ces deux plaques, à savoir la dérivée de l’énergie par rapport à L, est donc attractive.

Transmission de phonons modifier

Une équipe de l'université de Berkeley a mis en évidence que l'effet Casimir permettait la transmission de phonons à travers le vide[3] ce qui révèle un nouveau mode de transfert thermique dans le vide.

Énergie du vide modifier

L'effet Casimir dérive de la théorie quantique des champs, qui impose que tous les champs fondamentaux, comme le champ électromagnétique, soient quantiques en chaque point de l'espace. De manière très simple, un champ physique peut être vu comme un espace rempli de balles et de ressorts vibrants tous interconnectés ; la force du champ se matérialise comme le déplacement d'une balle depuis une position au repos. Les vibrations dans ce champ se propagent selon l'équation d'onde appropriée pour le champ particulier en question.

L'hypothèse de seconde quantification de la théorie quantique des champs requiert que chaque combinaison balle-ressort soit quantique, c'est-à-dire que la force du champ sera quantique en chaque point de l’espace. Le champ se décrit partout comme un oscillateur harmonique simple. Les excitations du champ correspondent à des particules élémentaires de la physique des particules. Toutefois, le vide a une structure complexe. Tous les calculs de la théorie quantique des champs doivent être rendus relatifs à ce modèle de vide.

Le vide a, implicitement, toutes les propriétés qu'une particule peut avoir : spin, polarisation dans le cas de la lumière, énergie, etc. Toutes ces grandeurs ont des valeurs moyennes nulles : le vide est, après tout, « vide » en ce sens, à l'exception près de l'énergie. La quantification d'un oscillateur harmonique simple montre que son énergie minimale, encore appelée énergie du point zéro, vaut : 

La somme de l'énergie de tous les oscillateurs dans tout l'espace donne une quantité infinie. Pour s'en débarrasser, on « renormalise » : on considère comme seules significatives les différences d'énergie (un peu comme la tension électrique, dont seules les différences comptent).

Si la renormalisation permet de prédire des résultats corrects, elle demeure fondamentalement problématique. L'élimination de cet infini est l'un des défis de la « Théorie du tout ». On ne sait actuellement pas pourquoi il convient de donner à cet infini une valeur nulle. La quantité d'énergie du vide, à l'échelle de l'univers, serait modélisée par la constante cosmologique dans l'équation d'Einstein.

Expression de la force par unité de surface modifier

Sauf remarque, les effets de bord sont toujours négligés.

Analyse dimensionnelle modifier

Soient deux grandes plaques métalliques planes de surface  , parallèles entre elles, et séparées par une distance  . On suppose que, si les plaques sont rectangulaires[4] avec  , l'espacement   entre les deux plaques parallèles est petit par rapport aux longueurs   et  . On peut alors calculer une force par unité de surface en négligeant les effets de bords.

On suppose de plus que les plaques sont des conducteurs parfaits de conductivité électrique infinie, et qu'elles ne sont pas chargées.

L'effet étant d'origine quantique et relativiste, on s'attend à ce que la force par unité de surface de Casimir dépende des deux constantes fondamentales :

De plus, il est plus que probable que l'effet dépende aussi de la distance   entre les plaques.

On postule donc que la force par unité de surface s'écrit :

 

  est un nombre pur, sans dimension, et   trois nombres à déterminer. L'analyse dimensionnelle donne le système d'équations :

 

dont la solution unique est :   et  , soit :

 

Résultat exact de Casimir modifier

Le calcul exact, fait par Casimir en 1948, suppose une température thermodynamique identiquement nulle :   K. Il donne une valeur non nulle négative de la constante   :

 

Le signe moins indique que cette force est attractive. Le lecteur intéressé par ce calcul le trouvera détaillé dans l'article de revue de Duplantier[1]. La norme de la force attractive de Casimir entre deux plateaux d'aire A séparés par une distance L peut être calculée par la formule :

 

Effets de température finie modifier

Les expériences réelles ayant toutes lieu à température finie :  , il faut estimer ces effets de température, essentiellement dus au rayonnement du corps noir. Introduisons la « température inverse »  , où   est la constante de Boltzmann. L'analyse dimensionnelle montre que le paramètre :

 

est sans dimension. On étudie alors la limite réaliste de courte distance   à température   fixée[5], correspondant au cas où  . Dans cette limite, on obtient[1] :

 

Le premier terme est le terme de Casimir à température nulle, le deuxième est la contribution attractive due au rayonnement du corps noir dans un volume infini, et le troisième et dernier correspond aux corrections de taille finie dues aux plaques sur la contribution du rayonnement du corps noir.

À la température ambiante :   et pour un espacement réaliste  , la valeur numérique de   : le troisième terme correspondant aux corrections de taille finie sur la contribution du rayonnement du corps noir, en  , est donc totalement négligeable en pratique.

Quant au rapport (sans dimension) du second terme sur le premier, il vaut alors :

 

Dans les conditions expérimentales usuelles, tout se passe donc comme si on était à température nulle. Le lecteur intéressé par une analyse détaillée la trouvera dans l'article de revue de Duplantier[1].

Couple modifier

Quand les objets qui interagissent à travers le vide sont optiquement anisotropes, les diverses polarisations de la lumière sont soumises à des indices de réfraction différents, ce qui induit un couple tendant à faire tourner les objets vers une position mutuelle d'énergie minimale[6]. Cet effet, prédit dès 1972[7], a été confirmé expérimentalement en 2018[8],[9].

Lien avec les séries divergentes modifier

Le calcul de la force de Casimir est lié à la notion de somme de Ramanujan de la série divergente 1 + 2 + 3 + 4 + … ; ainsi, une série, somme d’une infinité de termes, peut avoir un sens même si elle ne converge pas vers une limite finie. La notion de série divergente, bien connue des mathématiciens, trouve donc ici une application concrète en physique[10].

Importance possible de l'effet Casimir sur la création de l'Univers modifier

Dans une hypothèse de création de l'univers branaire, l'effet Casimir pourrait être la cause de :

Histoire modifier

Cet effet, prédit par Casimir en 1948[13],[14], a depuis fait l'objet d'un certain nombre de vérifications expérimentales[15] :

Notes et références modifier

  1. a b c et d Bertrand Duplantier ; Introduction à l'effet Casimir, séminaire Poincaré (Paris, ). Cf. la bibliographie.
  2. Roger Balian ; Effet Casimir et géométrie, séminaire Poincaré (Paris, ). Cf. la bibliographie.
  3. (en) Fong KY et al., « Phonon heat transfer across a vacuum through quantum fluctuations », Nature,‎ (DOI 10.1038/s41586-019-1800-4).
  4. Ou mieux : des plaques en forme de disque !
  5. Ou encore, ce qui revient au même mathématiquement : la limite de basse température   à distance   fixée.
  6. (en) Yu. S. Barash, « Moment of van der Waals forces between anisotropic bodies », Radiophysics and Quantum Electronics (en), vol. 21, no 11,‎ , p. 1138-1143 (DOI 10.1007/BF02121382).
  7. (en) V. A. Parsegian et George H. Weiss, « Dielectric Anisotropy and the van der Waals Interaction between Bulk Media », The Journal of Adhesion, vol. 3, no 4,‎ , p. 259-267 (DOI 10.1080/00218467208072197).
  8. a et b (en) Slobodan Žumer (sl), « Elusive torque sensed by liquid crystals », Nature, vol. 564,‎ , p. 350-351 (DOI 10.1038/d41586-018-07744-9).
  9. a et b (en) David A. T. Somers, Joseph L. Garrett, Kevin J. Palm et Jeremy N. Munday, « Measurement of the Casimir torque », Nature, vol. 564,‎ , p. 386-389 (DOI 10.1038/s41586-018-0777-8).
  10. Jean-Christophe Pain, « L'effet Casimir et les séries divergentes », Bulletin de l'union des physiciens, vol. 115, no 1037,‎ , p. 851-863 (lire en ligne).
  11. (en) Ruth Durrer, Marcus Ruser, Marc Vonlanthen et Peter Wittwer, « Graviton production in brane worlds by the dynamical Casimir effect », AIP Conference Proceedings (en), vol. 1122, no 39,‎ (lire en ligne).  .
  12. (en) Richard Obousy et Gerald Cleaver, « Casimir energy and brane stability », Journal of Geometry and Physics (en), vol. 61, no 3,‎ , p. 577-588 (lire en ligne).
  13. (en) Hendrik Casimir, « On the attraction between two perfectly conducting plates », Proc. Kon. Nederl. Akad. Wetensch, vol. B51,‎ , p. 793 (lire en ligne).
  14. (en) Hendrik Casimir, « The Influence of Retardation on the London-van der Waals Forces », Physical Review, vol. 73,‎ , p. 360 (résumé).
  15. (en) Astrid Lambrecht & Serge Reynaud ; Recent experiments on the Casimir effect: description and analysis, séminaire Poincaré (Paris, ). Cf. la bibliographie.
  16. van Blokland P. H. G. M. et Overbeek J. T. G. (1978). Van der Waals forces between objects covered with a chromium layer. J. Chem. Soc. Faraday Trans. I 74, 2637-2651. lire en ligne
  17. La force qui vient du vide physique, par Astrid Lambrecht, La Recherche no 376 page 48.
  18. Thomas Boisson, « La supraconductivité et l'effet Casimir réunis pour étudier la gravité quantique », Trust My Science,‎ (lire en ligne, consulté le ).

Annexes modifier

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Bibliographie modifier

Références supplémentaires modifier

  • (en) Bernard Jancovici & Ladislav Samaj ; Casimir force between two ideal-conductor walls revisited, Europhysics Letter 72 (2005), 35. ArXiv : cond-mat/0506363.
  • (en) P. R. Buenzli & Philippe A. Martin ; The Casimir force at high temperature, Europhysics Letter 72(1) (2005), 42-48. ArXiv : cond-mat/0506303.
  • (en) Philippe A. Martin & P. R. Buenzli ; The Casimir Effect, Acta Physica Polonica B (à paraître : 2006[Quand ?]). Notes de cours pour les proceedings of the 1st Warsaw School of Statistical Physics, Kazimierz, Poland (). ArXiv : cond-mat/0602559.

Articles connexes modifier

Liens externes modifier