Discussion:Déclaration sur le droit fondamental aux médicaments essentiels

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Le site de la Déclaration n'est plus fonctionnel. Le texte intégrale en anglais est maintenant publié à deux endroits:

Montréal Statement on the Human Right to Essential Medicines. In: Marks SP, editor. Health and Human Rights: Basic International Documents, Second Edition. Cambridge, Mass.: Harvard University Press; 2006. p. 1-318.

Thomas W. Pogge. “Montréal Statement on the Human Right to Essential Medicines” in Cambridge Quarterly of Healthcare Ethics 16/1 (2007), 97-108.

Voici le texte intégrale en français.

DÉCLARATION DE MONTRÉAL SUR LE DROIT FONDAMENTAL AUX MÉDICAMENTS ESSENTIELS


Sauvons des vies

1. Deux milliards de personnes n’ont pas accès aux médicaments essentiels. Cette situation de privation engendre de graves souffrances : la douleur, la peur, les atteintes à la dignité et à la vie. Quarante mille victimes succombent chaque jour, en grande majorité des enfants âgés de moins de cinq ans.

2. Les populations pauvres sont privées d’accès aux médicaments essentiels parce que le secteur de recherche et développement n’adresse pas leurs besoins prioritaires en santé, parce que les systèmes de santé sont inadéquats, et parce que les traitements existants ne sont pas à leur portée.

3. Cette situation va à l’encontre des devoirs éthiques et juridiques, incluant les obligations en termes de droits fondamentaux. Les institutions, règles et politiques en place perpétuent et aggravent de manière prévisible des injustices massives. Des alternatives aux configurations actuelles sont possibles : leur réforme s’impose d’urgence. Nous détenons tous une responsabilité dans la mise-en-œuvre d’un ordre social et international dans lequel les droits humains sont pleinement réalisés, y compris le droit aux médicaments essentiels. Cette obligation doit être reconnue et reflétée dans la structure et mode de fonctionnement de nos politiques et institutions. Aux niveaux national et global, les institutions, règles et politiques doivent être façonnées de sorte qu’elles mènent à la réalisation du droit aux médicaments essentiels. Dans un moindre mesure, les accords commerciaux, les règles de propriété intellectuelle, les prêts, aides et autres transactions d’échelle internationale, de même que les institutions, lois et politiques nationales doivent être élaborées afin d’éviter toute violation de ce droit.

4. Les États parties des traités internationaux sur les droits fondamentaux ont une obligation centrale de respecter, protéger et promouvoir le droit aux médicaments essentiels. Cette obligation-clé ne peut faire l’objet d’une mise en œuvre progressive, mais requiert la prise de mesures immédiates et effectives. En dépit des nombreuses résolutions qui ont marqué ces dernières années, les mesures prises pour la réalisation concrète du droit à la santé, incluant le droit aux médicaments essentiels, demeurent très largement insuffisants. Au regard de l’envergure et la persistance des atteintes à la vie et à la santé dues au défaut d’accès à des médicaments essentiels, et face à la pression menaçante de nouvelles pandémies, les gouvernements et les populations du monde entier doivent vouer leurs efforts à la pleine réalisation de ce droit.

Assurons l’accès aux traitements existants

5. Les médicaments essentiels couverts par ce droit sont ceux qui satisfont les besoins prioritaires en santé des populations, selon leur pertinence en santé publique, l’approbation de leur qualité, efficacité et sécurité, ainsi que leur coût-efficacité en comparaison d’autres produits. La Liste de Médicaments Essentiels établie par l’Organisation Mondiale de la Santé constitue un processus modèle pour la détermination par tout pays des produits pharmaceutiques et autres biens reconnus comme essentiels pour la santé de sa population.

6. La mise en œuvre, l’orientation et l’évaluation des politiques nationales en santé doivent être fondées sur le principe d’équité d’accès aux services de base pour tous, dans l’objectif de jouir du meilleur état de santé susceptible d’être atteint. Dans ce contexte, « le meilleur état de santé susceptible d’être atteint » ne réfère pas à un état absolu de parfaite santé, sinon à l’état optimal qui peut être atteint compte tenu des avancées des technologies et systèmes de santé et de la bonne utilisation des ressources disponibles---telles que l’aide et la coopération internationale—en faisant fi des barrières politiques et économiques. Tout État doit donc tenir sa liste de médicaments essentiels actualisée en permanence, suivant l’évolution des besoins de sa population. Les processus d’élaboration et de révision des politiques nationales de santé doivent prôner la participation, en impliquant notoirement des associations de professionnels, de patients et de consommateurs, des organisations non-gouvernementales, des représentants de communautés rurales et de populations vulnérables. Des mécanismes de transparence et d’imputabilité doivent également être instaurés afin d’établir clairement les objectifs, normes de référence et indicateurs nécessaires au suivi et à l’évaluation en continu, ainsi que des procédures de rétroaction et de contestation, y compris de recours judiciaire, dans les cas où le système s’avèrerait trop lent ou inapte à fournir les médicaments essentiels.

7. Le droit fondamental aux médicaments essentiels exige des systèmes domestiques de santé qu’ils garantissent en tout temps et pour tous un approvisionnement en médicaments essentiels de qualité approuvée, de dosage approprié, en quantités adéquates et dans les délais requis. Les destinataires des médicaments doivent détenir l’information pertinente et consentir au traitement. Les médicaments essentiels doivent être mis à disposition à un prix raisonnable pour les individus et populations.

Dépassons les barrières politiques et économiques

8. Les facteurs économiques et sociaux sont déterminants de la santé des populations. Ils le sont plus encore de l’accès aux médicaments. De ce fait, la réalisation du droit aux médicaments essentiels implique une stratégie de consolidation des systèmes de santé, par la formation d’un personnel de santé compétent en effectif suffisant, et l’éradication de la pauvreté et des inégalités sociales.

9. La responsabilité des gouvernements envers l’accomplissement des droits fondamentaux comprend l’assistance et la coopération internationales. Les États disposant de ressources doivent en conséquence assurer un système d’échanges et d’investissements plus juste, affranchi du handicap de la dette. Selon leur devoir d’assistance internationale, ils contribuent sur une base équitable à garantir la pleine réalisation du droit aux médicaments essentiels.

10. Tous les gouvernements ont le devoir, en qualité de membres et votants au sein d’institutions internationales financières, monétaires, commerciales et de développement, et prenant part à des politiques et programmes bilatéraux de développement, d’assurer que le droit fondamental aux médicaments essentiels se prolonge à travers les politiques de prêt, de crédit, d’échange et d’assistance menées dans le cadre de ces agences et institutions.

11. Les États sont tenus d’entreprendre toutes les mesures efficaces et concrètes menant à l’accès aux médicaments essentiels, en particulier d’adopter des pratiques commerciales avisées, et d’exploiter les flexibilités et sécurités prévues aux règles de commerce, telles que les licences obligatoires et les importations parallèles. Tous les États doivent s’abstenir de quelconque mesure, incluant l’intercession politique et les pressions économiques, contraignant l’accès aux médicaments.

12. Les responsabilités envers l’éradication de la pauvreté sont partagées par les pays démunis. Les stratégies de réduction de la pauvreté doivent reposer sur la participation, la transparence, et se concentrer sur les segments les plus vulnérables de la population. Les mesures et politiques visant à réduire la pauvreté doivent être conformes aux obligations des États en matière de droits fondamentaux, et particulièrement de droit fondamental aux médicaments essentiels.

13. Les institutions internationales ont le devoir de respecter et de promouvoir activement la santé comme droit fondamental. Dans ce sens, elles doivent garantir que les accords internationaux ayant trait à a protection de la propriété intellectuelle n’entraînent pas de violation du droit fondamental aux médicaments essentiels. Aux niveaux national et global, tous accords et décisions politiques susceptibles d’avoir un effet critique à l’encontre de la santé devraient être précédés d’un processus transparent et indépendant d’évaluation de l’impact en santé. Les diverses parties seraient subordonnées aux conclusions de cette évaluation, et contraintes de minimiser conformément tout impact négatif sur la santé prévisible.

L’innovation en santé comme bien public global

14. Le prix des médicaments brevetés est une barrière capitale à la réalisation du droit fondamental aux médicaments essentiels. L’unique raison d’être des brevets pharmaceutiques est leur rôle stimulateur de l’innovation. Cependant, le présent système d’incitatifs à l’innovation a pour conséquences des prix de vente élevés et des millions de personnes exclues du droit à des médicaments accessibles. Ce système conduit également à une distorsion des priorités de la recherche, orientée selon les retours en investissement plus qu’en réponse aux besoins et résultats de santé.

15. Les gouvernements doivent mettre en place des alternatives aux systèmes d’incitation à l’innovation, qui garantissent que les efforts en recherche et développement rencontrent les besoins prioritaires en santé. Les initiatives internationales de financement de la recherche en santé – en tant que bien public global -, et l’indexation des gains de l’innovation sur l’impact en santé comptent parmi ces nouvelles options. Ces systèmes alternatifs d’incitation à l’innovation doivent être conçus pour donner priorité au droit aux médicaments essentiels.

Déclaration adoptée le 2 octobre 2005 durant la session de clôture de la Conférence Internationale sur « Les Droits Fondamentaux et l’Accès aux Médicaments Essentiels : Quel pas en avant? », tenue à l’Université de Montréal (Québec).

FIN.

  • Cette Déclaration a été traduite en plusieurs langues. La version initiale a été rédigée en anglais.
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