Le croissant fossile est une biorégion du Nord-Ouest européen, caractérisée par la présence de la plus importante veine charbonnière européenne, s’étendant du Nord de l’Angleterre à la Silésie (Pologne, Tchéquie, Allemagne), en passant par le Nord-Pas-de Calais (France), la Wallonie (Belgique), et la Ruhr (Allemagne). Il désigne le lieu de naissance de l’Anthropocène[1],[2].

Histoire modifier

Le terme fut introduit en 2022 par le politologue Paul Magnette[1], par analogie avec le croissant fertile, dont le terme avait été forgé en 1916 par l’archéologue américain James Henry Breasted[3]. Le croissant fertile est considéré comme le lieu de naissance de la civilisation néolithique, caractérisée par la naissance de l’agriculture et de la civilisation urbaine : le changement de climat marquant les débuts de l’Holocène a rendu possible la domestication dans cette zone géographique des premières céréales, favorisant la sédentarisation des communautés humaines et la construction des premières villes.

Caractéristiques modifier

Par analogie, le croissant fossile peut être considéré comme le lieu de naissance de l’anthropocène : c’est en effet l’exploitation massive du charbon dans cette zone géographique qui a conduit à la formation du mode de production et de consommation extractiviste et productiviste qui est à l’origine des changements climatiques. Le Prix Nobel de chimie Paul Crutzen, inventeur du concept d’anthropocène, retient d’ailleurs l’invention de la machine à vapeur par James Watt en 1864 comme la date de naissance de ce nouvel âge géologique[4], et il est suivi en cela par de nombreux sociologues et historiens[5],[6].

Tableau de comparaison entre les deux époques
Ère géologique Date de naissance Lieu de naissance Fait générateur Substance matérielle Transformation socio-démographique
Holocène c. 12.000 av. J.-C. Proche et Moyen-Orient Révolution agricole Blé Sédentarisation
Anthropocène c. 1850 Nord-Ouest européen Révolution industrielle Charbon Exode rural

Tout comme le croissant fertile, le croissant fossile ("fossil crescent" en anglais), peut-être défini comme une biorégion : il désigne une aire géographique caractérisée par un fait géologique majeur (la présence de la veine charbonnière), ayant entraîné la première révolution industrielle et formé une véritable civilisation[7], en raison de ses profondes conséquences démographiques (exode rural, migrations), sociales et politiques[8] (naissance du mouvement ouvrier, intégration européenne), dont les traces sont toujours présentes aujourd’hui[9].

Publications et recherches modifier

En 2023, la revue GREEN publiée par le Groupe d’études géopolitiques, a édité un numéro spécial consacré au croissant fossile[10], réunissant les contributions d’un groupe international d’historiens (Jean-Baptiste Fressoz, Frederik Albritton Jonsson, Carl Wennerlind, Charles-François Mathis), de politistes (Pierre Charbonnier, Jean-Yves Dormagen, Kako Nubupko, Adam Tooze, Laurence Tubiana), d’architectes (Arlette Baumans, Bernard Deffet, Kersten Geers, Georgios Maillis, David Van Severen), d’urbanistes (Benoit Moritz, Paola Viganò) et de paysagistes (Michel Desvignes, Bas Smets).

Notes et références modifier

  1. a et b Paul Magnette, « Le croissant fossile », sur Le Grand Continent, (consulté le )
  2. Groupe d’études géopolitiques, « GREEN 4 : Le croissant fossile », sur Le Grand Continent, (consulté le ), p. 4-6
  3. Vincent Capdepuy, « Le « Croissant fertile ». Naissance, définition et usages d'un concept géohistorique: », L'Information géographique, vol. Vol. 72, no 2,‎ , p. 89–106 (ISSN 0020-0093, DOI 10.3917/lig.722.0089, lire en ligne, consulté le )
  4. (en) Paul J. Crutzen, « Geology of mankind », Nature, vol. 415, no 6867,‎ , p. 23–23 (ISSN 1476-4687, DOI 10.1038/415023a, lire en ligne, consulté le )
  5. (en) Fredrik Albritton Jonsson, « THE COAL QUESTION BEFORE JEVONS », The Historical Journal, vol. 63, no 1,‎ , p. 107–126 (ISSN 0018-246X et 1469-5103, DOI 10.1017/S0018246X19000153, lire en ligne, consulté le )
  6. Arnaud Saint-Martin, « Bonneuil (Christophe), Fressoz (Jean-Baptiste), L’événement anthropocène. La terre, l’histoire et nous, Paris, Le Seuil, coll. « Anthropocène », 2013, 304 pages. », Politix, vol. no 111, no 3,‎ , p. 202 (ISSN 0295-2319 et 1953-8286, DOI 10.3917/pox.111.0202, lire en ligne, consulté le )
  7. Steve Hagimont, « Charles-François Mathis, La Civilisation du charbon. En Angleterre, du règne de Victoria à la Seconde Guerre mondiale, Paris, Vendémiaire, 2021 », Les Cahiers de Framespa. e-STORIA, no 40,‎ (ISSN 1760-4761, DOI 10.4000/framespa.13284, lire en ligne, consulté le )
  8. Thomas Turnbull, « Review of Carbon democracy: political power in the age of oil », Area, vol. 46, no 1,‎ , p. 115–117 (ISSN 0004-0894, lire en ligne, consulté le )
  9. (en) Elena Esposito et Scott F. Abramson, « The European coal curse », Journal of Economic Growth, vol. 26, no 1,‎ , p. 77–112 (ISSN 1573-7020, DOI 10.1007/s10887-021-09187-w, lire en ligne, consulté le )
  10. Groupe d’études géopolitiques, « GREEN 4 : Le croissant fossile », sur Le Grand Continent, (consulté le )