Crise politique de 2023 en Équateur
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Depuis le (18 jours) |
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Localisation |
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Revendications | Destitution du président Guillermo Lasso |
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Issue | Dissolution de l'Assemblée nationale provoquant une élection présidentielle anticipée |
Président de la République Vice-président de la République | Assemblée nationale |
Guillermo Lasso Alfredo Borrero | Députés de l'opposition |
La crise politique de 2023 en Équateur débute le à la suite du procès en destitution du président Guillermo Lasso. L'enquête de mise en accusation débute à l'Assemblée nationale le et dure jusqu'au 17 mai, date à laquelle Lasso dissout le Parlement en vertu de la disposition constitutionnelle connue sous le nom de « mort croisée » (Muerte cruzada (en)). Cela entraine la fin de l'enquête d'impeachment et provoque des élections législatives et présidentielle anticipées. C'est la première fois qu'un président équatorien utilise cette mesure constitutionnelle[1].
ContexteModifier
Le , La Posta (es) publie un rapport intitulé El Gran Padrino (« Le Grand Parrain »), dans lequel il détaille un complot de corruption présumé au sein d'entreprises publiques centré sur Danilo Carrera Drouet (en), beau-frère du président Guillermo Lasso[2].
Suite à la publication, le , l'Assemblée nationale a créé une commission « Vérité, justice et lutte contre la corruption » dans l'affaire de corruption présumée contre Lasso[3]. Après enquête, un rapport non contraignant a été présenté qui a permis à l'Assemblée d'engager une procédure de destitution contre le président le [4].
Un proche collaborateur de Carrera, l'homme d'affaires Rubén Cherres, considéré comme un témoin clé dans l'affaire, a été retrouvé assassiné début avril 2023[5]. Bien que Carrera n'ait occupé aucun poste officiel dans l'administration Lasso, plusieurs anciens responsables ont affirmé qu'il avait joué un rôle consultatif auprès du président et était une figure puissante du palais présidentiel. En particulier, il a accompagné Lasso lors de son voyage à Washington en décembre 2022. Le 24 février, le procureur général a annoncé une nouvelle enquête sur le rejet par Lasso d'une enquête policière sur les liens de Cherres avec un réseau de trafic de drogue. Les accusations allèguent que Lasso a fait pression sur le commandant de la police d'État et sur le chef du service de lutte contre le trafic de drogue pour dissimuler le rapport d'enquête.
Le processus de destitution a commencé le 16 mars et le 29 mars, la Cour constitutionnelle (en) a approuvé l'accusation de détournement de fonds contre Lasso, mais a rejeté les deux accusations de corruption[6]. La BBC a noté que puisque 88 législateurs avaient précédemment voté en faveur du procès de destitution, cela signifiait que Lasso faisait face à la possibilité d'être destitué du pouvoir[7].
Le , l'Assemblée nationale lance officiellement une procédure de destitution contre Lasso[8]. Au cours de son témoignage, Lasso qualifie la procédure de destitution de politiquement motivée. Cependant le jour suivant, Lasso dissout l'Assemblée nationale, en invoquant la mesure constitutionnelle connue sous le nom de « mort croisée »[9].
Guillermo Lasso affronte un taux d'impopularité de 85 % au début de la crise politique[10].
Crise politiqueModifier
Le , Lasso a invoqué la mesure constitutionnelle de mort croisée tout en accusant les législateurs qui ont poussé à son éviction de se concentrer « sur la déstabilisation du gouvernement ». Ce mécanisme permet au président de dissoudre l'Assemblée nationale et de convoquer des élections présidentielles et législatives anticipées. Pendant la période menant à l'élection spéciale, Lasso gouvernerait l'Équateur par décret[12],[13]. Ce même jour, Lasso a ordonné la militarisation du Palais législatif de Quito, empêchant l'accès au personnel travaillant dans le bâtiment et aux membres de l'assemblée, qui prévoyaient de poursuivre la session débattant de la destitution du président. C'était la première fois qu'un président équatorien utilisait cette mesure constitutionnelle pour éviter la destitution.
Le jour même de la dissolution de l'Assemblée nationale, Lasso publie un décret-loi accordant des réductions d'impôts pour la classe moyenne du pays. Cette mesure est fortement critiquée, et un appel pour l'arrêter est déposé en quelques heures. Lasso justifie ses mesures en soutenant que c'est la meilleure solution et a déclare qu'il veut ainsi donner au peuple équatorien le « pouvoir de décider » de l'avenir du pays lors des prochaines élections. La Confédération des nationalités indigènes de l'Équateur condamne les actions de Lasso et menace de manifester, tandis qu'un porte-parole du ministère de la Défense nationale (en) déclare qu'il « réprimerait » toute manifestation violente. Les commentateurs notent qu'une grande partie des forces militaires et policières du pays soutiennent le décret de Lasso et le défendent comme constitutionnel.
Après l'invocation de la mort croisée, les anciens membres de l'Assemblée de la gauche démocratique et du parti social-chrétien ont demandé à la Cour constitutionnelle de statuer sur l'inconstitutionnalité du décret, arguant que la décision du président n'avait aucun fondement juridique[14].
Le 18 mai, plusieurs membres de l'Assemblée nationale évincés par le décret de Lasso le dénoncent publiquement et mettent en doute son bien-fondé constitutionnel car le pays ne faisait pas face à une crise urgente au moment où il a été invoqué[15]. L'ancien président de l'Assemblée (en), Virgilio Saquicela (en), intente une action en justice devant la Cour constitutionnelle contre le décret de Lasso, le qualifiant d'inconstitutionnel. Le même jour, le ministre porte-parole du gouvernement Henry Cucalón (en) défend les actions de Lasso, en reprenant l'argument selon lequel il avait l'autorité constitutionnelle d'invoquer ce décret.
Le Conseil national électoral (en) (CNE) se réunit pour préparer les nouvelles élections législatives. Lors d'une conférence de presse, la présidente du CNE (Consejo Nacional Electoral), Diana Atamaint (en), déclare que le premier tour des élections se tiendra le 20 août et que le second tour serait le 15 octobre[16]. Suite au décret de Lasso, l'ancien vice-président Otto Sonnenholzner et l'ancien député Fernando Villavicencio (en) ont annoncé leurs candidatures présidentielles[17],[18].
RéactionsModifier
NationalesModifier
- L'ancien président Rafael Correa a qualifié le décret présidentiel de Lasso d'« illégal » et a affirmé qu'« il n'y a manifestement pas de bouleversement interne », contrairement à ce qu'a soutenu le président. Il ajoute : « En tout cas, c'est une excellente occasion d'expulser Lasso, son gouvernement et ses législateurs »[19].
- L'ancien président Lenín Moreno a demandé le calme au sein de son parti pour éviter une répétition des résultats des élections locales de février 2023, qui avaient été une victoire majeure pour le parti de Correa. Il a également appelé à « l'unité, l'humilité et le détachement face au scénario politique et social incertain que traverse l'Équateur »[20].
- L'ancien maire de Guayaquil, Jaime Nebot, a déclaré que l'action de Lasso, par l'invocation de la mort croisée, était « inconstitutionnelle, sans effet juridique, problématique et une dictature déguisée »[21].
- Le Parti social-chrétien, de droite et ex-allié de Lasso, a estimé que, « politiquement et dans la pratique, le président s'est autoproclamé dictateur, même si ce n'est que pour une courte période »[10].
- La Confédération des nationalités indigènes (Conaie) a dénoncé le déroulement d'un « scénario de la dictature » de Guillermo Lasso[10].
InternationalesModifier
- Bolivie : l'ancien président Evo Morales a reproché à Lasso d'avoir invoqué le décret pour éviter « des poursuites pour corruption » et s'est demandé pourquoi Lasso avait pu rester en poste, alors que l'ancien président péruvien Pedro Castillo était poursuivi pour « avoir fait de même »[22].
- Chili : le gouvernement a exprimé l'espoir que la crise soit résolue par « les mécanismes démocratiques et institutionnels [disponibles] dans sa constitution, avec une stricte adhésion et le respect de l'État de droit ».
- Mexique : le président Andrés Manuel López Obrador a exprimé des doutes sur le fait que le décret de Lasso apporterait de l'instabilité à la nation et espérait que les prochaines élections générales apporteraient une solution à la crise.
- Pérou : le ministère péruvien des Affaires étrangères a indiqué son soutien à Lasso et que la présidente Dina Boluarte soutient le « processus démocratique de la République de l'Équateur »[23].
- États-Unis : le Département d'État des États-Unis a déclaré que le pays « soutient les institutions démocratiques en Équateur »[24].
Notes et référencesModifier
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « 2023 Ecuadorian political crisis » (voir la liste des auteurs).
- (en) « Ecuador’s president dismisses legislature as it tries to oust him, in a move that promises turmoil », sur Associated Press,
- (es) « La versión desolada de El Padrino », sur 4pelagatos,
- (es) « Asamblea crea comisión multipartidista para investigar corrupción en sector eléctrico », sur El Comercio,
- (es) « La Corte Constitucional de Ecuador admitió la solicitud de juicio político en contra del presidente Guillermo Lasso », sur Infobae,
- (en) « Ecuador: Murder of Key Witness in Investigation of President Lasso, Others, Raises More Questions », sur Center for Economic and Policy Research,
- (en) « Ecuador's President Dissolves Congress Amid Impeachment Trial », sur The New York Times,
- (en) « Guillermo Lasso: Ecuador's President dissolves parliament », sur BBC News,
- (en) « Ecuador Assembly Begins Impeachment Hearing Against President Lasso », sur USNews,
- (en) « Ecuador president Lasso dissolves National Assembly, triggers early elections », sur Reuters,
- « Crise. Après la dissolution du Parlement par le président, l’Équateur entre “en territoire inconnu” », sur Courrier international, (consulté le )
- (en) « Ecuador president dissolves legislature, bringing vote forward », sur Al Jazeera,
- (en) « Ecuador’s president dissolves Congress to avoid impeachment », sur The Economist,
- (en) « Ecuadorian legislature votes for impeachment trial against President Lasso », sur Peoples Dispatch,
- (es) « PSC presentará demanda de inconstitucionalidad al decreto de muerte cruzada de Guillermo Lasso », sur El Universo,
- (en) « Ecuador court rejects lawmakers' challenges to president's disbanding of National Assembly », sur ABC News,
- (es) « Ecuador irá a las urnas el próximo 20 de agosto, según Diana Atamaint », sur Expreso,
- (es) « Más actores políticos anuncian su intención de candidatizarse para presidente de Ecuador », sur Vistazo,
- (es) « Fernando Villavicencio, el primer político que habla de una candidatura presidencial tras la muerte cruzada », sur El Universo,
- (es) « Lasso iba a ser destituido y prefirió llamar a elecciones anticipadas": Rafael Correa », sur Radio Pichincha,
- (es) « Lenín Moreno pide unidad tras "muerte cruzada" para que correísmo no gane elecciones », sur Vistazo,
- (es) « Correa, Nebot e Iza promueven acciones tras "muerte cruzada" ejecutada por Lasso », sur Vistazo,
- (en) « Reactions to Ecuador's Lasso dissolving Congress », sur MSN,
- (es) « Gobierno de Perú apoya decisión de Guillermo Lasso de disolver la Asamblea de Ecuador », sur El Universo,
- (es) « "EE.UU. reacciona a disolución de la Asamblea Nacional de Ecuador decretada por el presidente Lasso », sur NBC,