Communauté ecclésiale de base

organisation de l'Église en cellule de petite taille

Les communautés ecclésiales de base sont un concept de cellule d'Église lancé dans les années 1950 en Amérique latine, puis très fortement développé durant la décennie suivante, dans la suite immédiate du concile Vatican II.

Inspirées notamment de la théologie de la libération, elles connaissent un important succès dans les années 1970 et 1980, avant de rencontrer des difficultés.

Terminologie modifier

Le terme de « base » est employé d'une part pour signifier que ces communautés sont avant tout des communautés de laïcs ; les clercs qui y sont associés n'assurent pas un rôle de conduite ni de direction, mais plutôt d'animation et bien sûr de célébration des sacrements. Par ailleurs, le terme « base » veut signifier également que ces communautés s'adressent en priorité aux pauvres et aux exclus[1].

Historique modifier

Débuts informels au Brésil modifier

Au cours des années 1950, au Brésil, des petits groupes de chrétiens et de chrétiennes se rassemblent spontanément autour d’une lecture populaire de la Bible et d’une célébration de la foi indissociable d’un engagement pour la justice. Ces réunions constituent le premier jalon des communautés ecclésiales de base[1].

L’accent n’y est pas mis sur l’Église, ni même sur Jésus, mais sur la Bonne Nouvelle annoncée aux pauvres, par opposition aux inégalités criantes de la société latino-américaine. La conception du pouvoir est remise en cause, avec une recherche d'une société s’affranchissant de toute domination et dans laquelle la participation, la solidarité, l’égalité dans la pluralité ont une place centrale[1].

Reconnaissance ecclésiale modifier

La deuxième session du Conseil épiscopal latino-américain, celle de Medellín, en 1968, reconnaît le caractère fondamental des communautés ecclésiales de base pour la vie de l’Église[1].

Une des particularités de cette conférence est le choix fait de ne pas appliquer les dogmes conciliaires de Vatican II, mais à les mettre en perspective à la lumière du contexte latino-américain des années 1960[2]. Ainsi, les communautés ecclésiales de base ne sont pas considérées comme « mouvements » ni « associations » mais comme des Églises en miniature, portant tous les éléments de la structure universelle de l’Église[3].

Déploiement et retours d'expérience modifier

Au cours des années 1970 et 1980, le modèles des communautés ecclésiales de base se répand en Afrique[4].

La conférence de Puebla des évêques latino-américains juge de manière extrêmement positive les évolutions des communautés ecclésiales de base onze ans après leur reconnaissance officielle, et les encourage vivement. Toutefois l'orientation de certaines communautés vers des positions plus politiques qu'ecclésiales suscite la méfiance et justifie une demande de discernement de la part des évêques[5]. Óscar Romero, dans son homélie du , met en garde les communautés ecclésiales de base contre une politisation excessive[6].

Jean-Paul II encourage également les communautés ecclésiales de base, notamment dans son encyclique Redemptoris missio de 1990, où il écrit : « les communautés ecclésiales de base offrent de bons résultats, comme les centres de formation chrétienne et d’irradiation missionnaire »[3].

Crise modifier

Après les années 1980, un certain nombre d'évêques d'Amérique latine sont plus conservateurs et moins enclins à laisser une totale liberté aux communautés ecclésiales de base ; certains s'efforcent de les assimiler à des paroisses traditionnelles afin d'y favoriser des pratiques plus spirituelles et moins révolutionnaires[1]. En ce qui concerne les papes Jean-Paul II et Benoît XVI, tous deux choisissent comme acteurs ecclésiaux des mouvements spiritualistes en qui ils reconnaissent des fruits du printemps ecclésial annoncé par le concile Vatican II. Les communautés ecclésiales de base s'investissant davantage dans les aspects matériels et moins dans les questions spirituelles, elles sont moins mises en avant lors de ces deux pontificats[7].

Les nombreuses dictatures sud-américaines qui prennent le pouvoir au cours de cette décennie sont en outre très hostiles aux communautés ecclésiales de base[6].

Renouveau sous le pontificat de François modifier

Le pontificat de François, qui débute en 2013, est plus favorable aux communauté ecclésiales de base. Tout d'abord, le pape est lui-même d'origine sud-américaine, et meilleur connaisseur de cette réalité de terrain. D'autre part, dans ses encycliques Laudato si' et Fratelli tutti, il prône une fraternité humaine qui respecte à la fois un tissu social de proximité et une empathie avec l'environnement. Dans sa vision, exprimée plus particulièrement dans le cadre amazonien dans Querida Amazonia, « Les communautés de base, quand elles ont su intégrer la défense des droits sociaux à l’annonce missionnaire et à la spiritualité, ont été de vraies expériences de synodalité dans le cheminement d’évangélisation de l’Église en Amazonie »[8].

Cette mise en avant est analysée comme pouvant être étendue à de nombreuses autres zones du monde, notamment l'ensemble de l'Amérique du Sud, l'Afrique et l'Asie, et que l'Église dont rêve le pape François est déjà à l'œuvre dans les paroisses ou les communautés ecclésiales de base sont actives[9].

Notes et références modifier

  1. a b c d et e Jean-Claude Ravet, « Les communautés ecclésiales de base », Relations,‎ (lire en ligne).
  2. Vander Perre 1979, Introduction, p. 63.
  3. a et b Manoel José de Godoy 2018, La CeB : cellule initiale de la structuration ecclésiale, p. 64 & 65.
  4. « L’histoire des communautés ecclésiales de base — Repères », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne).
  5. Vander Perre 1979, De Medellin à Puebla, p. 198 & 199.
  6. a et b Michel Piton, « Les communautés ecclésiales de base », Le Monde diplomatique,‎ , p. 9 (ISSN 0026-9395, lire en ligne).
  7. Manoel José de Godoy 2018, Brève conclusion, p. 70.
  8. Pape François, « Querida Amazonia », Saint-Siège, (consulté le ).
  9. (en) Amado L. Picardal, « Pope Francis’ ecclesial dream and the Basic Ecclesial Communities », Conférence des évêques des Philippines (en) (consulté le ).

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

  • [Vander Perre 1979] A. Vander Perre, « La conférence de Puebla », Revue théologique de Louvain, vol. 10, no 2,‎ , p. 196-208 (ISSN 0080-2654, DOI 10.3406/thlou.1979.1698, lire en ligne)
  • [Marcello De Carvalho Azevedo 1986] Marcello De Carvalho Azevedo (trad. du portugais par Françoise Malley), Communautés ecclésiales de base : L'enjeu d'une nouvelle manière d'être Église [« Comunidades eclesiais de base e inculturação da fé »], Le Centurion, , 236 p. (ISBN 9782227340381, BNF 34878045, présentation en ligne)
  • [Maurilio Alves Rodrigues 2002] Maurilio Alves Rodrigues, L'évolution des communautés ecclésiales de base (CEB'S) au Brésil, UCLouvain, (ISBN 9782729587284, présentation en ligne)
  • [Étienne Grieu 2005] Étienne Grieu, « Les communautés ecclésiales de base », Christus, no 207,‎ (ISSN 0009-5834, lire en ligne)
  • [Lucie Brunet 2006] Lucie Brunet, Les communautés ecclésiales de base : L'exemple de Bangui en Centrafrique, L'Harmattan, coll. « Églises d'Afrique », , 186 p. (ISBN 9782296157538, lire en ligne)
  • [Maurilio Alves Rodrigues 2007] Maurilio Alves Rodrigues, Les communautés ecclésiales de base au Brésil : Genèse, structure et fonctions, L'Harmattan, , 254 p. (ISBN 9782296158191)
  • [José Sánchez Sánchez 2016] José Sánchez Sánchez (trad. de l'espagnol par Annie Damidot), « Pour un renouveau des Communautés ecclésiales de base », Christus, no 207,‎ (ISSN 0009-5834, lire en ligne)
  • [Manoel José de Godoy 2018] Manoel José de Godoy (trad. de l'espagnol par Rose Marie Soares Pereira), « Les communautés ecclésiales de base comme lieu de la catéchèse », Lumen Vitae, no 73,‎ , p. 63-71 (ISSN 0024-7324, lire en ligne)
  • [Édouard Litambala Mbuli 2021] Édouard Litambala Mbuli, Repenser les communautés ecclésiales vivantes de base : Perspectives d'une nouvelle évangélisation en contexte congolais, L'Harmattan, coll. « Églises d'Afrique », , 352 p. (ISBN 9782140186776)