Citrine (protéine)

protéine

Citrine, aussi connue sous le nom d'antiport aspartate-glutamate ou bien de transporteur aspartate-glutamate (aspartate/glutamate carriers, AGC), est une protéine membranaire mitochondriale faisant partie de la famille SLC25. Elle permet l'échange strict d'un aspartate contre un glutamate et un proton à travers la membrane interne mitochondriale. Le processus de transport serait activé par le calcium présent dans l'espace intermembranaire mitochondrial.

Fonction modifier

Deux isoformes de l'antiport aspartate-glutamate, présentant une homologie de séquence de 78%, ont été identifiées chez l'homme : Aralar et Citrine.

Aralar a été découvert en 1998 par deux chercheurs de l'Université autonome de Madrid, Araceli del Arco et Jorgina Satrústegui. Le nom "Aralar" signifie "Araceli hiperlarga"[1]. Cette isoforme est principalement exprimée dans les tissus excitables (cerveau, cœur, muscles squelettiques)[1].

Citrine a été découverte en 1999 grâce à une collaboration entre l'Université de Kagoshima (Japon) et l'Université de Toronto (Canada)[2]. Citrine est quatre fois plus active qu'Aralar[3] et est exprimée dans les tissus non excitables (foie, rein, pancréas)[4].

 
Le NADH transfère deux électrons à un oxaloacétate, qui est réduit en malate. Cette réaction d'oxydoréduction est catalysée par la malate déshydrogénase cytosolique (cMDH). L'antiport oxoglutarate/malate (OGC) importe le malate dans la mitochondrie et exporte le 2-oxoglutarate vers le cytosol. Le malate mitochondrial est oxydé en oxaloacétate, permettant la réduction de NAD+ en NADH. Cette réaction est catalysée par la malate déshydrogénase mitochondriale (mMDH). L'oxaloacétate généré, ainsi qu'un glutamate mitochondrial, sont convertis en oxoglutarate et en aspartate par une réaction de transamination catalysée par l'aspartate transaminase mitochondrial (mAAT).  L'aspartate et l'oxoglutarate sont exportés en échange d'un glutamate et d'un malate par les antiports aspartate/glutamate (AGC) et oxoglutarate/malate (OGC). Les aspartate et oxoglutarate cytosoliques sont convertis en oxaloacétate et glutamate par une réaction de transamination catalysée par l'aspartate transaminase cytosolique (cAAT). L'oxaloacétate généré est de nouveau réduit en malate, tandis que le glutamate est échangé vers la matrice mitochondriale contre un aspartate vers le cytosol.

Citrine et Aralar font partie de la navette malate-aspartate, le mécanisme principal par lequel le NADH est transféré dans les mitochondries. Le cycle de cette navette permet de transférer indirectement un NADH cytosolique en un NADH mitochondrial grâce à l'importation de glutamate/H+ et de malate dans la matrice mitochondriale, et grâce à l'exportation de l'aspartate et de 2-oxoglutarate dans le cytosol. Ce processus permet à la glycolyse de fournir 2,5 molécules d'ATP à chaque transfert par l'intermédiaire du cycle de l'acide citrique (cycle de Krebs).

L'échange de glutamate/H+ contre un aspartate est effectué par l'antiport aspartate-glutamate, alors que l'échange d'un malate contre un oxoglutarate est effectué par l'antiport oxoglutarate-malate (OGC). Ce dernier échangeant le malate cytosolique contre du 2-oxoglutarate mitochondrial. Ces deux anticorps sont ainsi les éléments centraux et indispensables de la navette malate/aspartate.

En rééquilibrant le stock d'aspartates cytosoliques, cette navette participe également :

Structure et mécanisme de fonctionnement modifier

Citrine et Aralar sont les membres de la famille des antiport mitochondriaux SLC25 (solute carrier family 25) ayant la plus grande taille (675 acides aminés)[5] et sont aussi les seuls connus à ce jour formant des dimères (environ 150 kDa)[6]. Bien que la structure globale de la protéine soit encore inconnue, la séquence d'acides aminés suggère que la protéine possèdent une structure tripartite composée: en N-terminal d'un domaine régulateur liant le calcium, suivi d’un domaine antiport transmembranaire prolongé par une hélice amphipathique à l’extrémité C-terminale.

Le domaine de régulation modifier

Citrine, Aralar et l'antiport ATP:Mg/phosphate sont les seuls transporteurs possédant un domaine de régulation en position N-terminale situé dans l'espace intermembranaire mitochondrial. Le domaine de régulation de Citrine et d'Aralar (310 acides aminés) est constitué de 8 motifs "main EF", parmi lesquels un seul semble lier un atome de calcium[6],[7].

 
Mécanismes d’actions du transporteur mitochondrial Citrine & Aralar. A) Représentation modulaire de Citrine B) Modèle structural de l'antiport aspartate-glutamate Citrine lié au calcium et C) sous forme apo. D) Mécanisme d’action du domaine antiport dans l’échange glutamate-proton contre un aspartate. Pour faciliter la compréhension seul le domaine antiport a été représenté. Le domaine de régulation N-terminal est coloré en bleu pâle, le domaine antiport en rose et l’hélice amphipathique C-terminale en orange. Au niveau du domaine de régulation N-terminal les éléments de structures secondaires liés à la dimérisation de la protéine sont présentés en vert foncé tandis que les éléments impliqués dans la libération de l’hélice C-terminale sont en cyan. Le domaine de transport est formé par une triple répétition de trois hélices (représentées en bleu, rouge et jaune). Figure adaptée de Tavoulari, Lacabanne et al[8].

Les structures atomiques du domaine N-terminal de Citrine et d'Aralar lié au calcium et sous forme apo ont été déterminées par l'équipe du Professeur Edmund Kunji (Université de Cambridge)[6]. Une caractéristique remarquable de ce domaine est que, en présence de calcium, il permet le repliement de l'hélice amphipathique C-terminale dans une poche hydrophobe[6]. En l'absence de calcium, les changements conformationnels du domaine N-terminal conduisent à la fermeture de la poche et donc à la libération de l'hélice amphipathique[6]. Le lieu de destination de l'hélice amphipathique, ainsi que les étapes structurales conduisant à l'inhibition/activation du transporteur, restent inconnus.

Le domaine antiport modifier

Ce domaine transmembranaire est dédié exclusivement à l’échange d’un acide glutamique contre un aspartate. La structure de ce domaine composé de 330 acides aminés est inconnue, mais son repliement général ne devrait pas différer sensiblement du repliement des autres antiports mitochondriaux de la famille SLC25. En effet, les domaines antiport présentent une structure similaire à celle de l'antiport mitochondrial ADP/ATP, qui a été caractérisée en détail[9],[10],[11]. Ils se caractérisent par une structure pseudo-symétrique triple composée de trois domaines possédant une structure similaire, ce qui reflète les trois répétitions de séquences homologues. Chaque domaine est constitué de deux hélices transmembranaires reliées par une boucle contenant une hélice matricielle, qui s'agencent pour former un faisceau de six hélices.

Par analogie, un mécanisme a été proposé pour le transfert des substrats[8]. Le domaine de transport peut arborer deux états distincts opposés : ouvert du côté de la matrice mitochondriale (m-state) ou bien ouvert du côté de l’espace inter-membranaire et du cytoplasme (c-state). La liaison à la protéine d’un glutamate et d’un proton provenant du cytoplasme induit un changement d’état conduisant à la fermeture du transporteur de son côté cytoplasmique mais aussi à l’ouverture de son côté mitochondrial libérant ainsi le glutamate dans la matrice mitochondriale. Le processus inverse s’effectue après la fixation d’un aspartate transportant ainsi l’acide aminé dans le cytoplasme.

Références modifier

  1. a et b A. del Arco et J. Satrústegui, « Molecular cloning of Aralar, a new member of the mitochondrial carrier superfamily that binds calcium and is present in human muscle and brain », The Journal of Biological Chemistry, vol. 273, no 36,‎ , p. 23327–23334 (ISSN 0021-9258, PMID 9722566, DOI 10.1074/jbc.273.36.23327, lire en ligne, consulté le )
  2. K. Kobayashi, D. S. Sinasac, M. Iijima et A. P. Boright, « The gene mutated in adult-onset type II citrullinaemia encodes a putative mitochondrial carrier protein », Nature Genetics, vol. 22, no 2,‎ , p. 159–163 (ISSN 1061-4036, PMID 10369257, DOI 10.1038/9667, lire en ligne, consulté le )
  3. L. Palmieri, B. Pardo, F. M. Lasorsa et A. del Arco, « Citrin and aralar1 are Ca(2+)-stimulated aspartate/glutamate transporters in mitochondria », The EMBO journal, vol. 20, no 18,‎ , p. 5060–5069 (ISSN 0261-4189, PMID 11566871, PMCID PMC125626, DOI 10.1093/emboj/20.18.5060, lire en ligne, consulté le )
  4. (en) Sotiria Tavoulari, Denis Lacabanne, Chancievan Thangaratnarajah et Edmund R. S. Kunji, « Pathogenic variants of the mitochondrial aspartate/glutamate carrier causing citrin deficiency », Trends in endocrinology and metabolism: TEM, vol. 33, no 8,‎ , p. 539 (PMID 35725541, PMCID PMC7614230, DOI 10.1016/j.tem.2022.05.002, lire en ligne, consulté le )
  5. L. Palmieri, B. Pardo, F.M. Lasorsa et A. del Arco, « Citrin and aralar1 are Ca2+-stimulated aspartate/glutamate transporters in mitochondria », The EMBO Journal, vol. 20, no 18,‎ , p. 5060–5069 (ISSN 0261-4189 et 1460-2075, DOI 10.1093/emboj/20.18.5060, lire en ligne, consulté le )
  6. a b c d et e Chancievan Thangaratnarajah, Jonathan J. Ruprecht et Edmund R. S. Kunji, « Calcium-induced conformational changes of the regulatory domain of human mitochondrial aspartate/glutamate carriers », Nature Communications, vol. 5, no 1,‎ (ISSN 2041-1723, DOI 10.1038/ncomms6491, lire en ligne, consulté le )
  7. Laura Contreras, Paulino Gomez-Puertas, Mikio Iijima et Keiko Kobayashi, « Ca2+ Activation Kinetics of the Two Aspartate-Glutamate Mitochondrial Carriers, Aralar and Citrin », Journal of Biological Chemistry, vol. 282, no 10,‎ , p. 7098–7106 (ISSN 0021-9258, DOI 10.1074/jbc.m610491200, lire en ligne, consulté le )
  8. a et b Sotiria Tavoulari, Denis Lacabanne, Chancievan Thangaratnarajah et Edmund R.S. Kunji, « Pathogenic variants of the mitochondrial aspartate/glutamate carrier causing citrin deficiency », Trends in Endocrinology & Metabolism, vol. 33, no 8,‎ , p. 539–553 (ISSN 1043-2760, DOI 10.1016/j.tem.2022.05.002, lire en ligne, consulté le )
  9. Jonathan J. Ruprecht, Alex M. Hellawell, Marilyn Harding et Paul G. Crichton, « Structures of yeast mitochondrial ADP/ATP carriers support a domain-based alternating-access transport mechanism », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 111, no 4,‎ (ISSN 0027-8424 et 1091-6490, DOI 10.1073/pnas.1320692111, lire en ligne, consulté le )
  10. Jonathan J. Ruprecht, Martin S. King, Thomas Zögg et Antoniya A. Aleksandrova, « The Molecular Mechanism of Transport by the Mitochondrial ADP/ATP Carrier », Cell, vol. 176, no 3,‎ , p. 435–447.e15 (ISSN 1097-4172, PMID 30611538, PMCID 6349463, DOI 10.1016/j.cell.2018.11.025, lire en ligne, consulté le )
  11. Jonathan J. Ruprecht et Edmund R.S. Kunji, « The SLC25 Mitochondrial Carrier Family: Structure and Mechanism », Trends in Biochemical Sciences, vol. 45, no 3,‎ , p. 244–258 (ISSN 0968-0004, DOI 10.1016/j.tibs.2019.11.001, lire en ligne, consulté le )