Ahmedou Hamahoullah

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Ahmedou Hamahoullah (1883-1943), appelé aussi cheikh Hamallah, le marabout de Nioro ou le chérif de Nioro, est une personnalité religieuse malienne. Il est le fondateur d'une branche de la confrérie soufie tijaniyya désignée sous le nom de hamallisme ou hamawiyya[1].

Cheikh Hamallah
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La tendance du cheikh Hamahoullah dite « onze grains » a été le véhicule principal de la pénétration de la Tijaniyya en Afrique de l’Ouest.

Biographie modifier

Jeunesse modifier

Ahmedou Hamahoullah (« celui que Dieu a protégé »), est né à Kamba Sagho au Mali en 1881 d’un père maure érudit de Tichitt en Mauritanie et d’une mère peule du Mali[2],[3]. Son père, Mohamedou Ould Seydna Oumar, est issu de la tribu des Ahel Mohammad Sidi Chérif de Tichitt en Mauritanie. Ce fin lettré, réputé pour son rigorisme en matière de religion, s’installe, pour faire du commerce, un peu plus loin à Kamba Sagho, près de Niamyna sur les bords du Niger (cercle de Ségou). Sa mère s'appelle Assa Diallo.

Devenu vieux et sentant sans doute sa mort prochaine, son père Mohamedou décide de se rapprocher de ses parents du Hodh mauritanien sans porter préjudice à son commerce. Parmi tous les centres commerciaux de l’époque, son choix se porte sur la ville de Nioro, au Sahel, qui était en relations constantes avec Tichitt, la terre de ses ancêtres. Il s’installe dans l’ancienne capitale du Kaarta vers 1885.

En 1895, le vieux Maure confie ses deux enfants, Hamahoullah et son petit frère Baba el-Kébir, à son cousin, le célèbre professeur Mohamedou Ould Chérif, qui les conduit à Tichitt où ils commencent à apprendre les premières lettres de l’alphabet arabe. Ensuite, les deux garçons sont pris en charge par leur oncle Mohamedou Ould Bouyé Ahmed, dit Deh, qui leur enseigne le Coran.

A l’école de Deh, le petit Ahmedou se distingue par sa vivacité d’esprit. D’une mémoire étonnante, il lui suffisait d’écouter son oncle lire une seule fois un verset coranique pour le réciter sans se tromper. Dès cette époque, on commence à lui attribuer de nombreux miracles et les campements environnants ne parlent plus que de ce « gamin extraordinaire ».

Successeur de Sidi Mohammed Lakhdar à la tête des « onze grains » modifier

Le cheikh Sidi Mohammed Lakhdar qui avait été chargé de la mission d’étendre la tariqa en Afrique de l’Ouest par le cheikh Sidi Tahar de Tlemcen, un des proches compagnons du fondateur de la confrérie, le cheikh Ahmed Tijani (1738-1815), entre à Nioro-du-Sahel en 1900 et reconnaît chez l'adolescent de dix-neuf ans, Ahmedou Hamahoullah, les qualités du « khalîfa » qu’il cherche et le prend comme élève. Selon le récit traditionnel, un vendredi matin de 1902, Lakhdar écrit un « mot » de onze lettres et demande à Hamahoullah s’il lui est arrivé de voir cette formule sacrée au cours de songes ou de rêves (l’onirisme a une place importante dans le mysticisme musulman). Hamahoullah aurait révélé un autre mot dont le sens ésotérique était le même et dont la somme des valeurs numériques de chacune des deux lettres égalait aussi onze, le chiffre sacré de la confrérie, en utilisant le procédé mnémotechnique soufi. Hamahoullah est désormais considéré comme le détenteur du secret mystique de la Tijaniyya et donc le pôle du tijanisme mais ce n’est qu’à la mort du vieux missionnaire, en 1909, qu'il prendra l’allure d’un véritable chef de confrérie, d’un khalîfa, à un âge exceptionnellement jeune.

Entretemps, le cheikh Lakhdar promouvait la pratique des prières dite des « onze grains »[3] (qui récite onze fois la prière djawartu al kamal)), différente de celle des « douze grains », et qui devint une branche à part de la tijaniyya. Cette branche a la réputation d'être plus hostile à la domination coloniale française.

L’homme est simple et respectueux des autres. Si l’on en croit les témoignages des administrateurs coloniaux qui l’ont connu, il est très généreux. Descemet confirme les renseignements rapportés par P. Marty : « S’il reçoit beaucoup, il donne également beaucoup, ne gardant qu’assez peu pour lui-même, secourant sans compter les détresses matérielles qui ont recours à lui. Et cette générosité n’est pas sans ajouter grandement à son renom […] Il n’est pas un quémandeur ou un pauvre qui frappe en vain à sa porte […] ». L'écrivain malien Amadou Hampaté Bâ note pour sa part : « Ce qui force l’admiration chez le chérif Hamahoullah, ce ne sont pas la sainteté et les miracles mais ce sont surtout son courage mâle, sa poigne et son imperturbable sang-froid. »

La tendance du cheikh Hamahoullah devint le véhicule principal de la Tijaniyya en Afrique de l’Ouest.

Résistance à la colonisation française modifier

Le refus du compromis colonial de cheikh Hamahoullah va aboutir à une confrontation avec l'administration française de 1925 à 1948.

En 1925, il est déporté pendant 5 ans à Mederdra, dans le Trarza mauritanien, puis en Côte d'Ivoire, et n'est autorisé à rentrer qu'en 1936[3].

A la faveur d'une bataille rangée entre plusieurs tribus maures des cercles de Nioro et de l'Assaba en août 1940, l'administration lance une vaste répression contre la hamawiyya. Les principaux leaders de la hamawiyya sont déportés dans plusieurs centres d'internement africains.

Le gouverneur vichyste Boisson décide de le faire arrêter le . Le cheikh est emmené dans la foulée vers Dakar par avion, puis, le , en Algérie.

Baba et son frère Cheikh Sidi Ahmed ould Hamallah, deux fils du cheikh, sont fusillés le en même temps que 31 dirigeants ou notables maures[3].

En 1942, Cheikh Hamallah est de nouveau déporté en France. Il est transféré à Évaux-les-Bains, dans la Creuse au début d' où il a pour compagnons de détention des personnalités de la IIIe République Française, dont Édouard Herriot.

Presque tous les talmid tijanes[Quoi ?] de Nioro sont arrêtés le même jour et torturés[réf. nécessaire], avant d'être déportés dans les camps de concentration d'Ansongo, de Bourem et de Kidal.

Cheikh Hamahoullah meurt en déportation en janvier 1943, officiellement d’une cardiopathie. Il est enterré dans le cimetière de l’Est à Montluçon.

Un prétendu document de la Sûreté nationale relate que cheikh Hamallah n'a pu s'adapter ni au climat ni aux conditions de vie en France. La demande de transfert en Corse, en date du 28 août 1942, du médecin attaché à son centre d'internement est refusée et, en octobre 1942, le maître de Nioro serait selon le dire du pouvoir colonial, déjà gravement malade. Il a été, semble-t-il, transféré d'urgence à l'hôpital d'Aubenas avant d'être envoyé à celui de Montluçon. Là, il a été traité par le docteur Bons d'après les autorités coloniales françaises.[réf. nécessaire]

Toutefois, aucun document officiel émanant des autorités médicales n'atteste de son décès. D'ailleurs le nom figurant sur l'acte de décès établi par la mairie est différent de celui du cheikh de la Tijaniyya.

La légende veut que cheikh Hamallah a promis à ses disciples qu’il reviendra un jour (sans leur dire comment ni sous quelle apparence).

Le cheikh Mohamedou ould Hamallah dit Bouyé Haïdara, un de ses fils, lui a succédé à la tête de la hamawiyya[4].

Un môle du port de Dakar porte le nom de cheikh Hamallah.

Bibliographie modifier

  • Un Agneau de Dieu : le Cheikh Hamallâh, A.Q., L'Île verte éditions, 2015, (ISBN 979-1095843009)
  • L’islam et la colonisation en Afrique : Cheikh Hamahoullah, homme de foi et résistant, Alioune Traoré, Maisonneuve et Larose, 1983, (ISBN 978-2706808395)
  • Hamallah le protégé de Dieu de Seydina Oumar Dicko (2002)
  • Confrérie et pouvoir, la Tijâniyya hamawiyya en Afrique de l’Ouest : 1909-1965 de Boukary Savadogo (thèse soutenue en 1998)

Notes et références modifier

  1. « Du Mali à Montluçon, la vie de foi et d’insoumission du maître soufi Cheikh Hamahoullah », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  2. http://fig-st-die.education.fr/actes/actes_2002/tolba/article.htm
  3. a b c et d Hamès Constant, « Cheikh Hamallah ou Qu'est-ce qu'une confrérie islamique (Tarîqa) ? », Archives de sciences sociales des religions, nos 55/1,‎ , p. 67-83 (lire en ligne, consulté le ).
  4. Coralie Pierret, « Mali: l'imam Dicko reçu à son tour par le chérif de Nioro Bouyé Haïdara », RFI,‎ (lire en ligne)

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