Caveau lyonnais
Le Caveau lyonnais est le nom porté par une succession de fameuses goguettes lyonnaises créées en référence à la célèbre société chantante parisienne du Caveau.
Les quatre Caveaux lyonnais témoignent, durant un siècle, de l'importance des liens chansonniers entre Lyon et Paris. Le premier Caveau lyonnais est créé en 1812, le quatrième disparaît après 1907.
L'exemple du Caveau parisien est suivi ailleurs. En 1873, un Caveau havrais est créé au Havre[1]. En 1880, un Caveau Verviétois existe à Verviers en Belgique[2]. En 1883, un Caveau stéphanois ou Caveau de Saint-Étienne est créé à Saint-Étienne[3]. Il aura une section lyonnaise[4]. Il existera également un Caveau algérois à Alger, auquel Ernest Chebroux a dédié un toast à la Chanson[5].
1812 – Premier Caveau lyonnais
modifierEn 1812, en référence au Caveau moderne parisien est fondé à Lyon le Caveau lyonnais. Justin Cabassol, du Caveau de Paris, en parle en 1865 :
« Le Caveau de 1812 était affilié au Caveau moderne parisien, et même deux de ses membres, Félix Pitt et Montperlier, vinrent à Paris, et eurent une franche et cordiale réception de la part de l'excellent Désaugiers, alors président, qui leur fit les honneurs de la table de Balaine, au Rocher de Cancale, rue Montorgueil.
Pitt y chanta Il faut vivre, couplets pleins d'entrain et de gaité ; Montperlier y fit entendre sa délicieuse chanson des Petits pieds de Lise[6]. »
Le , Pierre-Joseph Charrin, membre du Caveau moderne parisien, est reçu au Caveau lyonnais. À cette occasion il rédige des couplets de réception[7].
En 1815, paraît à Paris, chez Rosa, Le Chansonnier des Bourbons : dédié à S. A. S. Madame la duchesse douairière d'Orléans ; rédigé par MM. J. A. Jacquelin et B. de Rougemont. 1re Année. Son contenu témoigne du plus parfait opportunisme des membres du Caveau moderne, s'alignant bruyamment en faveur de la monarchie restaurée. Monperlier participe à ce recueil avec une chanson[8].
La même année, le Dictionnaire des protées modernes parle du Caveau lyonnais au début de son article consacré à Montperlier :
« MONPERLIER (J.-A.-M.), de Lyon, président du caveau lyonnais, membre du cercle littéraire de Lyon, correspondant des soupers de Momus, auteur dramatique, dont les pièces alimentent continuellement les théâtres de Lyon, qui, sans M. Montperlier, seraient dans la plus grande détresse[9]. »
Le Caveau lyonnais disparaît vers 1815.
1827 – Deuxième Caveau lyonnais
modifierEn 1825, le libraire, poète et chansonnier Pierre Capelle, sous la présidence de Désaugiers, fait renaître le Caveau parisien de ses cendres, chez le restaurateur Lemardelay, sous le titre de Réveil du Caveau. Cette tentative s'interrompt avec la mort de Désaugiers, qui en était l'âme, et qui disparaît le [10].
Peut-être en liaison avec cette entreprise parisienne, un second Caveau lyonnais est créé le . Ses fondateurs, Bié, Cottenet, Liénard et Félix Pitt, ont fait partie de la première Société d'Épicure, la plus ancienne goguette lyonnaise connue, créée en 1810 et disparue en 1814, et du premier Caveau lyonnais. Ils entretiennent des rapports avec Béranger[11]. Pitt accompagnait Montperlier dans sa visite au Caveau moderne à Paris. Montperlier n'est pas du second Caveau lyonnais. Il est mort, jeune, à Paris, en 1819.
Le second Caveau lyonnais, comme le premier, connaît aussi une existence éphémère. Il publie plusieurs volumes, puis disparaît[6].
1865 – Troisième Caveau lyonnais
modifierDébut 1865, un troisième Caveau lyonnais est créé. Justin Cabassol, du Caveau parisien, annonce sa naissance dans L'Écho de Roubaix du [6] :
« Le Caveau Lyonnais se réunit en banquet tous les trois mois, et publiera un volume de ses œuvres semestriellement. Nous avons déjà sous les yeux les productions de MM. Arthur Lamy (président), René Bidaud, Célestin Gauthier (maître de cérémonies)[12], Eugène Colliaux, J.B. Guerraz (secrétaire), et Timothée Jourdan (vice-président-trésorier). – A bientôt les œuvres de MM. Baussand, Louis Jullien, Nové-Josserand, Lucien Solary (secrétaire-adjoint), Jules Vasseur, et, peut-être, celles du signataire de cette esquisse, vieux parisien qui vit à deux râteliers chantants, afin de justifier ce vers de la « mélomanie » : « Sans chanter peut-on vivre un jour. » Disons, pour finir, que la première livraison – du Caveau Lyonnais, donne en douze pages un spécimen de tous les genres, hormis le genre ennuyeux. »
La BNF conserve une chanson imprimée en feuille volante la même année : L'Enfant du Progrès, Chant national, dédié à Napoléon III, signée « Nové-Josserand (du Caveau Lyonnais)[13] ».
Célestin Gauthier, sous son pseudonyme de Jules Célès, parle du troisième Caveau lyonnais dans son Almanach des cafés-chantants édité en 1869.
En 1865, lui-même figure, ainsi que René Bidaud, tous deux en qualité de membre du Caveau lyonnais, parmi les participants d'un tournoi poétique en Champagne[14].
Ce Caveau, comme les deux précédents, disparaît par la suite à une date indéterminée.
1888 – Quatrième Caveau lyonnais
modifierLe , naît le quatrième Caveau lyonnais. Très lié au Caveau de Paris, il fait du chansonnier parisien Gustave Nadaud son président d'honneur. C'est à la suite de sa participation à un banquet à Lyon donné à la Villa des Fleurs, le , que ce nouveau Caveau lyonnais est né. Au moins un autre illustre Parisien est présent à ce banquet : Ernest Chebroux, du Caveau de Paris.
Le fondateur du quatrième Caveau lyonnais est Claude Loron, dit Camille Roy[16]. Son siège demeure longtemps à la brasserie Corrompt[17].
Les objectifs de la nouvelle société chantante sont : « le culte pratique de la chanson, sa propagation, la glorification de la mémoire des grands chansonniers et les initiatives littéraires et artistiques profitables à la Ville de Lyon. » À l'image du Caveau parisien, dont il suit l'exemple, le quatrième Caveau lyonnais proclame son mépris des femmes, précisant qu'elles ne sont pas admises, sauf exceptionnellement[16].
L'Almanach du Caveau lyonnais pour 1890, ouvre sa partie Chansons des membres du Caveau avec les œuvres de Gustave Nadaud et de deux membres du Caveau parisien, membres d'honneur du Caveau lyonnais : Ernest Chebroux et Émile Bourdelin, président du Caveau parisien[18].
Après la mort de Gustave Nadaud en 1893, on retrouve un autre chansonnier parisien président d'honneur du quatrième Caveau lyonnais. En 1900, le chansonnier et poète Ernest Chebroux, alors président de la Lice Chansonnière parisienne et aussi membre d'honneur du Temple de la chanson de Saint-Étienne, est président d'honneur du Caveau Lyonnais[19].
Les créateurs du quatrième Caveau lyonnais en 1888 évitent de rappeler le souvenir du premier et du troisième Caveau lyonnais[20]. Ils parlent seulement du deuxième et récrivent ainsi l'histoire des Caveaux lyonnais, sans doute pour des raisons politiques. Le troisième Caveau lyonnais, en particulier, né sous Napoléon III, était lié à lui, ne serait-ce qu'en rappelant que des bonnes choses s'étaient déroulées sous son règne. Après 1871, il est d'usage chez les Républicains de brosser systématiquement très en noir le tableau du Second Empire, notamment pour chercher à faire oublier la Semaine sanglante où 30 000 Parisiens qui se réclamaient aussi de la République, car la Commune de Paris s'en réclamait, avaient été massacrés par les armées de la République. Participe de ce tableau négatif le discours affirmant que les goguettes ont toutes disparu en 1851, victimes de la répression, ce qui n'est pas vrai[21].
C'est dans le quatrième Caveau lyonnais que le chansonnier Xavier Privas fait ses débuts en 1888[22].
L'existence du quatrième Caveau lyonnais dure au moins une vingtaine d'années. Georges Droux, dans une étude publiée en 1907[23], nous apprend qu'à cette époque il est toujours actif[24].
À Lyon, en plus des Caveaux lyonnais, il exista également une section lyonnaise du Caveau stéphanois ou Caveau de Saint-Étienne[4]. Dans l'article Liste de goguettes on trouvera les noms d'une trentaine de sociétés chansonnières de Lyon.
Bibliographie
modifier- Article de Justin Cabassol, Le Caveau Lyonnais, tiré à part, extrait de L'Écho de Roubaix du .
- Almanach des cafés-chantants par Jules Célès, Rédacteur du Refusé, Première année, Lyon, Paris, 1869.
- Almanach du Caveau lyonnais pour 1890.
- Jean-François Gonon, Histoire de la chanson stéphanoise et forézienne depuis son origine jusqu'à notre époque., Éditée par l'imprimerie coopérative « L'Union Typographique », Saint-Étienne, 1906.
- Georges Droux La chanson lyonnaise, histoire de la chanson à Lyon, les sociétés chansonnières, Revue d'histoire de Lyon, A. Rey et Cie éditeurs, Lyon 1907.
Notes et références
modifier- Baptisé La Chanson Havraise ou Le Caveau Havrais, il compte en octobre 1873 six membres fondateurs et un an plus tard 26 membres, au nombre desquels des chanteurs et des musiciens. Voir à ce propos La Chanson Havraise, Première Livraison.
- Voir à propos de cette goguette belge de la ville de Verviers un article dans La Chanson, 12 décembre 1880, 3e année, numéro 31, page 244 et un autre dans La Chanson, 26 décembre 1880, numéro 33, page 261.
- Voir à ce propos : Chloé Dufour Le Caveau Stéphanois de 1883 à 1914 - Mémoire de master 1 d'histoire à l'université de Lyon II, année 2006, conservé à la Bibliothèque des Archives municipales de Saint-Étienne - Série S : fonds privés, 2 S 323. Et à propos de son fondateur, le poète patoisant Jacques Vacher : Jacques Vacher (1842 -1897), cet inconnu.
- Jean-François Gonon, Histoire de la chanson stéphanoise et forézienne depuis son origine jusqu'à notre époque., Éditée par l'imprimerie coopérative « L'Union Typographique », Saint-Étienne, 1906.
- Voir le toast à la Chanson dédié par Ernest Chebroux au Caveau algérois.
- Article de Justin Cabassol, membre du quatrième Caveau parisien, Le Caveau Lyonnais, tiré à part, extrait de l'Écho de Roubaix du 5 février 1865.
- Conseils Épicuriens, à mes Confrères les Membres du Caveau lyonnais, Couplets de réception, chantés au Banquet du 14 août 1814.
- Le Chansonnier des Bourbons : dédié à S. A. S. Madame la duchesse douairière d'Orléans ; rédigé par MM. J. A. Jacquelin et B. de Rougemont. 1re Année. En 1811, à l'occasion de la naissance du fils de Napoléon 1er, le Caveau moderne avait publié un Hommage du Caveau moderne au roi de Rome.
- Dictionnaire des protées modernes, ou biographie des personnages vivants qui ont figuré dans la Révolution française, depuis le 14 juillet 1789 jusques et compris 1815, par leurs actions, leur conduite ou leurs écrits ; par un homme retiré du monde, Davi et Locard éditeurs, Paris 1815, page 194.
- Henri Avenel, Chansons et chansonniers, C. Marpon et E. Flammarion éditeurs, Paris 1890, page 18.
- Voir l' L'Almanach du Caveau lyonnais pour 1890.
- Connu plus tard sous le pseudonyme de Jules Célès.
- Nové-Josserand (du Caveau Lyonnais), L'Enfant du Progrès.
- Bulletin de l'Union des poètes, 1865, page 174.
- Rubrique Petit courrier, Le Gaulois, 7 janvier 1893, page 4, 6e colonne.
- Notice biographique sur Camille Roy.
- Notice sur Xavier Privas
- Les vieilles chansons de Gustave Nadaud, Le défaut de Lili, d'Ernest Chebroux et Ma sonnette, d'Émile Bourdelin.
- À propos d'Ernest Chebroux voir en ligne sur Internet la photo de Ernest Chebroux, prise à Lyon, et une biographie sommaire. Elle est à prendre avec réserve, car il y est dit notamment qu'en 1898 il préside la Lice chansonnière depuis 1873 ce qui ne peut pas être vrai, Henri Avenel indiquant page 379 de son ouvrage Chansons et chansonniers qu'on ne peut pas être président de la Lice chansonnière plus d'une année d'affilée (il précise aussi dans son livre que Jules Échalié est président de la Lice chansonnière en 1879 et Eugène Baillet président en 1880).
- Dans la préface de l'Almanach du Caveau Lyonnais pour 1890, Marius Grillet écrit, page 14 : « La première réunion du Caveau lyonnais (précurseur du Caveau lyonnais actuel) eut lieu le 11 janvier 1827. »
- Voir à ce propos : Mythologie des goguettes.
- Robert Brécy, Florilège de la Chanson Révolutionnaire, De 1789 au Front Populaire, Éditions Ouvrières, Paris 1990, page 169).
- La chanson lyonnaise, histoire de la chanson à Lyon, les sociétés chansonnières, Revue d'histoire de Lyon, A. Rey et Cie éditeurs, Lyon 1907.
- Droux le présente comme le deuxième Caveau lyonnais, oubliant celui de 1812 et celui de 1865.