Ballottage (politique)
Dans une élection au scrutin majoritaire à deux tours, le ballottage ou ballotage est une situation dans laquelle aucun des candidats n'a réuni la majorité requise au premier tour. Il faut donc organiser un second tour.
Origine
modifierCe terme vient du mot italien « ballotta » qui signifie « petite boule ». En effet, au Moyen-Âge, à Florence, des magistrats votaient en plaçant des châtaignes, qu’on appelait « ballotte », dans différents sacs en fonction de leur choix. La décision majoritaire, correspondant au sac le plus rempli, l’emportait[1].
D'autre part, à Venise, les patriciens utilisaient de petites boules (là aussi nommées « ballotte ») de couleurs différentes pour voter. Ils inséraient soit une boule rouge pour un vote positif, soit une boule noire pour s’exprimer défavorablement. Ce système permettait notamment de sélectionner les Grands électeurs autorisés à désigner le futur Doge de Venise[1],[2].
En France, ce terme commence à être utilisé lors de l'élection présidentielle de 1965, pour désigner la « mise en ballotage » de Charles de Gaulle par François Mitterrand[3].
Aux élections législatives françaises
modifierDifférents types de ballottage
modifierLors des élections législatives, une situation de ballottage est possible lorsqu'un candidat n'a pas obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés et un quart des inscrits. Dans ce cas, les candidats appelés au second tour sont les deux premiers ainsi que tous ceux qui ont obtenu un huitième des inscrits[4].
Les configurations de ballottage aux législatives peuvent donc être variées. Par exemple, on parle de triangulaire lorsque trois candidats sont qualifiés au second tour, ou de quadrangulaire lorsque quatre candidats sont retenus...
Dans le cadre d'un seuil minimum de 12,5 % des voix inscrites, il est aussi théoriquement possible que surviennent une quinquangulaire, une sexangulaire, voire une septangulaire, bien que les cas ne se soient pas produits lors des élections législatives. Une octangulaire serait le cas exceptionnel consistant, dans le cas où 100 % des inscrits se sont exprimés, à ce que 8 candidats recueillent exactement 12,5 % des votes chacun.
Notons qu'il peut même n'y avoir qu'un seul candidat au second tour, lorsque tous les autres qualifiés se sont désistés.
Ce tableau récapitule les différentes configurations de ballottage lors des élections législatives de 1958 à 1997 en France Métropolitaine (circonscriptions d'outre-mer et d'Algérie française exclues) :
Ballottage | Élu dès le premier tour | ||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|
Un seul candidat | Duel | Triangulaire | Quadrangulaire | Quinquangulaire | Sexangulaire | ||
1958 | 84 | 235 | 97 | 9 | 1 | 39 | |
1962 | 1 | 227 | 129 | 12 | 96 | ||
1967 | 331 | 65 | 2 | 72 | |||
1968 | 1 | 266 | 49 | 154 | |||
1973 | 1 | 326 | 96 | 1 | 49 | ||
1978 | 8 | 409 | 1 | 56 | |||
1981 | 10 | 309 | 1 | 154 | |||
1988 | 19 | 413 | 8 | 115 | |||
1993 | 16 | 452 | 15 | 72 | |||
1997 | 12 | 457 | 79 | 7 |
Dans les cases où aucun chiffre ne figure, le nombre d’occurrence est nul.
Quelques précisions à apporter :
- Le nombre de sièges à l’Assemblée Nationale a beaucoup varié sur cette période, car il y a eu de nombreux redécoupages des circonscriptions législatives au début de la Vème République.
- Lors des élections législatives de 1958, il y eut 9 quinquangulaires et 1 sexangulaire, mais le seuil était fixé à 5 % des inscrits.
- Après la loi no 66-1022 du 29 décembre 1966 : le seuil minimal d'inscrits nécessaire pour se qualifier passe à 10 %.
- Après la loi no 76-665 du 19 juillet 1976 : le seuil minimal d'inscrits nécessaire pour se qualifier passe à 12,5 % : c'est encore le cas aujourd'hui.
Ce tableau récapitule les différentes configurations de ballottage lors des élections législatives de 2002 à 2024 dans les 577 circonscriptions de France (circonscriptions d'outre-mer et des français établis à l'étranger prises en compte) :
Ballottage | Élu dès le premier tour | ||||
---|---|---|---|---|---|
Un seul candidat | Duel | Triangulaire | Quadrangulaire | ||
2002 | 3 | 506 | 10 | 58 | |
2007 | 2 | 464 | 1 | 110 | |
2012 | 15 | 492 | 34 | 36 | |
2017 | 1 | 571 | 1 | 4 | |
2022 | 3 | 562 | 7 | 5 | |
2024 | 1 | 409 | 89 | 2 | 76 |
Dans les cases où aucun chiffre ne figure, le nombre d’occurrence est nul.
Quelques précisions à apporter :
- Lors des élections législatives de 2024, il y eut 306 triangulaires avant désistements. La logique du Front républicain a conduit à de nombreux désistements, d'où une chute drastique du nombre de triangulaires[8].
- Lors des élections législatives de 2024, il y eut 5 quadrangulaires avant désistements. Les retraits de candidats dans 3 de ces circonscriptions ont mené à deux triangulaires, et un duel[8].
Références
modifier- Solange Esteves, « Élections législatives. « Être en ballottage », qu’est-ce que ça veut dire ? », sur Ouest France, (consulté le )
- Camille Romano, « Législatives : au fait, c’est quoi un « ballottage » ? », sur Le Journal du Dimanche, (consulté le )
- Olivier Nay, Guy Carcassonne, Françoise Dreyfus et Olivier Duhamel, Lexique de science politique, dl 2017 (ISBN 978-2-247-17430-0, 2-247-17430-2 et 978-2-247-17069-2, OCLC 1002064724, lire en ligne)
- « Règles du jeu, candidats… Mode d’emploi du scrutin en cinq points » , sur La Voix Du Nord (consulté le )
- Laurent Boissieu, « La bipolarisation de la vie politique française », sur France Politique, (consulté le )
- Dominique Reynié, « Succès de la droite et apparition d'un bipartisme imparfait. Les élections législatives en France - 9 et 16 juin 2002 », sur Fondation Robert Schuman, (consulté le )
- Brice Le Borgne, « Résultats des législatives 2024 : record de triangulaires, duels contre le RN... Visualisez les configurations du second tour dans chaque circonscription », sur franceinfo, (consulté le )
- Romain Imbach, Maxime Ferrer, Manon Romain, Maxime Vaudano, Romain Geoffroy, Patxi Berhouet, Iris Derœux et William Audureau, « Législatives 2024 : le rapport de force politique dans les triangulaires annoncées, entre RN, NFP et camp présidentiel », sur Le Monde, (consulté le )