Oxydation anaérobie de l'ammonium

Bioréacteur contenant des bactéries anammox Kuenenia stuttgartiensis (Radboud University Nijmegen)
Lipides C17-C20 de type ladderane de bactéries anammox contenant donc trois anneaux cyclobutane concaténés avec un cycle cyclohexane ou cinq cyclobutanes consécutifs. les acides gras correspondants sont esterifiés avec du méthanol ou sur un squelette glycérol tandis que les alcools ladderaniques sont liés via une fonction éther au glycérol, tous dans différentes combinaisons.
Cycle biologique de l'azote
(DNRA : dissimilatory nitrate reduction to ammonium)

L’oxydation anaérobie de l’ammonium ou l’« anammox[note 1]» est une voie métabolique microbienne importante du cycle de l'azote au cours de laquelle l’énergie chimique du nitrate NO3 et de l’ammonium NH4+ est utilisée par certaines bactéries pour fixer le dioxyde de carbone. Ces bactéries qui réalisent ce processus ont été identifiées en 1999 et ont constitué à l'époque une surprise pour la communauté scientifique. Ce type de réactions se déroule dans de nombreux milieux naturels. Une méthode d'élimination de l'ammonium développée par l'université de technologie de Delft est également commercialisée sous le nom d'anammox.

Observation in vivo modifier

Dans le processus biologique, le cation ammonium NH4+ est oxydé par l'anion nitrite NO2 pour donner du diazote N2. La réaction globale s'écrit :

NH4+ + NO2N2 + 2 H2O.

Ce processus contribue à hauteur de 50 % du diazote produit dans l'océan[réf. nécessaire], consommant assez d'azote assimilable (ammonium et nitrite) pour limiter la production primaire des eaux[réf. nécessaire].

Les bactéries qui effectuent le processus d'anammox appartiennent au phylum bactérien des planctomycètes, dont les genres les mieux connus sont Planctomyces et Pirellula. Actuellement, cinq genres de bactéries anammox ont été (provisoirement) définis : Brocadia, Kuenenia, Anammoxoglobus et Jettenia concernant les espèces d'eau douce, ainsi que Scalindua pour ce qui est des espèces marines.

Spécificités des bactéries anammox modifier

Les bactéries anammox sont caractérisés par plusieurs propriétés remarquables.

Températures de l'eau modifier

Le processus d'anammox avait été initialement observé à des températures comprises entre 20 °C et 43 °C[4], mais des publications de 2009 ont rapporté des observations, dans des sources chaudes à des températures comprises entre 36 °C et 52 °C[5], et dans des sources hydrothermales situées le long de la dorsale médio-atlantique à des températures comprises entre 60 °C et 85 °C[6].

Application au traitement des eaux usées modifier

Le procédé anammox intervient dans l'élimination de l'ammonium dans le traitement des eaux usées et se compose de deux processus distincts. La première étape est la nitrification partielle (nitrosation) de la moitié de l'ammonium en nitrite par des bactéries telles que Nitrosomonas :

4 NH4+ + 3 O2 → 2 NH4+ + 2 NO2 + 4 H+ + 2 H2O.

Des bactéries anammox peuvent alors convertir l'ammonium NH4+ et le nitrite NO2 en diazote N2 et environ 15 % de nitrate NO3 :

NH4+ + NO2N2 + 2 H2O.

Les deux processus peuvent se dérouler dans un réacteur unique où les deux guildes de bactéries forment des granules compacts[7].

Le procédé Anammox représente une alternative prometteuse aux techniques conventionnelles d'élimination de l'azote mises en œuvre dans les stations d'épuration. C'est d'ailleurs pour cette raison que plusieurs brevets utilisant les propriétés du processus anammox ont déjà été déposés. À l'inverse de la flore microbienne présente dans les étapes de traitement biologique d'une STEP, les bactéries du genre Brocadia anammoxidans sont en mesure de se dispenser d'oxygène et même de consommer du dioxyde de carbone (gaz à effet de serre). La coûteuse aération des bassins peut donc être diminuée, réduisant ainsi les coûts de traitement et les émissions de CO2 jusqu'à 88%. Le développement des nouveaux procédés se base sur les travaux de recherche accomplis dans les années 1990, portant sur l'activité microbiologique lors des processus de nitrification/dénitrification, et en particulier sur les mécanismes entravant la disponibilité de l'azote. Les travaux réalisés à Vienne (Nowak und Svardal, 1993; Nowak, 1996), Delft (van Niel et al., 1993; van Loosdrecht und Jetten, 1998) et Hanovre (Abeling, 1994; Hippen, 1999) méritent ici d'être cités. Ces découvertes trouvent leur application à Rotterdam depuis début 2006. En Allemagne, les procédés Anammox sont appliqués dès l'an 2000 dans différentes stations d'épuration, se limitant cependant toujours au traitement d'une partie des effluents (par exemple liqueur de boues). Jusqu'à présent, divers systèmes sont disponibles sur le marché pour cette application particulière. Dans les années à venir, la multiplication des expériences dans des installations grandeur nature permettra de démontrer dans quelle mesure les exigences technico-économiques du fonctionnement d'une STEP s'en trouvent desservies. L'application du procédé Anammox à l'ensemble des eaux pré-traitées ne fait l'objet à ce jour que d'une unique application en Autriche, au sein de la station d'épuration de Strass (Val de Ziller). L'intérêt réside ici également dans la réduction des besoins d'oxygénation et l'évitement des émissions de CO2. Le défi à relever dans ce cas est de rassembler les conditions idéales à la croissance des bactéries anammox (comme par exemple, la températures des eaux traitées, l'âge des boues…).

Intérêt écologique modifier

La nitrification/dénitrification (transformation par étapes de l'ammoniaque en nitrites puis en nitrates puis en azote atmosphérique par le biais de l'activité bactériologique en condition anoxique) a longtemps été considérée comme la seule source de libération de l'azote de l'air. La découverte de l'oxydation de l'ammonium par des bactéries anaérobiques a donc de larges conséquences sur la compréhension scientifique du cycle de l'azote. Le procédé anammox donne une nouvelle dimension au cycle de l'azote dans les océans.

Note modifier

  1. Abréviation de anaerobic ammonium oxidation » en anglais.

Références modifier

  1. (en) Laura A. van Niftrik, John A. Fuerst, Jaap S.Sinninghe Damsté, J.Gijs Kuenen, Mike S.M. Jetten et Marc Strous, « The anammoxosome: an intracytoplasmic compartment in anammox bacteria », FEMS Microbiology Letters, vol. 233, no 1,‎ , p. 7-13 (lire en ligne) DOI 10.1016/j.femsle.2004.01.044
  2. (en) Jaap S. Sinninghe Damsté, Marc Strous, W. Irene C. Rijpstra, Ellen C. Hopmans, Jan A. J. Geenevasen, Adri C. T. van Duin, Laura A. van Niftrik et Mike S. M. Jetten, « Linearly concatenated cyclobutane lipids form a dense bacterial membrane », Nature, vol. 419,‎ , p. 708-712 (lire en ligne) DOI 10.1038/nature01128 PMID 12384695
  3. (en) Vincent Mascitti et E. J. Corey, « Enantioselective Synthesis of Pentacycloanammoxic Acid », Journal of the American Chemical Society, vol. 128, no 10,‎ , p. 3118-3119 (lire en ligne) DOI 10.1021/ja058370g PMID 16522072
  4. (en) Marc Strous, J. Gijs Kuenen et Mike S. M. Jetten, « Key Physiology of Anaerobic Ammonium Oxidation », Applied and Environmental Microbiology, vol. 65, no 7,‎ , p. 3248–3250 (lire en ligne)
  5. (en) A. Jaeschke, J. J. Op den Camp, H. Harhangi, et al., « 16S rRNA gene and lipid biomarker evidence for anaerobic ammonium-oxidizing bacteria (anammox) in California and Nevada hot springs », FEMS Microbiology Ecology, vol. 67, no 3,‎ , p. 343-350 (lire en ligne)
  6. (en) Nathalie Byrne, Marc Strous, Valentin Crepeau, Boran Kartal, Jean-louis Birrien, Markus Schmid, Françoise Lesongeur, Stefan Schouten, Andrea Jaeschke, Mike Jetten, Daniel Prieur et Anne Godfroy, « Presence and activity of anaerobic ammonium-oxidizing bacteria at deep-sea hydrothermal vents », The ISME journal (Multidisciplinary Journal of Microbial Ecology), vol. 3, no 1,‎ , p. 117-123 (lire en ligne) DOI 10.1038/ismej.2008.72
  7. (en) B. Kartal, J. G. Kuenen et M. C. M. van Loosdrecht, « Sewage Treatment with Anammox », Science, vol. 328, no 5979,‎ , p. 702-703 (lire en ligne) DOI 10.1126/science.1185941

Voir aussi modifier

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Bibliographie modifier