Adoption forcée d'enfants via l'Église catholique en Belgique

L'adoption forcée d'enfants via l’Église catholique en Belgique concerne des jeunes femmes enceintes envoyées par leur famille accoucher dans des institutions catholiques, qui se sont vu retirer leur enfant puis la vente de ce dernier à des familles d'accueil. Le nombre d'enfants concernés est d'environ de 30 000 entre 1945 et 1980.

En 2023, un amendement du Parlement flamand permet de classer les personnes adoptées illégalement comme victimes de la traite des êtres humains.

L'Église catholique belge s'excuse auprès des victimes, des prêtres impliqués dans cette affaire sont suspendus. Toutefois, Tommy Scholtès, porte-parole des évêques belges, explique, en 2023, qu'il ne s'agit pas d'une vente, mais les familles qui recevaient les enfants « contribuaient financièrement au fonctionnement des communautés religieuses ».

Historique modifier

L’affaire des adoptions forcées d'enfants entre 1945 et 1980 en Belgique est révélée en 2014. Après des débats au Parlement flamand, des excuses de l'Église catholique belge et des demandes d’enquête, l'affaire disparait de l'espace médiatique[1]. L'affaire revient sur le devant de la scène belge en décembre 2023 avec le podcast Kinderen van de Kerk (Enfants de l’Église), publié par le média Het Laatste Nieuws[2],[3].

Selon l'association Mater Matuta, 30 000 « enfants de la honte », notamment en Flandre, sont concernés par ces abandons et adoptions forcés[4],[5]. Après avoir accouché dans des institutions catholiques, en Belgique ou dans le nord de la France, les mères biologiques devaient abandonner leurs enfants, et ces derniers étaient alors vendus à des familles d’adoption[6]. Les enfants étaient vendus en général entre 10 000 à 30 000 francs belges. Toutefois des montants supérieurs sont possibles : ainsi un enfant né dans le nord de la France, vendu par les religieuses 100 000 francs[7].

Des femmes victimes de ces adoptions forcées ont créé l'association Mater Matuta[8]. Selon cette association, des services publics et certains magistrats se seraient rendus complices de l'Église catholique. Mater Matuta affirme que les agences d'adoption échangeaient des enfants, pour éviter que ces derniers ne retrouvent leur mère biologique[4].

Certaines des victimes évoquent des humiliations et des violences sexuelles de la part des religieuses, mais aussi des stérilisations contraintes[2].

Réactions modifier

Politiques modifier

En décembre 2014, le Parlement flamand organise des auditions sur la question des adoptions forcées[9].

En 2023, le ministre de la Justice Paul Van Tigchelt annonce que quatre prêtres, impliqués dans ces adoptions, sont suspendus et retirés de la liste des ministres du culte rémunérés par son ministère. Une enquête est en cours pour quatre autres religieux. Par ailleurs en 2023, un amendement du Parlement flamand permet de classer les personnes adoptées illégalement, comme victimes de la traite des êtres humains[10].

Église catholique modifier

L'Église catholique belge s'excuse auprès des victimes. Toutefois, Herman Cosijns, secrétaire général de la Conférence épiscopale de Belgique de 2011 à 2023, fait sensation en 2014 en déclarant qu'il est faux de parler d'adoptions forcées. En 2023, Tommy Scholtès, porte-parole des évêques belges, explique « Les familles en attente d'adoption remerciaient les religieuses quand elles recevaient l'enfant (...), elles contribuaient financièrement au fonctionnement des communautés religieuses »[9],[11].

En 2023, l'Église catholique belge souhaite engager une « enquête externe pour déterminer les responsabilités réelles » sur ces adoptions[12]. Dans son homélie de Noël, le président de la Conférence épiscopale de Belgique, Luc Terlinden, évoque les enfants victimes d’abus sexuels ou d’une adoption forcée : « une réalité douloureuse qui est revenue au grand jour ces dernières semaines à la suite des témoignages poignants de victimes. Ceux-ci nous invitent non seulement à la compassion mais aussi à un engagement résolu pour le respect de la dignité de toute personne humaine… »[13].

Témoignages modifier

La députée Yngvild Ingels, née le à Dunkerque[14], dans un couvent, a été adoptée dans le cadre de ces adoptions forcées mais n'a jamais pu retrouver ses parents biologiques. Elle a été vendue par l'intermédiaire de l'association catholique Caritas à une famille belge flamande. Elle indique avoir « été transportée de France en Belgique, sans véritable existence légale. Et pourtant, mes parents ont pu ensuite régulariser l’adoption via des avocats. A l’époque, ils pensaient bien faire. Et je ne suis pas la seule. Il y en a plein qui ont été adoptés comme ça »[1],[9].

Le média belge néerlandophone Het Laatste Nieuws publie, en décembre 2023, le podcast Kinderen van de Kerk (Enfants de l’Église) qui présente plusieurs témoignages. Ainsi Debby Mattys évoque sa mère tombée enceinte à 18 ans après un viol, elle est placée dans une institution gérée par des religieuses à Mortsel, où elle est obligée de travailler. Après son accouchement, sa fille Debby Mattys, est « vendue » à ses parents adoptifs pour 20 000 francs belges[3],[2],[15].

Références modifier

  1. a et b Laure Broulard, « Adoptions forcées : En Belgique, un scandale d’enfants nés sous X au XXe siècle secoue l’Eglise catholique », Libération,‎ (lire en ligne, consulté le )
  2. a b et c Fanny Uski-Billieux, « En Belgique, le scandale des adoptions forcées par l’Église catholique refait surface », La Croix,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  3. a et b « Podcast : Kinderen van de Kerk », Het Laatste Nieuws,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  4. a et b « En Belgique, le combat de femmes contraintes d'abandonner leur enfant », France 3 Région,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  5. Jacques Deveaux, « La Belgique se penche sur le scandale des abandons d'enfants forcés », France Info,‎ (lire en ligne, consulté le )
  6. William Bourton et Marine Buisson, « Bébés vendus par l’Eglise : un nouveau scandale qui ne peut être enterré », Le Soir,‎ (lire en ligne, consulté le )
  7. « Scandale en Flandre: des religieuses ont vendu 30.000 bébés jusque dans les années 1980 », RTL,‎ (lire en ligne, consulté le )
  8. Nicolas Basse, « La bataille des femmes belges forcées à abandonner leur enfant », Madame Figaro,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  9. a b et c Pierre Desorgues, « Belgique : ce que l'on sait du scandale des adoptions forcées via l'Eglise catholique », TV5 Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  10. « « Ce qui s'est passé est abject » : quatre prêtres suspendus à la suite d'adoptions dans l'Église », La Libre Belgique,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  11. (nl) « Uitspraken monseigneur Cosijns over gedwongen adopties verontwaardigen parlement » [« Les déclarations de Monseigneur Cosijns sur les adoptions forcées indignent le Parlement »], De Standaard,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  12. « L'Église catholique de Belgique va lancer une enquête sur des adoptions forcées », TV5 Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  13. « Les enfants abusés ou adoptés de force au cœur du discours de Noël du primat de Belgique Luc Terlinden », RTBF,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  14. « Yngvild Ingels »  , sur Chambre des représentants de Belgique (consulté le )
  15. Jean-Pierre Stroobants, « En Belgique, l’Eglise catholique accusée d’avoir placé à l’adoption des bébés sans le consentement de leur mère », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )

À voir modifier

Articles connexes modifier

Document modifier