Wikipédia:Lumière sur/s:février 2013 Invitation 2

Molière – Prose et vers

Maître de philosophie : ... Sont-ce des vers que vous lui voulez écrire ?
Monsieur Jourdain : Non, non, point de vers.
Maître de philosophie : Vous ne voulez que de la prose ?
Monsieur Jourdain : Non, je ne veux ni prose ni vers.
Maître de philosophie : Il faut bien que ce soit l’un, ou l’autre.
Monsieur Jourdain : Pourquoi ?
Maître de philosophie : Par la raison, Monsieur, qu’il n’y a pour s’exprimer que la prose, ou les vers.
Monsieur Jourdain : Il n’y a que la prose ou les vers ?
Maître de philosophie : Non, Monsieur : tout ce qui n’est point prose est vers ; et tout ce qui n’est point vers est prose.
Monsieur Jourdain : Et comme l’on parle qu’est-ce que c’est donc que cela ?
Maître de philosophie : De la prose.
Monsieur Jourdain : Quoi ? quand je dis : « Nicole, apportez-moi mes pantoufles, et me donnez mon bonnet de nuit », c’est de la prose ?
Maître de philosophie : Oui, Monsieur.
Monsieur Jourdain : Par ma foi ! il y a plus de quarante ans que je dis de la prose sans que j’en susse rien, et je vous suis le plus obligé du monde de m’avoir appris cela. Je voudrais donc lui mettre dans un billet : Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour ; mais je voudrais que cela fût mis d’une manière galante, que cela fût tourné gentiment.

Molière (janvier 1622-17/02/1673) - Le Bourgeois gentilhomme (1670) - (Acte I, sc.4)

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