Serge MORI, fils d’un immigré italien, il passe son enfance et son adolescence à Marseille dans le quartier du Roucas Blanc dans le 7ème arrondissement.

- A l’âge de 19 ans, il entame son cursus de psychologie à l’université de Provence. - A l’âge de 22 ans, il obtient sa maîtrise en psychologie clinique et psychopathologie et débute ses premiers pas de clinicien en psychiatrie à l’hôpital de jour du Baltazar Blanc (secteur 14 d’Edouard Toulouse à Marseille). - A l’âge de 24 ans, il intègre le Service Local de Psychologie Appliquée à la Base Navale de Toulon. Il embarque sur le porte avion du Charles de Gaulle afin de recevoir en entretien des matelots engagés dans un contrat initial de courte durée (EICD). - A l’âge de 26 ans, il est retenu sur la liste des 25 étudiants au Diplôme d’Etude Supérieur Spécialisé (DESS) de psychologie clinique de la famille et des groupes en situation de crise (approche systémique et psychanalytique). Durant cette formation universitaire, il est initié à la thérapie familiale avec le dispositif de glace sans teint à l’hôpital de St Anne à Nice et aux présentations de malades à l’Hôpital des Broussailles à Cannes. Cette double approche systémique et psychanalytique lui donnera l’occasion de participer à la section clinique à Antibes et plus tard de rencontrer le chef de file des thérapies familiales en Europe le Pr. Mony ELKAIM. Il nouera avec Mony des liens chaleureux et l’invitera à plusieurs reprises à l’université de Provence.

Après avoir terminé sa formation à Nice et obtenu son DESS, Serge MORI revient à l’université de Provence pour préparer son entrée en thèse avec Georges ROUAN. - A 28 ans il obtient son Diplôme d’Etude Approfondie (DEA) et ses travaux avec ROUAN s’oriente vers « La narration de Soi et le contexte » (titre du mémoire de son DEA soutenu en 2005). - Durant ces 4 années de formation doctorale Georges ROUAN va initier Serge MORI aux auteurs anglo-saxons dans le domaine de la clinique et de la psychopathologie. Ces auteurs sont très peu connus en France et particulièrement à l’université de Provence. C’est alors que Serge MORI commence à s’initier à la recherche en s’étayant sur des chercheurs comme Kenneth GERGEN, Richard McKAY RORTY (proche de Georges Rouan), Heinz KOHUT mais également un groupe d’intellectuels issus de L’École de Francfort réunis autour de l'Institut de Recherche sociale fondé à Francfort en 1923, et par extension à un courant de pensée issu de celui-ci, souvent considéré comme fondateur ou paradigmatique de la philosophie sociale ou de la théorie critique. Il retient en effet du marxisme et de l'idéal d'émancipation des Lumières, l'idée principale que la philosophie doit être utilisée comme critique sociale du capitalisme et non comme justification et légitimation de l'ordre existant, critique qui doit servir au transformisme ; dans ce groupe, nous retrouvons Max HORKHEIMER, Theodor ADORNO, Jürgen HABERMAS.

Après cette déconstruction (concept cher au philosophe Jacques Derrida) des textes et des systèmes de pensées, notamment de la French Theory dont les principaux auteurs français sont : Louis ALTHUSSER, Jean BAUDRILLARD, Simone DE BEAUVOIR, Hélène CIXOUS, Gilles DELEUZE, Jacques DERRIDA, Michel FOUCAULT, Félix GUATTARI, Luce IRIGARAY, Julia KRISTEVA, Jacques LACAN, Claude LEVI-STRAUSS, Jean-François LYOTARD, Jacques RANCIERE, Monique WITTIG, Serge MORI découvre deux auteurs qui vont marquer un tournant dans son parcours professionnel, il s’agit de Michael WHITE et de David EPSTON.

- A l’âge de 32 ans, Serge MORI soutient sa thèse de doctorat en psychologie clinique et psychopathologie à l’université de Provence avec un jury constitué de 6 professeurs dont Michel DELAGE, psychiatre systémicien proche de Boris CYRULNIK. Cette thèse recevra les félicitations du jury et elle sera la première soutenue dans une université Française sur les thérapies narratives et l’épistémologie postmoderne.


L’année 2009 restera une année forte en émotion car au-delà de la thèse, Serge Mori se mariera avec Eve MORI ,brillante avocate du barreau d’Aix le 25 juillet 2009 à Monaco.

- A l’âge de 33 ans il devient Le 20 octobre 2010, l’heureux père de Paolo Mori.

- A l’âge de à 34 ans il publie son premier livre « Les thérapies narratives » sous la direction d’Edith GOLDBETER, avec qui il animera une journée à 3 voix avec la participation de Roland GORI qui a représenté la psychanalyse, Edith GOLDBETER pour l’approche systémique et Serge MORI pour les thérapies narratives autour d’un texte célèbre de Freud issu des cinq psychanalyses « le cas Dora ». - A l’âge de 37 ans, en mars 2014, il rencontre David EPSTON lors d’une master class à Bordeaux animée par son ami Pierre BLANC SAHNOUN, (autre figure emblématique des approches narratives en France). - A l’âge de 38 ans, il devient le président de l’Association Française des Thérapies Narratives en Novembre 2015.

Qu’est-ce que la thérapie narrative ?

Nous proposons ici une définition tirée du Dictionnaire des thérapies familiales sous la direction de Jacques MIERMONT concernant Les thérapies narratives (au pluriel dans le texte) : « Les thérapies narratives sont nées d’une critique des métaphores cybernétiques en thérapie familiale. Elle prône le recours aux métaphores linguistiques, discursives, conversationnelles. Les thérapeutes qui la pratiquent se réfèrent le plus souvent à l’épistémologie (ou l’idéologie) du constructionnisme social plutôt qu’à celle du constructivisme. Deux attitudes complémentaires peuvent au moins être décrites : - Celle où le thérapeute cherche à libérer le patient de son histoire, « saturée par le problème » (M. WHITE et D. EPSTON, 1990), et à promouvoir l’apparition d’une nouvelle histoire, de façon à ce qu’il (re) devienne auteur de sa propre vie. - Celle où le thérapeute cherche à instaurer une conversation, un discours, un dialogue. La thérapie devient un processus de construction sociale ouvert sur des significations nouvelles. « Le changement en thérapie n’est rien d’autre que le changement de signification qui découle du dialogue de la conversation » (Harlene ANDERSON et Harold A. GOOLISHIAN, 1998, p. 115). »

MIERMONT J. Dictionnaires des thérapies familiales. Paris : Editions Payot. 2001, pp. 715 -716.


La thérapie narrative a des idées très précises sur la façon de voir la réalité :

	. Une première idée considère que les réalités sont construites socialement. Tout ce qui existe a été déterminé par l'usage que les hommes en ont fait : la nourriture, le langage, les tâches domestiques, l'éducation des enfants, l'agriculture, le logement, le transport, etc. Au fil des générations, les hommes ont fini par oublier qu'il existe d'autres possibilités pour exécuter les mêmes activités car ils ont appris que c'est comme ça que ça se fait ! 

. Une deuxième idée est que les réalités sont constituées à travers le langage. Ainsi la signification exacte de chaque mot est toujours quelque peu indéterminée et potentiellement différente. Cette signification doit toujours être négociée entre deux personnes ou plus. Un changement thérapeutique quelconque implique nécessairement un nouveau langage et de nouvelles significations à des croyances, comportements ou sentiments problématiques.

. Une troisième idée est que les réalités sont organisées et maintenues à travers des histoires. Chaque personne a son histoire sur sa vie et sur une situation. Quand une personne raconte une histoire, elle choisit certains éléments au détriment d'autres et elle organise et structure divers faits. En thérapie narrative, on cherche à comprendre l'influence de certaines histoires dominantes sur le client. On tente de créer avec elle de nouvelles histoires qui vont favoriser de plus grandes possibilités dans sa vie.

. Une quatrième idée soutenue est qu'il n'y a pas de vérités essentielles. Il existe de nombreuses façons d'interpréter une expérience mais aucune interprétation ne peut être considérée comme la "vraie". Ce qui est vrai c'est la présentation particulière d'une expérience que préfèrent des personnes particulières dans une culture particulière. Une interprétation préférée est différente d'une interprétation vraie. Le thérapeute narratif cherche à apporter différentes interprétations d'une situation et ainsi d'amener la personne à préférer des interprétations qui supportent sa croissance. 

La thérapie narrative résulte d’un intérêt pour les récits personnels, la déconstruction sociale des problèmes et normes de santé, ainsi que son accent sur l’expertise individuelle de chaque patient.


Les idées fortes de la démarche des thérapies narratives sont construites autour du fait que notre représentation de la réalité est codée sous forme de récits ou histoires, impliquant des choix narratifs qui insidieusement, « épaississent » certaines croyances et en disqualifient d’autres. Ceci s’applique particulièrement à notre identité, notion abstraite composée de l’ensemble des savoirs nous concernant, stockés sous forme de géographie narrative avec ses autoroutes (les histoires souvent racontées et admises comme « vraies », dites « dominantes ») et ses petits chemins vicinaux (les histoires négligées, peu racontées et peu alimentées, alors qu’elles constituent des ressources essentielles pour donner un sens différent à nos problèmes et acquérir un pouvoir différent sur notre vie). Cette approche féconde consiste à proposer au patient d’« externaliser » les problèmes qu’il rencontre, c’est-à-dire de redessiner une carte de l’histoire et de l’influence du problème dans sa vie. Le problème, affublé d’un nom ou d’un surnom est considéré comme une entité extérieure, en relation avec le sujet, et qui agit sur certaines zones de son existence. Le patient est considéré comme expert de ses solutions, et les problèmes sont perçus comme construits par la réalité sociale et culturelle. Dès lors, l’évaluation de la personne cède la place à l’évaluation par la personne de l’infinité des champs de solutions ouverts par les histoires alternatives, qu’elle découvre possibles en réintégrant des événements éliminés de son histoire, car ils ne coopéraient pas au récit dominant concernant sa vie et son identité.

Chez des thérapeutes comme ANDERSON et GOOLISHIAN, WHITE, DE SHAZER, MORI et ROUAN, l’accent est mis sur le langage et sur les narrations. C’est pourquoi nous préférons parler de narration plutôt que de système. L’important devient la constitution d’un contexte thérapeutique favorisant la co-construction de nouvelles significations. Pour nous, les conversations thérapeutiques devraient « dissoudre le problème » par opposition aux thérapies stratégiques axées sur le symptôme. Dans cette perspective, le vécu est compris et ressenti à travers des réalités narratives socialement construites. Ce sont ces réalités qui attribuent une signification à notre expérience. Le thérapeute n’intervient plus, il se contente de participer. Les questions posées ne sont plus des interventions cherchant à produire un changement, le changement surgit dans le processus même de questionner l’autre à partir d’une position de « curiosité ». Michael WHITE, le thérapeute familial, s’inspirant de DERRIDA, cherche à déconstruire les « vérités » qui sont séparées des conditions et des contextes de leur production. Tout le travail de DE SHAZER a pour but de trouver une solution à une difficulté. Et comme ANDERSON et GOOLISHIAN, il estime aussi que les problèmes sont inscrits dans le langage et dépendent de la manière dont le patient construit sa situation. Quant à MORI et ROUAN, ils cherchent à partir d’une narration, à transformer la façon de raconter l’histoire et par la même occasion les relations que nous entretenons avec les autres. Les marqueurs contextuels sont fondamentaux dans le récit qui suivra chez le patient. En racontant l’histoire, nous pouvons être un conteur dont nous sommes l’objet « lecteur », « spectateur » et passer à une histoire dans laquelle nous redevenons le narrateur « auteur », « acteur » – le « narrActeur » et donc portant quelque responsabilité. C’est à partir de cette thèse que MORI développera son concept de NarrAuteur/NarrActeur.

Le concept de NarrActeur de Serge MORI

Le concept de NarrActeur est un néologisme composé du mot Narration et Acteur, narrateur/narrActeur : c’est lorsque le patient cherche à partir d’une narration, à transformer la façon de raconter l’histoire et par la même occasion les relations qu’il entretient avec les autres. Dans la conversation thérapeutique, il est important pour le thérapeute d’avoir une posture décentrée et influente.

Le thérapeute narratif va occuper la position d’un non sachant habité par la conviction que le patient dispose de ressources et que lui seul est l’expert de lui-même. En position dite dé-centrée et influente, dé-centrée signifie que ce sont les patients qui sont au centre de la conversation, le thérapeute lui, se trouvant alors décentré. Cela ne signifie nullement qu’il soit désengagé, au contraire, son engagement émotionnel est intense. Cela décrit sa capacité à donner la priorité aux histoires personnelles, aux savoirs et aux compétences des patients. En ce qui concerne leurs histoires, seuls les patients ont le statut d’auteur principal. Et les savoirs, compétences, apprentissages générés dans leurs récits sont la seule chose qui compte.

Influente ne signifie pas que le thérapeute, exercerait un pouvoir de sens et qu’il imposerait sa manière de percevoir les choses. Cette influence au contraire rend compte de la tâche difficile qui revient aux patients, qui est de construire, au moyen de questions, en contextualisant l’évènement, en faisant appel à la sensitivité de chacun et de réflexions, un échafaudage qui permettra au patients de raconter autrement les choses et d’entrer dans des territoires de compétences laissés à l’écart par le thérapeute et le patient lui-même.

En encourageant le patient à trouver d’autres significations aux évènements, le thérapeute questionne, conjecture, se montre curieux et perplexe, sollicite l’anecdote et le sens, cherche le relief dans le plat, met à jour l’insolite dans le monotone. Par son désir d’entendre le patient parler de lui-même et de ses relations comme il ne l’a jamais fait auparavant, le thérapeute tisse une relation de collaboration : au centre le patient, son savoir et son pouvoir, en soutien le thérapeute, maçon échafaudeur, construisant des marches et des passerelles afin de rendre accessibles aux patients ses compétences.

Le contexte est fondamental dans le récit qui suivra chez le patient. En racontant l’histoire, le patient peut être un conteur dont il se retrouve l’objet « spectateur » et où il passe à une histoire dans laquelle il devient le narrateur – « narrActeur » et donc portant quelque responsabilité. C’est le patient qui redevient l’expert de son histoire et non le thérapeute qui sait quelque chose sur le patient.