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Ammonitrates conditionnés en sacs de 600 kg.

Un engrais azoté est un engrais utilisé en agriculture pour apporter aux cultures, sous une forme assimilable par les plantes, l'azote (noté N) nécessaire à leur développement. Il existe de nombreuses type d'engrais azotés, selon leur présentation physique (gaz, liquides, solutions, solides), selon leur nature minérale ou organique, et selon la nature de l'élément azote, qui peut par exemple être sous forme ammoniac (NH3), ammonium (NH4), nitrate (NO3), urée (CO(NH2)2). Les engrais azotés sont généralement des engrais simples, mais l'élément N peut aussi être apporté par des engrais composés binaires (NP ou NK) ou ternaires (de formule NPK). L'apport d'engrais azotés est utile pour compléter les réserves en azote du sol et compenser les exportations d'azote par les cultures.

L'azote est un élément nutritif essentiel pour les plantes, c'est le principal des six « macro-éléments » (azote, phosphore, potassium soufre, calcium et magnésium). Pour qu'il soit assimilable par les plantes, il doit se trouver en quantité suffisante dans le sol sous forme minérale (ions NH4+ ou NO3-). L'azote organique n'est pas assimilable directement et doit être minéralisé par des microorganismes du sol.

Formes de l'azote

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Selon la composition des engrais, l'azote peut se présenter sous trois formes : nitrique (nitrate), ammoniacale (ammonium) ou uréique (urée).

L'azote nitrique, qui se présente sous la forme d'ions nitrates (NO3-), est le plus facilement absorbé par les plantes, mais aussi le plus mobile dans le sol et le plus facilement lessivable par lixiviation. L'azote ammoniacal est constitué d'ions ammoniums (NH4+) qui se fixent directement sur les particules d'argile et sont donc moins mobiles que les ions nitrates ; ils sont faiblement absorbés par les plantes. Toutefois, l'azote ammoniacal se transforme en azote nitrique sous l'effet d'un processus de nitrification assuré par des microorganismes du sol. La rapidité de ce processus nécessite certaines conditions de température et peut donc se réaliser plus ou moins rapidement. L'azote uréique (urée) n'est pas directement absorbé par les plantes et doit être hydrolysé en ions ammonium par des enzymes présents dans le sol. Ce processus d'hydrolyse s'accompagne de pertes, par émission d'ammoniac gazeux dans l'atmosphère[1].

Formes d'azote selon les groupes d'engrais azotés
Type d'engrais Formes d'azote
Azote nitrique
NO3-
Azote ammoniacal
NH4+
Azote uréique ou amidique
CO(NH2)2, CN2
Ammoniac 100 %
Ammonitrates 50 % 50 %
Solutions azotées 25 % 25 % 50 %
Urée 100 %
Cyanamide calcique 100 %

L'étiquetage des engrais azotés commercialisés doit préciser, entre autres, l'azote total ainsi que la répartition des différentes formes d'azote (nitrique, ammoniacal, cyanamidé, uréique, organique)[2].

Principaux engrais azotés

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On peut classer les engrais azotés en quatre groupes principaux[3] : engrais ammoniacaux, nitriques, ammoniaco-nitriques et amidiques (ou uréiques). On peut ajouter deux groupes qui ne sont pas des engrais azotés proprement dits, mais qui apportent l'élément N avec d'autres éléments fertilisants : les engrais composés et les engrais ou amendements organiques (entre parenthèse, dosage en élément N).

Engrais ammoniacaux

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  • Ammoniac anhydre (82 %)
  • Sulfate d'ammoniaque (20 à 21 %)
  • Chlorhydrate d'ammoniaque (22,5 à 23 %)

Engrais uréiques et amidiques

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  • Urée (46 %)
  • Cyanamide de chaux (18 à 22 %)
  • Solutions azotées (20 à 40 %)

Engrais nitriques

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  • Nitrate de soude (16 %)
  • Nitrate de chaux (15 %)
  • Nitrate de chaux et de magnésie (13 à 15 %)

Engrais ammoniaco-nitriques

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  • Nitrate d'ammoniaque (35 %)
  • Sulfonitrate d'ammoniaque (26 %)
  • Ammonitrate
    • à bas dosage (22 %)
    • à moyen dosage (26 à 27,5 %)
    • à haut dosage (33 à 34,5 %)

Engrais complexes et composés

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  • Phosphate d'ammoniaque (18 à 20 %)
  • Nitrate de potasse (13 %)
  • Engrais composés binaires NP et NK
  • Engrais composés ternaires NPK

Engrais organiques

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  • Déchets industriels (farine de sang)
  • Déchets agricoles (fumier, lisier)
  • Engrais verts
  • Guano (environ 16 %)

Processus de production des engrais azotés

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Les engrais azotés industriels sont produits à partir de l'ammoniac. La synthèse de l'ammoniac consiste à faire réagir, en présence de catalyseurs, l'azote de l'air avec de l'hydrogène, selon leprocédé Haber. Cette réaction se fait à haute pression (200-300 bars) et à température élevée (environ 450° C). On utilise généralement le gaz naturel qui fournit à la fois l'énergie et l'hydrogène. L'ammoniac anhydre est stocké sous forme de liquide sous pression. Il peut servir directement d'engrais, applicable dans certaines conditions de milieu, mais sert surtout de base à la production des différents engrais azotés. On produit ensuite de l'acide nitrique en mélangeant de l'ammoniac et de l'air dans un réservoir, puis en absorbant l'oxyde nitrique gazeux dans l'eau. En faisant réagir, dans une réaction de neutralisation à 100-180° C, de l'acide nitrique concentré (50 à 70 %) et du gaz ammoniac, on obtient du nitrate d'ammonium, à partir duquel sont préparés les ammonitrates[4].

La synthèse de l'urée, autre engrais azoté important, se réalise par réaction de l'ammoniac avec du dioxyde de carbone à haute pression. Le nitrate d'ammonium et l'urée peuvent être ensuite concentrés et transformés en une forme solide (perles ou granulés). La production d'engrais liquides se fait en mélangeant de l'urée avec une solution de nitrate d'ammonium. On obtient des solutions azotées combinant l'azote sous trois formes, nitrique, ammoniacale et uréique[4].

 
Schéma simplifié du processus de production des engrais azotés industriels à partir de l'ammoniac.

Marché mondial

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Le marché mondial des engrais azotés a généré en 2012 un chiffre d'affaires évalué à 98,627 milliards de dollars, chiffre en croissance moyenne estimée à 2,2 % par an jusque en 2018[5]. La production s'est élevé à 108 millions de tonnes (en élément fertilisant N)[6]. C'est un marché fortement consolidé et rationalisé, dominé par quelques sociétés-clés qui sont Yara (Norvège), Agrium (Canada), Mosaic (États-Unis), K+S (Allemagne) et ICL (Israël). D'autres sociétés importantes sur ce marché sont Coromandel International (Inde), Potash Corporation of Saskatchewan (Canada), Koch Industries (États-Unis), CVR Partners, L.P. (États-Unis), Sinofert Holdings (Chine), Bunge Ltd (États-Unis), CF Industries (États-Unis) et EuroChem (Russie). Sur le plan géographique, l'Asie-Pacifique, plus importante région productrice de riz, et l'Amérique latine, plus grande région productrice de maïs et de canne à sucre, attirent les investisseurs mondiaux. L'urée est l'engrais azoté qui a la plus forte part de marché (56 %[6]) et la croissance la plus rapide. Le marché du nitrate d'ammonium est le plus développé en Europe en 2012. Certains pays, dans lesquels la demande d'engrais azotés est tendue découragent l'exportation de ces produits. Les politiques suivies pour satisfaire la demande intérieure consistent en particulier en mesures d'interdiction et en prélèvement de droits élevés, et sont souvent instables, ce qui décourage les producteurs de développer une stratégie internationale. La politique de la Chine en matière d'exportation influence ses producteurs nationaux et a souvent des répercussions sur l'approvisionnement disponible et sur les données du commerce mondial[5].

Transformations de l'azote dans le sol

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Dans le sol, l'azote apporté par les engrais, ou déjà présent (matière organique d'origine végétale ou animale, azote fixé par les bactéries diazotrophes...), subit des transformations qui dépendent de la forme sous laquelle il se présente[1].

  • Minéralisation des matières organiques :
  • Absorption des nitrates :
  • Nitrification  : conversion de l'ammonium en nitrate par les bactéries nitrifiantes. Ce processus peut être plus ou moins rapide, de quelques jours à plusieurs semaines, en fonction de la température. Il peut engendrer des pertes sous formes de protoxyde d'azote ou d’oxyde d'azote.
  • Hydrolyse de l'urée :

D'autres processus peuvent entraîner des pertes d'azote, par dénitrification, suivi de lessivage des nitrates, ou par volatilisation sous forme d'azote gazeux ou d'oxydes d'azote, ou d'ammoniac[7]. En outre une partie de l'azote est exporté par les récoltes.

  • Dénitrification : conversions par des bactéries dénitrifiantes des nitrates et des nitrites principalement en azote gazeux et marginalement en protoxyde et oxyde d'azote. Ce processus est favorisé par des conditions anaérobies dans le sol, souvent liées à un excès d’eau.
  • Volatilisation ammoniacale :
  • Lixiviation des nitrates :

Une estimation du bilan de l'azote dans l'agriculture mondiale, réalisée dans les années 1990, donnait les chiffres suivants[8] (en Mt par an) :

  • apports : 174
    • sous formes d'engrais : 83
    • fixation biologique  : 33
    • déchets végétaux : 16
    • déchets animaux : 18
    • dépôts atmosphériques et eaux d'irrigation : 24
  • pertes
    • enlèvement par les récoltes  : 85
    • lixiviation, lessivage, érosion : 37
    • volatilisation ammoniacale  : 21
    • dénitrification en azote gazeux : 15
    • pertes en NO / N2O nitrif./dénitrific. 8

Ces évaluations, notamment des pertes, sont très approximatives. Le solde entre apports et pertes étant immobilisé dans la matière organique du sol.

Engrais retard

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Pour permettre d'allonger la période de disponibilité de l'engrais pour les plantes, on a mis au point des « engrais retard », ou engrais à action lente. Ils sont obtenus soit par enrobage des granulés d'une couche de soufre ou de polymères semi-perméables, comme c'est la cas pour l'urée enrobée, soit par une formulation particulière des composés chimiques azotés[9].

On peut aussi mélanger avant application les engrais azotés avec des agents stabilisateurs : inhibiteurs de la nitrification et de l'uréase. Les premiers, comme la nitrapyrine et le dicyandiamide, retardent la transformation par les bactéries du sol de l'azote ammoniacal en ions ammonium, puis en ions nitrates, limitant ainsi le risque de lessivage des nitrates, les seconds, comme le triamide N-(n-butyl)-thiophosphorique'''' (NBPT), retardent la transformation en ammonium de l'azote amidique contenu dans l'urée, réduisant ainsi les pertes par volatilisation d'ammoniac gazeux[10].

Ces engrais présentent des avantages : économie de main d'œuvre, réduction du nombre d'épandages, faible toxicité pour les jeunes plants même à dose élevée,et économie sur la quantité d'engrais à utiliser grâce à une meilleure efficacité. Ils présentent toutefois l'inconvénient de coûter plus cher et sont donc réservés aux cultures les plus rentables[9].

Notes et références

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  1. a et b « Les ammonitrates - Optimiser le rendement, préserver l’environnement » [PDF], sur Yara, (consulté le ).
  2. « Fertilisation raisonnée et biogéochimie, II Mise en œuvre, II-1 Engrais et amendements », sur Moodle ENSAT, École nationale supérieure agronomique de Toulouse (consulté le ).
  3. (en) Arvin Mosier, J. Keith Syers, John R. Freney, Agriculture and the Nitrogen Cycle: Assessing the Impacts of Fertilizer Use on Food Production and the Environment, t. 65, Island Press, coll. « Scientific Committee on Problems of the Environment (SCOPE) Series », , 344 p. (ISBN 9781597267434), p. 233-245.
  4. a et b (en) « Nitrogen fertilizers – Manufacturing process of Nitrogen fertilizers », Guichon Valves (groupe Valco) (consulté le ).
  5. a et b (en) « Nitrogenous Fertilizers Market by Active Ingredient (Urea, Ammonium Nitrate, Sodium Nitrate, Ammonium Sulfate, CAN, UAN Calcium Nitrate, Ammonium Chloride), Crop Type (Cereals & Grains, Oil Seeds, Fruits & Vegetables) & by Geography - Trends & Forecasts to 2018 », sur MarketsAndMarkets, (consulté le ).
  6. a et b (en) « Yara Fertilizer Industry Handbook », Yara, (consulté le ).
  7. Christian Schvartz, Jacques Decroux, Jean-Charles Muller, Guide de la fertilisation raisonnée : grandes cultures et prairies, France Agricole Éditions (Comité français d'étude et de développement de la fertilisation raisonnée), coll. « Produire mieux », , 414 p. (ISBN 9782855571201), p. 102-115.
  8. (en) Arvin Mosier, J. Keith Syers, John R. Freney, Agriculture and the Nitrogen Cycle: Assessing the Impacts of Fertilizer Use on Food Production and the Environment, t. 65, Island Press, coll. « Scientific Committee on Problems of the Environment (SCOPE) Series », , 344 p. (ISBN 9781597267434), p. 5-9.
  9. a et b Les engrais et leurs applications, Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), , 77 p., p. 41-43.
  10. « Fertilisants azotés et agents stabilisateurs courants en production de maïs », DuPont Pioneer, (consulté le ).

Voir aussi

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Articles connexes

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Bibliographie

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  • Christian Schvartz, Jacques Decroux, Jean-Charles Muller, Guide de la fertilisation raisonnée : grandes cultures et prairies, France Agricole Éditions (Comité français d'étude et de développement de la fertilisation raisonnée), coll. « Produire mieux », , 414 p. (ISBN 9782855571201).
  • André Gros, Engrais: guide pratique de la fertilisation, La Maison Rustique, , 7e éd., 382 p. (ISBN 9782719600139).

Liens externes

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