Utilisateur:Oursmalléché/Evangile selon Jean

Blanchetière

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L'évangile selon Jean se manifeste indéniablement comme le plus favorable aux Samaritainss. Le Père Marie-Emile Boismard n'hésite pas à penser que l'évangile attribué à Jean a, à l'un des niveaux de sa rédaction, été destiné au milieu samaritain comme le prouvent les thèses du nouveau Moïse et du nouveau Joseph en référence au fils de Jacob dont le tombeau se trouve en Samarie (BOISMARD 1988). D'autre part, nombreux sont les exégètes à relever une parenté entre les idées des hellénistes telles qu'elles s'expriment en particulier dans le discours d'Etienne (Ac 7), certains aspects de de la théologie johanique sous-jacente à l'entretien de Jésus avec la Samaritaine d'une part et la théologie samaritaine d'autre part[1].

Marie-Emile Boismard

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Le judéo-christianisme dans tous ses états
Actes du colloque de Jérusalem
6-10 juillet 1998


Marie-Emile Boismard

L'évangile de Jean et les Samaritains :

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« Un certain nombre d'auteurs ont déjà émis l'hypothèse que l'évangile de Jean aurait été écrit pour convertir les Samaritains à la foi chrétienne1. » M.-E. Boismard soutient lui même cette thèse dans son livre intitulé Moïse ou Jésus ?2. Il me semble qu'une formulation plus exacte serait : l'évangile selon Jean a-t-il été écrit par des « samarito-chrétiens3 » ? N'est-ce pas d'ailleurs ce que dit M.-E. Boismard, dans la conclusion de cet article, dont voici la dernière phrase ? « On parle beaucoup de judéo-christianisme, mais ne faudrait-il pas aussi explorer maintenant la piste d'un samaritano-christianisme ? »

p. 87 « En DT 18, 15, Moïse promet aux Hébreux : « Yahvé ton Dieu suscitera pour toi, du milieu de toi, parmi tes frères, un prophète comme moi, que vous écouterez. » Cette promesse est reprise aux versets 18-19 ; c'est Dieu lui-même qui parle à Moïse en ces termes : « Je leur susciterai, du milieu de leurs frères, un prophète semblable à toi ; je mettrai mes paroles dans sa bouche et il leur dira tout ce que je lui ordonnerai. Si un homme n'écoute pas mes paroles que ce prophète aura prononcé en mon nom, alors c'est moi-même qui en demanderai compte à cet homme. » Dieu a donc promis à son peuple de lui envoyer un prophète semblable à Moïse. Ce thème tient peu de place dans le texte de la Bible, sinon chez le prophète Jérémie qui, au début de ses oracles, compare clairement sa mission par Dieu à celle de Moïse4. En revanche, l'idée que Jésus fut comme un nouveau Moïse tient une grande place dans l'évangile de Matthieu, dans l'évangile de l'enfance de Luc, et surtout dans l'évangile de Jean. » C'est cet évangile de Jean seul, qui va retenir notre attention.

I. Le nouveau Moïse dans l’Évangile selon Jean a) Jésus est le prophète par excellence A deux reprises, Jésus est reconnu comme étant le Prophète. Il n'est pas seulement un prophète, il est le Prophète par excellence, et les commentateurs reconnaissent en général que ce titre renvoi au prophète semblable à Moïse annoncé par DT 18, 18. C'est spécialement clair en Jn 6, 14. Après le signe de la multiplication des pains, au cours duquel Jésus a nourri la foule dans le désert, comme l'avait fait Moïse, la foule enthousiaste déclare : « Celui-ci est vraiment le prophète qui vient dans le monde. »

p. 88 De même, en Jn 7, 40-41, en entendant l'enseignement de Jésus, la foule de Jérusalem déclare : « Celui-ci est vraiment le prophète », tandis que d'autres affirment : « Celui-ci est vraiment le Christ (le Messie) ». Jésus est donc le Prophète par excellence, le prophète semblable à Moïse, celui qui doit venir dans le monde selon la promesse faite par Dieu en DT 18, 18-19. b) Les citations implicites « L'évangéliste a voulu montrer que Jésus est comme un nouveau Moïse en lui attribuant des paroles qui reprennent des paroles que la Bible dit avoir été prononcé par Moïse. Il en existe un assez grand nombre ». Limitons-nous à un exemple, Jn 12, 48-50 : Jn 12, 49 : Car je n'ai pas parlé de moi-même, mais celui qui m'a envoyé, le Père, lui m'a donné commandement de ce que je dirai et de ce dont je parlerai. « C'est exactement le thème de DT 18, 18 : « et il leur parlera comme je lui en ferai commandement ». Dans le texte johannique, ce thème du commandement donné par Dieu au prophète est repris au verset 50 : « Et je sais que son commandement est vie éternelle. » Puis l'ensemble est repris sous une forme moins stricte : « Donc, ce dont je parle, c'est come l'a dit le Père qu'ainsi je parle. » Ce qui éclaire le premier verset de ce passage, Jn 12, 48 : Celui qui me rejette et ne reçoit pas mes paroles a qui le juge ; la parole que j'ai dite, celle-là le jugera au dernier jour. « C'est le thème de DT 18, 19, lu probablement d'après le Targum : l'homme qui n'écoutera pas les prophètes, la parole de Dieu lui en demandera compte. »

« En Jn 12, 48-50, c'est [donc] Jésus lui-même qui se compare au prophète semblable à Moïse annoncé par DT 18, 18-19, mais en inversant les choses. » « Jésus aurait donc reconnu lui-même qu'il était le Prophète par excellence. »

c) Venons en maintenant au texte qui va revêtir pour nous une importance majeure, celui de Jn 1, 45. Philippe, qui vient d'être appelé comme disciple par Jésus, rencontre Nathanaël et lui dit : « Celui dont Moïse a écrit dans la Loi(,) et les Prophètes, nous l'avons trouvé : c'est Jésus le fils de Joseph, de Nazareth. » On a beaucoup discuté sur le texte biblique auquel fait allusion l'expression « Celui dont Moïse a écrit dans la Loi et les prophètes », mais en oubliant trop souvent de le replacer dans le contexte général du quatrième évangile. Certains ont prétendu que Jean ne visait là aucun texte biblique particulier, la juxtaposition des deux expressions « la Loi et les Prophètes » reprenant une formule courante dans le Nouveau Testament pour désigner l'ensemble de la Bible. Mais cet argument ne tient pas. Dans le texte johannique l'expression les prophètes est au nominatif et elle vient en parallèle non-pas avec « la Loi », mais avec Moïse. Or le couple « Moïse et les prophètes » ne se lit ailleurs dans le NT que chez Luc ; on ne peut donc pas parler d'une formule reprise par Jean. Pour expliquer ce texte, il faut d'ailleurs tenir compte de Jn 5, 46, où Jésus reproche aux Juifs : « Si vous croyiez en Moïse, vous croiriez aussi en moi, car il a écrit à mon sujet. » Il s'agit bien d'un texte précis, écrit par Moïse, et qui annonçait la venue de Jésus. Or ce texte précis ne peut être DT 18, 18-19 que, nous venons de le voir Jésus s'applique à lui-même en Jn 12, 48-50. On peut d'ailleurs le prouver d'une au (?) façon. En Jn 1, 19-21, les Juifs de Jérusalem envoient vers le Baptiste, une délégation pour lui demander qui il est. Il reconnaît d'abord qu'il n'est pas le Christ, puis qu'il n'est pas Elie, enfin qu'il n'est pas le Prophète5. Nul ne conteste que ce dernier titre désigne le Prophète par excellence, celui qui était annoncé en DT 18, 18. En opposition à cette triple négation du Baptiste, nous avons ensuite la double scène dans laquelle Jésus est identifié de façon positive. Au verset 41, André rencontre son frère Simon et il lui déclare : « Celui dont Moïse a écrit dans la Loi, nous l'avons trouvé...6 » II. d III. d IV. Le titre « fils de Joseph »


p. 92

Ce titre est « fort bien attesté dans les traditions rabbiniques, et peut-être aussi dans les traditions samaritaines ».

a) dans la tradition rabbinique : « L'attente eschatologique de deux messies est fort bien attestée soit à Qumran, soit dans la tradition rabbinique. A Qumran ils ne sont pas nommés, mais dans la tradition rabbinique, l'un était appelé « fils de David » et l'autre « fils de Joseph » ou encore « fils d'Ephraïm ».

Targum Ct 4, 2 un texte il est vrai tardif :

« Tous deux sauveurs qui doivent te délivrer, le Messie fils de David et le Messie fils d'Aphraïm, sont comme Moïse et Aaron. »

Talmud de Babylone (plus ancien et qui se présente comme traditionnel) :

« Nos maîtres nous ont transmis : le Messie fils de David, qui doit-être révélé bien vite, de notre temps, Dieu lui dira : Demandes-moi quelque chose et je te le donnerai.... » Lors donc qu'il vit que le Messie fils de Joseph était tué, il dit en sa présence ; « Maître du monde, je ne te demande que la vie... » (TB, Soucca 52a (baraitah) cité chez M.J. LAGRANGE, Le messianisme chez les Juifs, Paris, 1909, p. 252.)

p. 93 « Les 2 messies doivent donc avoir un sort différent. Seul le Messie fils de David est appelé à régner sur le monde eschatologique, tandis que le messie fils de Joseph sera tué en menant le grand combat qui doit précéder l’avènement du monde nouveau. »

Rabbi Dosa, rabbin de l'époque tannaïtique (fin Ier – début IIième). Texte pour nous le plus intéressant. Il s'agit d'une controverse sur l'interprétation de Za 12, 10 (« Ils regarderont vers celui qu'ils ont transpercé ») :

« Il y avait une controverse entre rabbi Dosa et nos maîtres. L'un disait : « C'est à propos du Messie fils de Joseph qui doit être tué. » Et un autre disait : « C'est à propos du méchant penchant qui doit être tué. » Pour celui qui dit : « C'est à propos du Messie fils de Joseph qui doit être tué », cela concorde bien avec ce qui est écrit : « Et il regarderont vers moi qu'ils ont transpercé, et ils pleureront sur lui come on pleure sur le bien-aimé. » (TB, Soucca 52a (baraitah) cité chez M.J. LAGRANGE, Le messianisme chez les Juifs, Paris, 1909, p. 252.)

« Une tradition rabbinique qui remonte au moins au début du IIième siècle, connaît donc l'existence d'un messie fils de Joseph, qui doit être mis à mort, et cet événement tragique sera la réalisation de l'oracle de ZA 12, 10 : « Ils regarderont vers celui qu'ils ont transpercé. » Deux questions se posent alors à propos de cette tradition : d'où peut provenir ce titre de « fils de Joseph », et était-il déjà connu à l'époque néo-testamentaire ? » b) « Le titre de « fils de Joseph » ne peut s'être développé que dans la tradition samaritaine. A l'analogie du titre « fils de David », il suppose en effet un milieu qui donnait au patriarche Joseph une importance exceptionnelle et surtout qui le considérait comme roi. Mais le personnage de Joseph ne tient pas une place spéciale dans les traditions judéennes et, de plus, il n'a jamais été considéré comme roi. Même la bénédiction de Moïse concernant Joseph n'a pas une portée monarchique : « Premier-né du taureau, à lui la gloire. Ses cornes sont cornes de buffle dont les coups frappent les peuples jusqu'aux extrémités de la terre. Telles sont les myriades d'Ephraïm, telles sont les myriades de Manassé » (Dt 33, 17). Cet oracle veut simplement affirmer la victoire de Joseph et de ses descendants sur leurs ennemis, comme la bénédiction parallèle de Gn 49, 22-26 dont elle dépend. On lui opposera l'oracle de Gn 49, 10, où il est prophétisé : « Le sceptre ne s'éloignera pas de Juda, ni le bâton de chef d'entre ses pieds... » Cet oracle a une portée royale, mais il concerne Juda et non Joseph. » (NDM : il concerne aussi « shilo » = le Messie).

p. 94 La tradition samaritaine « donnait une place exceptionnelle au patriarche Joseph, qu'elle considérait avec Moïse comme la principale figure de l'histoire ancienne d'Israël, et elle lui donnait le titre de roi. »

Le « taheb », « le personnage eschatologique de la tradition samaritainne n'est jamais appelé « fils de Joseph » dans les textes qui nous sont parvenus. Mais rapprochons l'un de l'autre deux passages du Memar Marqah : »

« Nous sommes les fils de Joseph selon le jugement ; allons-nous laisser son royaume ? Ce ne serait pas juste (4, 6). »

« Dans ce premier passage, on a bien l'expression « fils de Joseph » et elle liée au thème de la royauté ; mais elle est employé dans un sens collectif. C'est tout le peuple samaritain qui est dit « fils de Joseph » en tant qu'il est héritier du royaume qu'avait possédé Joseph. »

« Le Taheb viendra en paix, il régnera sur le lieu que Dieu a choisi pour ce bon peuple. Joseph vint : il fut récompensé avec un royaume après la servitude (4, 12). »

« Le Taheb doit régner, et son royaume sera la continuation de celui que Joseph avait reçu. Si donc la. Si donc l'expression « fils de Joseph » peut s'appliquer, collectivement aux Samaritains en tant qu'héritiers du royaume de Joseph, comme le disait le passage précédent, à plus forte raison est-elle valable pour le Taheb, le futur roi des Samaritains, et donc l'héritier par excellence de la royauté dont Joseph avait été investi. »

Donc, « le titre de « fils de Joseph », pour désigner l'héritier du royaume eschatologique, ne peut être né et s'être développé que dans les milieux samaritains. Il sera repris dans la tradition rabbinique, mais quelque peu déformé ; ce « fils de Joseph » ne régnera pas ; il sera mis à mort. C'est seulement le « fils de David » qui pourra être le roi du royaume nouveau. »

c) « Dans la première moitié du II° siècle, Rabbi Dosa se fait l'écho d'une tradition rabbinique selon laquelle le Messie fils de Joseph serait mis à mort, accomplissant ainsi en sa personne l'oracle de Za 12, 10 : « Ils regarderont vers celui qu'ils ont transpercé. » A quand remonte cette tradition ? Certains indices permettent de penser qu'on en trouve un écho dans le 4° évangile.

Il est remarquable que lui seul en effet rapport l'épisode suivant.

p. 95 Une fois que Jésus est mort sur la croix, au lieu de lui briser les jambes, un des soldats romains lui perce le côté avec sa lance. Ainsi se réalise, selon l'évangéliste, l'oracle de Za 12, 10 : « Ils verront celui qu'ils ont transpercé » (Jn 19, 37). Cet oracle est cité encore deux fois dans le Nouveau Testament, en Mt 24, 30 et Ap 1, 7. Mais dans ces deux passage, il est couplé avec une citation de Dn 7, 13 et concerne alors le retour eschatologique du Christ. Jn 19, 37 est donc le seul texte du Nouveau Testament qui mette Za 12, 10 en relation avec la mort du Christ, du Messie. Or, le lecteur de l'évangile, connaissant les traditions johanniques, n'a certainement pas oublié que ce Jésus qui meurt sur la croix n'est autre que le descendant et l'héritier royal du patriarche Joseph (Jn 1, 497 et Jn 2, 5 ; 4, 58), et donc le « fils de Joseph » (Jn 1, 459).

L'évangéliste a d'ailleurs pris soin de le rappeler. La croix sur laquelle meurt Jésus porte l'inscription : « Jésus le Nazôréen, le roi des juifs » (jn 19, 19). C'est donc en tant que roi que meurt Jésus. Ce thème de la royauté du Christ avait tenu une place prépondérante dans le récit johannique de la comparution de Jésus devant Pilate. »

« Seul des 4 évangiles » Jésus termine la scène où il reconnaît sa royauté « sur ce dialogue entre Pilate et « les Juifs » : « Pilate leur dit : "Crucifierai-je votre roi ?" Les grands-prêtres répondirent : "Nous n'avons d'autre roi que César." Alors il le leur livra pour être crucifié » (Jn 19, 15-16)10. Il est vrai qu'en Jn 18, 33 et en Jn 19, 19, Jésus est désigné comme « le roi des juifs », mais c'est parce que Jean suit ici les données de la tradition synoptique. En revanche, lors de l'entrée solennelle à Jérusalem, le jour des rameaux, Jésus est acclamé comme « roi d'Israël » tandis que, selon Mt 21, 9 et Mc 11, 10, c'est comme descendant de David. Dans le texte johannique, on rejoint la confession de Nathanaël en Jn 1, 4911 : « Rabbi, tu es le Fils de Dieu, tu es le roi d'Israël. » C'est bien le roi d'Israël, le fils de Joseph, qui meurt sur la croix. Une étude sur la structure de l'évangile confirme le lien étroit qui existe entre le début du ministère de Jésus et sa mort. » Jésus commence son ministère public en accomplissant le miracle de l'eau changé en vin, lors des noces célébrées à Cana de Galilée (Jn 2, 1-11)12. » Sans que son nom soit écrit, « la mère de Jésus y était » (à ces noces du 3° jour à Cana de Galilée). « C'est elle qui sert de « médiatrice » » entre les « servants » et Jésus. Lorsque Jésus meurt sur la croix, sa mère, toujours pas nommée, est présente aussi avec trois autres femmes. Jésus donne un rôle particulier à « sa mère » en lui confiant le disciple qu'il aimait. Selon M. E. Boismard, celui-ci « est le type de tous ceux qui seront ses disciples en croyant en lui (Jn 19, 25-27)13. »

Dans les deux scènes, Jésus s'adresse à sa mère en lui donnant le titre de « femme », et ce sont les deux seuls passages de l'Evangile où « sa mère » apparaisse. (Tout au moins ce sont les deux seuls passages où le personnage appelé « sa mère » apparaît.)

pp. 95-96 Pour M. E. Boismard, « nous sommes certainement en présence d'une « inclusion » voulue par l'évangéliste14. »

p. 96 « Or, l'épisode des noces de Cana est immédiatement précédé par le récit de la vocation de Nathanaël (Jn 1, 45-51) auquel il est intimement lié, puisque nous l'avons vu, c'est comme « fils de Joseph » (Jn 1, 45), comme roi d'Israël (Jn 1, 49), que Jésus accompli le miracle sur la demande de sa mère. » Par ailleurs, le récit de « sa mère » « présente au pied de la croix est immédiatement suivi par l'épisode du coup de lance donné par le soldat romain dans le côté de Jésus, épisode dont le sens est donné dans la citation de Za 12, 10 (Jn 19, 31-37). Ces deux épisodes sont eux aussi, étroitement liés puisque c'est le disciple que Jésus aimait, à qui Jésus remet « sa mère » selon Jn 19, 25-27, qui peut témoigner du coup de lance donné par le soldat romain (Jn 19, 35). Tous ces épisodes sont liés et nous avons donc une double inclusion en forme de chiasme ; au récit de Jésus changeant l'eau en vin aux noces de cana, sur la demande de sa mère (Jn 2, 1-11), correspond le récit de Jésus en croix qui remet « sa mère » au disciple bien-aimé (Jn 19, 25-27). Au récit de la vocation de Nathanaël, dans lequel Jésus est reconnu comme « fils de Joseph » et comme « roi d'Israël » (Jn 1, 45-49), correspond l'épisode du coup de lance qui fonde l'oracle de Za 12, 10 : « Ils verront celui qu'ils ont transpercé » (Jn 19, 37). C'est donc en tant que « fils de Joseph » que Jésus accomplit l'oracle de Za 12, 10. C'est déjà constituée, la tradition dont, plus tard, Rabbi Dosa se fera l'écho. »

« L'évangile selon Jean , certainement dans sa couche la plus ancienne, présente Jésus et comme le prophète semblable à Moïse annoncé par Dt 18, 18-19, et comme le « fils de Joseph », c'est à dire le descendant et l'héritier du patriarche Joseph. C'est donc lui qui rassemble en sa personne les deux personnages de la Bible que vénéraient les Samaritains : il et à la fois Moïse le prophète et Joseph le roi. Les Samaritains peuvent donc le reconnaître pour le personnage eschatologique qu'ils attendaient. On parle beaucoup de judéo-christianisme, mais ne faudrait-il pas aussi explorer maintenant la piste d'un samaritano-christianisme ?

  1. François Blanchetière, Enquête sur les racines juives du mouvement chrétien, éd Cerf, Paris, 2001, p. 214.