Utilisateur:Leonard Fibonacci/Archives de Nicanor

La majeure partie de la documentation écrite [au sujet de la ville de Bérénice] est cependant datée du ier siècle de notre ère. Elle peut être divisée en deux groupes principaux. Le premier rassemble les ostraca des archives de Nicanor, publiés en 1930 et republiés en 2012 (O.Petr. Mus. 112-206). Il s’agit principalement de reçus pour le transport de marchandises entre Coptos et Bérénice et entre Coptos et Myos Hormos. Ils s’échelonnent entre 6 avant J.-C. et 68 après J.-C., la plupart étant écrits durant les règnes de Tibère (14-37) et Claude (41-54).

Commençons par notre premier groupe d’ostraca, les reçus des archives de Nicanor. Nicanor était un chamelier : avec lui, ses frères et ses fils assuraient la livraison de marchandises à des agents commerciaux établis à Myos Hormos et à Bérénice pour le compte de marchands, dont certains étaient de grands commerçants internationaux et d’autres, des notables locaux, particulièrement originaires de Coptos. Les produits les plus couramment mentionnés dans les ostraca sont le blé et le vin, mais l’on possède aussi des reçus pour des pharmaka (médicaments et autres ingrédients dont certains peuvent avoir été utilisés pour la teinture des textiles, O.Petr. Mus., p. 164). Les reçus évoquent également des livraisons d’orge, de lentilles, d’anis, de cordes, de sacs en cuir, d’huile, de pain, de planches de bois, de vêtements, etc. (voir la discussion sur ces marchandises dans Ruffing 1993).

6Il est souvent impossible de savoir si les marchandises étaient destinées à des personnes vivant à Bérénice, à des marins, ou à des acheteurs outre-mer. E. Denecker et K. Vandorpe ont suggéré, dans une étude portant sur les bouchons d’amphores, que le vin et les pharmaka étaient exportés tandis que le blé était destiné à la consommation locale (Denecker, Vandorpe 2007, p. 123). Ruffing pense plutôt que la plupart des marchandises étaient destinées à la consommation dans les ports. Si le blé était exporté vers les marchés étrangers, c’était probablement en petites quantités (Périple de la Mer Erythrée 24, 28).

7La meilleure façon d’illustrer le contenu des ostraca de Nicanor est de les laisser parler.


ο̣υ̣ς Μ̣άρκου Ἰουλίου Ἀλεξάνδρου Νικάνο-

ρι Πανῆτος χαίρειν. ἔχω παρὰ σου̑ ἐπὶ Βε-

ρενείκης εἰς τὸν Μάρκου Ἰουλίου Ἀλε-

ξάνδρου του̑ ἐμου̑ κυρίου λόγον φάλανγας

φι̣λυρίνας ἑπτὰ (ἔτους) γ Τιβερίο̣υ̣ Κλα̣υδί̣ο̣υ

Κα̣ί̣σ̣α̣ρος Σεβαστου̑ Γερμαν̣ι̣κ̣ο̣υ̑ Αὐτοκ̣ρ̣ά̣-

τ̣ο̣ρ̣ο̣ς̣ Ἐπε<ὶ>φ κ (hand 2) Κόσμος Μάρκου Ἰ̣ο̣υ̣λ̣ί̣ο̣υ̣ Ἀλεξάν̣δ̣ρ̣ο̣υ̣

ἔχω τὰ προκίμενα.

(O.Petr. Mus. 173 = O.Petr. 267 = C.Pap. Jud. 2, 419c = http://www.papyri.info/search?SERIES=o.petr.mus )


« -ous, esclave de Marcus Iulius Alexander à Nicanor fils de Panetos (Πανῆτος), salut. J’ai reçu de ta part à Bérénice sur le compte de mon maître, Marcus Iulius Alexander, 7 poutres en bois de tilleul. En l'an 3 de Tiberius Claudius César Augustus Germanicus Empereur, Epeiph 20. (2de main) Moi, Kosmos, esclave de Marcus Iulius Alexander, je détiens les produits susmentionnés ».

Ce reçu fut remis à Nicanor par un agent du marchand Marcus Iulius Alexander. Dans ce document, l’agent, un esclave nommé Kosmos, atteste de la livraison de poutres en bois de tilleul, qui sont affectées au compte (ou logos) de son maître, Marcus Iulius Alexander. Le document est daté du 14 juillet 43 [an 3 de Claude]. Marcus Iulius Alexander est un parfait exemple de ces hauts personnages impliqués dans le commerce à travers le désert Oriental. Membre d’une famille juive de premier plan établie à Alexandrie, son frère, Tiberius Iulius Alexander, était préfet d’Égypte et son oncle était le philosophe Philon. Son père, Alexander, arabarque à Alexandrie, était chargé de la collecte des droits de douane. Marcus lui-même était marié à la fille du roi Hérode Agrippa Ier. Quelle que soit l’échelle de mesure, il s’agit de personnages de la plus haute société. [Marcus Iulius Alexander était donc encore vivant en 43. Il meurt peu après et Bérénice se retrouvant veuve est remariée à son oncle Hérode de Chalcis avec qui elle aura 2 fils (Bérénicianus et Hyrcan) avant sa mort en 48. Ce qui donnera un 3e mariage avec Polémon, le roi de Cilicie.)

Marcus Iulius Alexander n’est pas le seul marchand de haut rang qui figure dans ces reçus. On y compte au moins un autre arabarque, peut-être deux, et un personnage de rang équestre nommé Gaius Norbanus Ptolemaios, qui a cumulé les fonctions de iuridicus et d’idios logos sous le règne de l’empereur Néron (Denecker, Vandorpe 2007, p. 122 ; Cuvigny 1998). Des affranchis impériaux avaient également des intérêts commerciaux à Bérénice, dont Gaius Iulius Epaphroditos, un esclave de la maison d’Auguste. Il est mentionné dans près d’une douzaine d’ostraca de la période julio-claudienne mis au jour dans le dépotoir du Haut Empire à Bérénice (fig. 1a et 1b) et sur un bouchon de plâtre datable probablement de 18/19 après J.-C. (Denecker, Vandorpe 2007, p. 122 ; O.Berenike 1, 80 à 85 et O.Berenike 2, 184 à 188)

Des membres de l’élite égyptienne locale figurent également parmi les marchands. Un représentant important et bien attesté se nomme Paminis, fils de Parthénios. Il apparaît dans la documentation épigraphique et papyrologique aux côtés de ses fils Parthénios, Paniskos et Psenpnouthis (Bingen 1984, pp. 360-361). Cette famille appartenait à la classe sacerdotale de Coptos, et certains de leurs noms sont courants dans la région. Les anthroponymes « Paminis » et « Paniskos » renvoient ainsi au culte de Min / Pan, le dieu principal de Coptos, comme de nombreux autres anthroponymes attestés à Bérénice à la même période, qui renvoient aussi à Isis, Horus, Harpocrate et Geb, autres divinités majeures de Coptos.

10Dans une dizaine d’ostraca des archives de Nicanor, Paminis et sa famille apparaissent en tant que marchands : leur compte est crédité d’envois de blé. Dans un reçu daté de 29 après J.-C. (O.Petr. Mus. 158 = O.Petrie 231 = http://www.papyri.info/​ddbdp/​o.petr.mus;;158), un agent nommé Haryothes, autre anthroponyme local qui signifie « l’ Horus sain », accuse réception à Bérénice de 24 artabes de blé pour le compte de Paminis et de son fils Paniskos. Ces documents présentent Paminis et ses fils comme des égyptiens hellénisés exploitant une entreprise commerciale. Le reste de la documentation nous en apprend davantage.

Ils apparaissent en effet dans plus de vingt inscriptions grecques et égyptiennes de Coptos, qui mentionnent surtout le fils de Paminis, Parthénios, généralement décrit comme un serviteur d’Isis (grec : προστάτης). Dans une inscription, il consacre, avec son père Paminis, un peribolos à Isis, Harpocrate et Pan. Les inscriptions concernant Parthénios datent des règnes de Tibère à Néron. L’inscription I.Portes 58 (http://inscriptions.packhum.org/​text/​219877?&bookid=375&location=9), est un bon exemple des dédicaces faites par Parthénios : elle est rédigée en l’honneur du dieu Kronos, père d’Isis, le 5 juillet 32. La partie grecque porte le texte suivant : « Au nom de Tibère César Auguste, l’an 18, Epeiph 11. Pour Kronos, le plus grand dieu. Parthénios fils de Paminis, prostates d’Isis ».

12Une stèle bilingue hiéroglyphique / démotique du règne de Néron (Farid 1995, n° 14) renvoie une image très semblable de Parthénios, où, encore une fois, il est qualifié du titre de serviteur d’Isis. La place considérable d’Isis, non seulement à Coptos, mais aussi à Bérénice, méritera qu’on y revienne. Le nombre élevé d’inscriptions mentionnant Parthénios, ainsi que le haut rang de sa famille dans les archives de Nicanor, montrent l’importance de celle-ci au sein de l’élite égyptienne de Coptos.

13Il convient aussi de noter qu’un dekanos, nommé Parthénios, fils de Paminis, apparaît dans les archives concernant le transport de l’eau découvertes à Bérénice en 2009. Il serait tentant de l’identifier avec notre Parthénios, qui est attesté de 21/22 au début des années 60, mais les archives de livraison d’eau datent certainement des règnes de Vespasien et de Titus, entre la fin des années 60 et le début des années 80. Ce Parthénios est peut-être à distinguer du nôtre, ou est peut-être un membre de la même famille.

14Les ostraca de Nicanor livrent probablement les plus anciennes données actuellement disponibles sur le commerce international pratiqué à Bérénice. Les textes trouvés dans le dépotoir du Haut Empire et publiés dans O.Berenike 1 et 2 par Roger Bagnall, Arthur Verhoogt et Christina Helms offrent quant à eux de nouvelles perspectives. La majorité de ces documents sont des laissez-passer pour la douane de Bérénice. Ils ont été délivrés par des agents des douanes à Coptos et adressés à des collègues de Bérénice pour autoriser les chameliers à livrer des marchandises au port. En autorisant le passage, l’ostracon confirme sans doute que les droits de douane ont été perçus à Coptos. Contrairement aux textes de Nicanor, ces passages en douane sont rarement datés, mais le contexte archéologique, les individus attestés dans d’autres textes et les quelques dates mentionnées suggèrent qu’ils remontent au troisième quart du ier siècle.

Les laissez-passer douaniers sont particulièrement précieux pour la lumière qu’ils jettent sur certains des produits d’exportation qui étaient envoyés à Bérénice, en particulier le vin d’Italie et de Laodicée. Nous savons par le Périple (6 et 49) que c’étaient précisément ces deux vins qui étaient recherchés à Adoulis, port du royaume d’Axoum, et à Barygaza en Inde. Dans O.Berenike 1, 39 (http://www.papyri.info/​ddbdp/​o.berenike;1;39) (fig. 2), un homme portant le nom sémitique Rhobaos écrit aux douaniers de Bérénice de laisser passer un certain Héraklès avec 20 conteneurs scellés de vin italien et 28 amphores de vin de Laodicée, qui sont à charger sur le navire (eis exartismon). Bien que nous ne puissions pas être sûr que le vin n’était pas destiné aux provisions de bord, il est tout à fait possible qu’il ait été destiné à un marché étranger.

[...]

Bien que ces textes aient été gravés à plus de soixante ans d’intervalle – l’une des inscriptions date de 49, l’autre de 112 –, ils concernent tous deux le bureau du receveur des douanes, ou paralemptes, et ont été commandés par des secrétaires, grammateis.

18Le paralemptes était un officier des douanes qui travaillait à Myos Hormos et, comme les nouvelles inscriptions l’attestent, également à Bérénice. Il ne s’agit vraisemblablement pas du même officier que celui qui portait ce titre à Alexandrie et à Leuké Komè où il supervisait la collecte de l’impôt de 25 % prélevé par l’Etat. Le paralemptes de Bérénice était chargé de l’évaluation des marchandises importées, de leur stockage et de leur transport ultérieur. (fig. 3).

[...]

La seconde inscription, accompagnée d’une statue du récepteur de Bérénice (paralemptes Bérénices), Gaius Iulius Faustinus. (fig. 4), est commandée par le secrétaire du magasin des épices (apotheke aromatike), Gaius Iulius Eucharistos, un probable affranchi dont la dédicace au paralemptes indique l’importance. L’inscription atteste aussi du haut rang des receveurs aux yeux de leurs dépendants, comme leurs secrétaires.

Louis Robert sur Nicanor, Salamine et Arius modifier

« Il est plus difficile d'identifier l'homme honoré dans IG II 3785 : « Le conseil et le peuple honorent Caius Julius Nicanor, fils d'Areios. » On l'avait d'abord rapproché de la série précédente, attribuant au Syrien le praenomen Caius et le patronyme Areios. Puis L. Robert a proposé de reconnaître ici plutôt le philosophe alexandrin Arius Didyme, père de Nicanor et Dionysos, ami d'Auguste... Mais bien qu'il soit connu par plusieurs témoignages, son praenomen n'est pas attesté, et on peut de demander si sa famille (ou Nicanor seulement ?) n'aurait pas porté plutôt le praenomen Tiberius, puisque, dans un papyrus inédit de la Sorbonne, daté de la 21e année de Tibère (34/35) est mentionné une ούσια Τιβεριου Νικάννορς, dans le Fayoum, sur le territoire de Philadelphie[1]... »

« Un archonte d'Athènes, Areios, fils de Nicanor, d'Oion (IG II 2892), serait selon J. Kichner, le fils de C. Julius Nicanor, fils d'Areios (IG II 3785), donc daté du milieu du Ier siècle Mais que ce dernier soit, ou non, identifié au poète syrien Julius Nicanor, il n'était pas citoyen Athénien, peut-être en vertu de l'interdiction faite par Auguste aux Athéniens de vendre leur droit de cité, qui semble avoir été observé jusqu'au règne de Domitien. (p. 146 »

Sur l'activité commerciale de Nicanor, fils de Panès et Anicetos modifier

The Petrie Ostraca also mention Roman citizens active in trade with Nicanor: Tiberius Claudius Agathocles at Myos Hormos,21 Gaius Julius Bacchylus at Myos Hormos22 and Gaius Norbanus at Myos Hormos.23 Excavations at Coptos ...

Pour Steven E. Sidebotham, l'Anicetos qui apparaît dans les Petri Ostraca pourrait-être l'Anicetus mentionné par Tacite. Dans ce cas, ce ne serait pas un esclave, car Anictus a été affranchi par Polemon II du Pont. Ce pourrait être lui s'il a le statut d'affranchi impérial.

Quel est le sens de κομμούνου, affranchi ou esclave ?

Autres modifier

Alexander, Philon et Lysimaque modifier

« Dans les années 20 ap. J.-C, trois frères issus d'une des plus grandes familles de la communauté juive d'Alexandrie dominaient la scène économique, politique et culturelle de leur cité : l'un — qui était probablement l'aîné — s'appelait Alexandre ; le deuxième, Philon ; le troisième, Lysimaque. [...] Des trois frères, celui que nous connaissons le mieux aujourd'hui est Philon, dont les ouvrages, principalement des traités philosophiques et des commentaires à l'Ancien Testament, sont parvenus jusqu'à nous 2. Philon ne se consacra pas uniquement à l'écriture, mais s'engagea activement dans la défense de sa communauté lors des affrontements entre Grecs et Juifs qui eurent lieu à Alexandrie sous Tibère et Caligula. Il fut élu par les Juifs d'Alexandrie pour conduire une ambassade auprès de Caligula, afin de protester contre la prétention de l'Empereur de recevoir des honneurs divins à l'intérieur de la synagogue, et pour récuser les accusations diffamatoires lancées contre les Juifs par les Grecs alexandrins. Philon nous a transmis le récit de cette ambassade, qui se solda par un échec, dans sa Legatio ad Gaium 3.

Si Philon est aujourd'hui le plus connu des trois frères, ce n'était pas le cas à l'époque, où on disait de lui, pour mieux le situer, qu'il était « le frère d'Alexandre, l'alabarque[2] ». Caius Iulius Alexander, Juif d'Alexandrie et citoyen romain, était un princeps, « le premier de ceux de son rang par la naissance et la richesse », suivant les termes de Flavius Josèphe[3]. On peut se faire une idée de sa fortune colossale en sachant que c'est lui qui avait offert les plaques d'or et d'argent travaillé qui recouvraient les neuf portes monumentales du Temple de Jérusalem[4]. Un autre fait en dit long sur les réserves d'argent liquide dont il disposait : en 36 ap. J.-C. — Alexandre avait alors entre 45 et 50 ans — le futur roi de Judée, Agrippa Ier, qui se trouvait en proie à de graves problèmes financiers et tentait de se rendre en Italie, lui demanda de lui prêter 200 000 drachmes. Alexandre n'eut pas de peine à les lui procurer. Il est vrai qu'en créancier avisé, il préféra les prêter à la femme d'Agrippa, et les verser en deux fois : 5 talents à Alexandrie, et le reste, c'est-à-dire 170' 000 drachmes, à Pouzzoles, où il devait nécessairement compter sur des collaborateurs capables de réunir une telle somme 7.

De la vie d'Alexandre, nous ne connaissons que quelques bribes, livrées par Flavius Josèphe et par la documentation papyrologique et les ostraca retrouvés dans le sol égyptien [sauf que l'ostraca des archives de Nicanor parle de Marcus Iulius Alexander et pas de Caius Iulius Alexander]. Ami de longue date de Claude, qui devait être légèrement plus jeune que lui, Alexandre fut procurateur des biens d'Antonia, la mère du futur empereur. Il fut victime de la colère de Caligula, qui le fit emprisonner à la fin de son règne, sans doute vers 40 ap. J.-C. Quand Claude, avec l'aide efficace d'Agrippa, qui se trouvait alors à Rome, fut acclamé empereur, en 41 ap. J.-C., il libéra son ami l'arabarque et organisa un mariage entre la fille nubile d'Agrippa, Bérénice, et le fils cadet d'Alexandre, Marcus Iulius Alexander 8. C'était les premières noces de la belle Bérénice, qui, après la mort de Marcus, advenue trois ans plus tard, épouserait en secondes noces son oncle Hérode, frère d'Agrippa et roi de Chalcis, puis en troisièmes noces Polémon, roi de Cilicie, avant de susciter la violente passion de Titus, immortalisée par Racine dans Bérénice, et par Corneille dans Tite et Bérénice 9.

L'arabarque Alexandre avait deux fils : Marcus, dont nous venons de parler, qui mourut à trente ans, et dont on sait, grâce aux archives d'un chamelier retrouvées à Coptos, qu'il faisait du commerce et qu'il avait des employés et des esclaves qui s'occupaient de ses affaires à Coptos et dans les deux grands ports de la mer Rouge : Myos Hormos et Bérénice 10.

Le fils aîné de l'arabarque, Tiberius Iulius Alexander, fort de la fortune familiale et des appuis personnels de son père, fit une brillante carrière politique à partir du règne de l'empereur Claude. Philon en dresse un bref portrait et vante son caractère réfléchi et son instruction dans un opuscule intitulé : Alexandre, ou si les animaux, qui sont privés d'intelligence, sont capables de parler, titre d'une conférence qu'Alexandre avait donnée quand il était encore jeune homme devant un cercle choisi d'Alexandrins et de Romains cultivés n. En avril 42 ap. J.-C, Alexandre, qui avait renoncé à la religion de ses pères, fut nommé épistratège de Thébaïde, poste sexagénaire de l'administration romaine, qui fut occupé quelques décennies plus tard par un autre arabarque, Claudius Geminus, appelé, lui aussi, à gravir les échelons de l'administration provinciale et à devenir idiologue sous le règne de Domitien. La carrière de Tiberius Iulius Alexander est bien connue. Je rappellerai seulement qu'il fut nommé préfet d'Egypte par Néron, charge qu'il occupa de 66 à 69 ap. J.-C, et qu'après avoir reçu plusieurs postes de commandement dans l'armée romaine, il gravit le dernier échelon de la carrière équestre en devenant préfet du prétoire à Rome, en récompense, pour citer Pflaum, des services exceptionnels qu'il avait rendus à Vespasien et à Titus 12.

Il y aurait encore beaucoup de choses à dire sur la famille de l'arabarque Alexandre. Dans le traité de Philon sur les animaux, Iulius Lysimachus, le troisième frère, se présente comme un « gros armateur qui s'intéresse aux affaires publiques, sans négliger pour autant les affaires familiales » 13 ; il est possible qu'on puisse l'identifier avec le notable du même nom qui siégea dans le conseil du préfet d'Egypte le 4 septembre 63 ap. J.-C. 14 On reconnaît encore un descendant de l'arabarque en la personne de Tiberius Iulius Alexander Iulianus, propriétaire d'une grande briqueterie à Rome, et membre du collège des frères arvales de 113 à 155 ap. J.-C. 15 La famille de l'arabarque Alexandre avait donc une importance sociale, économique et politique qui s'étendait bien au-delà de la cité d'Alexandrie et des frontières de la province d'Egypte. Elle était présente à Rome, à Alexandrie, à Pouzzoles, en Thébaïde et dans la ville sainte de Jérusalem. Ses membres fréquentaient les plus hautes sphères du pouvoir politique romain, dominaient les routes et les places du commerce oriental, et s'étaient acquis la reconnaissance et le respect de la communauté juive à travers leurs actes d'évergétisme. »

Sur les "arabarques" alexandins modifier

Les "arabarques" alexandins connus
  1. Ptolémaios, père d'Appolonios (inscription sur le temple de Pselchis) +2
  2. Apollonios, fils du précédent (À noter l'Apollonios (Caïus Iulius Apollonios) qui participe à l'ambassade que les grecs d'Alexandrie envoient à Claude en 41. En +2, il portait les titres de "stratège du nome Ombite et de la région d'Éléphantine et de Philé et percepteur de la mer Érythrée". 63 ans plus tard, son fils, Tiberios Iulios Ptolemaios, ajouta sous la précédente inscription à Pselchis dans laquelle Apollonios est à son tour désigné comme arabarque.
  3. Caïus Iulius Alexander, père de Tiberius Alexander, qui est en charge sous Tibère et Caligula qui le mit en prison. Claude le libère dès son accession au pouvoir.
  4. Publius Annius Plocamus
  5. Démétrios, cité par Flavius Josèphe, issu de la communauté juive d'Alexandrie. Comme Marcus Iulius Alexander, le fils de Caïus Iulius Alexander, Demetrius épouse une fille d'Agrippa Ier en 53 (Mariamne).
  6. Claudius Geminus "arabarque et épistratège" de Thébaïde. On sait par ailleurs qu'il exerçait une procuratèle de rang équestre (comme l'était l'épistratège de Thébaïde) sous la préfecture de M. Mettius Rufus, à l'époque de Domitien.
  7. M. Aurelius Mindius Pollio, richisime importantes fonctions à Éphèse et chargé aussi du "quarantième" dans la province d'Asie.
  8. Mausolus,
  9. Anastasios dont la femme s'appelait Petronia.

Caius Iulius Alexander et Alexandre Lysimaque modifier

  • Heinrich Graetz, Histoire des Juifs, DEUXIÈME PÉRIODE — APRÈS L’EXIL - Troisième époque — La décadence
Chapitre XV — Les Hérodiens
Agrippa Ier ; Hérode II — (37-49).

[...]
L'alabarque ou arabarque Alexandre que Fabienne Burkhalter appelle Caius Iulius Alexander et appelé Alexandre Lysimaque par Heinrich Graetz (voir ci-dessous):

Agrippa songea à tenter de nouveau la fortune à Rome, mais il n’y trouva que la prison pour dettes, à laquelle il échappa à grand’peine. Il parvint à gagner Alexandrie, où le Judéen le plus riche et le plus considéré de la ville, l’arabarque Alexandre Lysimaque, chez qui il s’était réfugié, lui fournit les ressources nécessaires pour le voyage.

Ce Lysimaque, un des plus nobles Israélites de son temps, était l’administrateur des biens de la jeune Antonia, fille du triumvir Antoine et de sa première femme, la sœur d’Auguste (Celui-ci avait donné à sa nièce la fortune qu’Antoine avait laissée en Égypte). Lysimaque rendit tant de services à la famille impériale qu’il en devint le fils adoptif et put ajouter à son nom celui de l’empereur : Tiberius Julius Alexander. Sans aucun doute, il avait été initié à cette brillance culture grecque, dont son frère Philon était un des adeptes les plus distingués. L’arabarque n’en était pas moins profondément attaché à ses coreligionnaires et au temple. Il fit revêtir d’or fin les battants de toutes les portes conduisant de l’avant-cour du temple au parvis intérieur, à l’exception de la porte du Nicanor.

Voulant sauver Agrippa, mais se défiant de sa folle prodigalité, il demanda à sa femme de se porter caution pour lui.

  1. Louis Robert, Simone Follet, L'hellénisme d'époque romaine: nouveaux documents, nouvelles approches, Ier s. a. C-IIIe s. p. C., Actes du colloque international à la mémoire de Louis Robert, Paris, 7-8 juillet 2000, de Boccard, 2004, p. 145.
  2. Flavius Josèphe, Antiquités judaïques, XVIII, 259 .
  3. Flavius Josèphe, Antiquités judaïques, XX, 100.
  4. Flavius Josèphe, Guerre des Juifs, XVIII, 259 .