En mathématiques, la suite d'Alcuin, est la suite d'entiers qui à tout entier naturel fait correspondre le nombre de solutions en nombres entiers naturels du système diophantien : , ou du système équivalent : .

Les 11 premiers termes en sont (suite A005044 de l'OEIS décalée de 3 crans ou suite A266755 de l'OEIS) :

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
1 0 1 1 2 1 3 2 4 3 5

Par exemple, l'unique solution du système pour est ,

et les solutions pour sont .

Notons que la forme (1) du système montre que est, à isométrie près, le nombre de triangles (éventuellement aplatis ou à sommets confondus) à côtés entiers de périmètre égal à .

Origine de cette suite modifier

Le problème 12 du livre intitulé Propositiones ad acuendos iuvenes (« Problèmes pour aiguiser les jeunes ») attribué au clerc et savant anglais Alcuin, qui a séjourné pendant plusieurs années à la cour de Charlemagne. Voici son énoncé :

Un père en mourant laisse en héritage à ses trois fils trente vases de verre, dont dix pleins d’huile, dix remplis d’huile à moitié et dix vides. Que celui qui le peut fasse le partage de sorte que chacun des fils ait une quantité égale de vases et d’huile ![1]

En latin : XII. Propositio de quodam paterfamilias et tribus filius eius : Quidam paterfamilias moriens dimisit haereditatem tribus filiis suis, XXX ampullas uitreas, quarum decem fuerunt plenae oleo. Aliae decem dimidiae. Tertiae decem uacuae. Diuidat, qui potest, oleum et ampullas ut unicuique eorum de tribus filiis aequaliter obueniat tam de uitro, quam de oleo.[2]

Dans le cas général, on a   récipients, dont   pleins,   emplis à moitié et   vides qu’on veut répartir équitablement (quant aux contenants et aux contenus) entre trois frères.

On peut montrer[3] que chaque solution   du système ci-dessus conduit à une répartition des vases entre les 3 frères conforme à la demande  :

- au premier frère on donne   vases pleins,   vases à moitié pleins et   vases vides (il reçoit donc   vases et le contenu de   vases pleins).

- les deux distributions suivantes sont obtenues en changeant   en  , puis   en   ; les deux frères reçoivent également   vases et le contenu de   vases pleins.

On peut représenter une répartition par une matrice dont les lignes correspondent aux fils et les colonnes aux types de récipients (plein, empli à moitié, vide)[3] :  , matrice dont les sommes des lignes et les sommes des colonnes sont égales à  .

Le nombre   compte donc le nombre de distributions possibles répondant au problème des 30 vases d'Alcuin généralisé à l'ordre  .

L'appellation « suite d'Alcuin » a été donnée dans recueil de jeux mathématiques de D. Olivastro datant de 1993[4].

Expression du terme général modifier

Formule directe modifier

Pour   impair,   est l'entier le plus proche de   et pour   pair, l'entier le plus proche de  [5].

Définition par récurrence triple modifier

 .

Fonction génératrice modifier

Le nombre   est le nombre de partitions de   dont les sommants sont égaux à 2, 3 ou 4 (voir  A266755).

On en déduit la fonction génératrice :

 [5].

Autres dénombrements conduisant à la suite d'Alcuin modifier

Le nombre   est aussi le nombre de solutions du système diophantien  .

On obtient en effet les solutions de ce système en ajoutant 1 à chaque composante des solutions du système (1).

Le nombre   est donc le nombre de partitions (ou de compositions croissantes) en 3 sommants de l'entier   dont le plus grand sommant est strictement inférieur à la somme des deux autres.

Plus géométriquement, le nombre   est, à isométrie près, le nombre de véritables triangles (i.e. non aplatis) à côtés entiers de périmètre donné égal à  .

Le nombre   est enfin le nombre de solutions du système  .

On obtient en effet les solutions de ce système en ajoutant   aux solutions du système (1).

Le nombre   est donc, à isométrie près, le nombre de triangles, éventuellement aplatis, mais à côtés de longueurs distinctes à côtés entiers de périmètre donné égal à  .

Suite similaire modifier

Le nombre   de solutions du système diophantien   , qui équivaut à  , compte le nombre de partitions (ou de compositions croissantes) en 3 sommants de l'entier   dont les sommants sont inférieurs ou égaux à  , ou le nombre de triangles éventuellement aplatis, mais à sommets distincts, à côtés entiers de périmètre donné égal à   . Ce nombre est le terme général de la suite A325691 de l'OEIS :

  0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
  0 0 0 1 1 1 2 2 3 3 4

Références modifier

  • Certains aspects de cette suite sont étudiés dans cette épreuve des olympiades nationales de mathématiques 2019[6].
  1. Problems to Sharpen the Young, John Hadley and David Singmaster, The Mathematical Gazette, 76, #475 (March 1992), p. 109
  2. https://www.documentacatholicaomnia.eu/02m/0735-0804,_Alcuinus,_Propositiones_Alcuini_Karoli_Magni_Imperatoris_Ad_Acuendos_Juvenes,_MLT.pdf
  3. a et b Pierre Legrand, « Énigmes carolingiennes », Bulletin de l'APMEP, vol. 512,‎ , p. 31-32 (lire en ligne)
  4. (en) D. Olivastro, Ancient Puzzle : Classical Brainteasers and Other Timeless Mathematical Games of the Last 10 Centuries, New York, Bantam, (lire en ligne)
  5. a et b (en) Eric Weisstein, « Integer Triangle »
  6. « Olympiades nationales de mathématiques 2019, classes de première » (consulté le )