Song Nian ou Song Nien ou Sung Nien est un peintre chinois du XIXe siècle. Ses dates de naissance et de décès ainsi que ses origines, ne sont pas connues mais il est actif à la fin du dix-neuvième siècle.

Song Nian
Biographie
Naissance
Décès
Activité

Biographie modifier

Fonctionnaire, Song Nian, encore jeune, donne sa démission pour se consacrer à la peinture et à la calligraphie. Il est aussi l'auteur d'un traité, le Yiyuan Lun Hua, mélange de jugements critiques, principes esthétiques et procédés techniques. Les exposés techniques sont fondés sur une solide expérience technique et ses vues personnelles sont fortes et originales; il oppose l'impératif de création individuelle aux préceptes traditionnels d'imitation des Anciens[1].

Le manuscrit de son traité « Yiyuan Lun Hua » reste inconnu jusqu'à ce que Yu Jianhua fasse une première publication à tirage limité en 1925 (reproduit ensuite in Congkan, pp. 601-624). Conçu dans la forme habituelle des propos de peintre à bâtons rompus, mélange de jugements critiques, principes esthétiques, procédés techniques; mais le contenu est de très haute qualité. Biographie: (in Congkan, p. 23). Analyse: Huashi, vol. II, p. 285[2].

Propos de peintre à bâtons rompus modifier

  • L'accomplissement de la règle[n 1].

Le compas et l'équerre sont les normes suprêmes du carré et du cercle, et les mouvements du Ciel et de la terre sont mesurables par le compas et l'équerre[n 2]. Le vulgaire sait seulement mesurer avec le compas et l'équerre, mais il ignore quel est le principe qui régit les circonvolutions de l'Univers; aussi, l'Univers tient-il l'homme enchaîné dans les règles, et l'homme se plie aux règles en aveugle; qu'il s'agisse de règles induites ou déduites[n 3], de toute manière, il n'arrive jamais à saisir le pourquoi de leur existence. Mais les règles qu'on ne peut comprendre constituent un obstacle[3].

Aujourd'hui comme autrefois, si l'on ne peut réduire l'obstacle que dressent les règles, c'est parce que l'on ne comprend pas le principe de l'Unique Trait de Pinceau. Mais quand on a compris l'Unique Trait de pinceau, on n'a plus d'œillères et la peinture découle de l'esprit, et les obstacles s'écartent. La peinture qualifie les formes de tous les êtres de l'Univers. Comment peut-elle s'acquitter de cette mission sinon par le truchement du pinceau et de l'encre? L'encre vient de la Nature, épaisse ou fluide, sèche ou onctueuse[n 4], comme on veut. Le pinceau est contrôlé par l'homme, pour exprimer les contours, les rides, les différentes sortes de lavis[n 5], à son gré[3].

Les Anciens ne travaillent pas sans règles car, sinon, comment peuvent-ils brider le monde vulgaire? Mais l'Unique Trait de Pinceau n'implique ni ces limitations qui proviennent de l'absence de frein, ni ces limitations qui proviennent des règles établies. Dans la règle il n'y a pas d'obstacle, et dans l'obstacle il n'y a pas de règle. La règle naît de la peinture et la peinture fait reculer l'obstacle; la règle et l'obstacle ne se mêlent pas, et alors on atteint le principe du mouvement de l'Univers, le Dao de la peinture se manifeste et l'Unique Trait de Pinceau se trouve accompli[n 6],[4].

La substance du paysage se réalise en atteignant le principe de L'univers.
La parure extérieure du paysage se réalise par la possession des techniques du pinceau et de l'encre.
Si l'on s'attache à cette seule parure extérieure sans tenir compte du principe, le principe se trouve en péril.
Si l'on s'attache au seul principe, au mépris de la technique, la technique devient médiocre.
Les Anciens ont bien compris ce péril et cette médiocrité, et c'est pourquoi ils s'emploient à réaliser la Synthèse de l'Un[n 8].
Si l'Un n'est pas clairement saisi, la multiplicité des êtres fait écran.
Si l'Un est totalement saisi, la multiplicité des êtres révèle son ordre harmonieux.
Le principe de la peinture et la technique du pinceau ne sont rien d'autre que la substance intérieure de l'Univers d'une part, et d'autre part sa parure extérieure.
L'altier et le lumineux sont la mesure du Ciel, l'étendu et le profond sont la mesure de la Terre[n 9],[5].
Le Ciel enlace le Paysage au moyen des vents et des nuages;
La Terre anime le Paysage au moyen des rivières et des rochers.

C'est en fonction de cette mesure du Ciel que l'âme du paysage peut varier; c'est en fonction de cette mesure de la Terre que peut s'exprimer le souffle organique du paysage. « Je » détiens l'Unique Trait de Pinceau, et c'est pourquoi je peux embrasser la forme et l'esprit du paysage. Maintenant, les Monts et les Fleuves me chargent de parler pour eux; Ils sont nés en moi, et moi en eux[n 10]; j'ai cherché sans trêve des cimes extraordinaires[n 11], j'en ai fait des croquis[n 12], monts et fleuves se sont rencontrés avec mon esprit, et leur empreinte s'y est métamorphosée, en sorte que finalement ils se ramènent à moi, Dadi[n 13],[6].

  • La méthode des rides.

Par le moyen des « rides »[n 14], le pinceau suggère de relief vivant des choses[n 15]; mais comme les formes des montagnes peuvent affecter mille aspects variés, il s'ensuit que cette expression de leur relief ne peut se réduire à une seule formule. Cependant les esprits vulgaires s'attachent seulement à l'aspect théorique des « rides » et perdent de vue les reliefs naturels qu'elles ont fonction de représenter. Si l'on se borne à tracer les rides à partir d'un caillou ou d'une motte de terre[n 16], le résultat ne fournit qu'un seul aspect restreint des rides, et non les rides véritables d'un paysage donné, considéré dans son entité concrète. Ces divers types de rides doivent se former à partir des diverses structures et du relief naturel des montagnes: il y a adaption entre telle montagne et telle ride, car la ride procède de la montagne[n 17],[7].

Bibliographie modifier

  • Dictionnaire Bénézit, Dictionnaire des peintres,sculpteurs, dessinateurs et graveurs, vol. 13, éditions Gründ, , 13440 p. (ISBN 2-7000-3023-0), p. 26.
  • Pierre Ryckmans (trad. du chinois par Traduction et commentaire de Shitao), Les propos sur la peinture du Moine Citrouille-Amère : traduction et commentaire de Shitao, Paris, Plon, , 249 p. (ISBN 978-2-259-20523-8), p. 37, 38, 39, 40, 75, 76, 81, 83, 85, 87, 89, 226

Notes et références modifier

Notes
  1. « L'accomplissement de la règle »: pourrait également se traduire par: la pleine compréhension ou la pleine possession de la règle
  2. « Les mouvements di Ciel et de la Terre sont mesurables par le compas et l'équerre »: la cosmologie chinoise classique conçoit le Ciel rond et la Terre carrée
  3. « Règles induites ou déduites »: règles a priori et a posteriori. L'expression vient du « Livre des Mutations », (note de Yu, p. 23, note 2) « agir en prévision de ce que va faire le Ciel, sans que le Ciel ne vienne l'infirmer; agiragir après que le Ciel s'est manifesté, d'une manière qui soit conforme à cette manifestation »
  4. Shitao donne ici quatre des propriétés de l'encre: épaisse, fluide (ou pâle), sèche, onctueuse. Les propriétés de l'encre sont souvent classées en « six qualités colorées »: noir, blanc, sec, mouillé, épais, fluide, ou encore en « cinq couleurs » qui se ramènent à l'énumération précédente moins le blanc — qui est une qualité négative (...)
  5. « les contours, les rides, les différentes sortes de lavis »: les deux premiers termes désignent le travail graphique du pinceau, les deux derniers concernent le lavis (encre étalée en taches et en nappes). Gou: les contours au trait pur et sinueux (Song Nian, in Congkan, p. 604: « un trait droit est appelé “hua", un trait sinueux est appelé “gou" »; associé au tracé des « grandes lignes », constitue le premier stade de la peinture, la dotant de sa charpente générale (Hua Lin (1597-1667) in Congkan, p. 503); représente l'ossature de la peinture, par opposition aux rides qui sont la musculature, et requiert donc un maximum de force dans l'exécution. (Zheng Ji, in Congkan, pp. 549-550. Le lavis d'eau consiste à humecter d'eau certaines parties de la peinture, pour mieux faire ressortir des additions d'encre ou de couleur (aussi l'expression signifie bien « faire ressortir », mais non simplement « en laissant des parties en blanc » (comme l'explique incorrectement le dictionnaire Mathews). « Employer l'eau pour étendre et diffuser, voilà en quoi consiste le lavis d'eau » (Song Nian: in Congkan, p. 604). Ran: teinter avec l'encre ou la couleur, en étendant une nappe liquide monochrome; le travail du pinceau doit se faire invisible; chaque coup disparaît, noyé dans la nappe. (Dans le même sens, on emploie également le terme xuan). La définition de Song Nian est: « colorer au moyen d'encre diluée »
  6. Tout ce chapitre est une manière de glose sur une proposition du chapitre: « Le fondement de la règle de l'Unique Trait de Pinceau réside dans l'absence de règles qui engendre la Règle, et la Règle ainsi obtenue englobe la multiplicité des règles ». La Règle, qui est libératrice, s'oppose à la servitude des règles toutes faites, subies du fait des traditions, sans qu'on en saisisse les raisons d'être. Si l'on se contente de codifier et de décrire les phénomènes, on reste esclave de ces codifications; l'essentiel est de saisir le pourquoi des phénomènes; les règles de la peinture ne peuvent être un simple inventaire des procédés classiques, un répertoire de formes reçues; elles doivent partir d'une réflexion sur l'essence même de l'acte de peindre
  7. « Le paysage » 山水, littéralement « les monts et les fleuves ». Ce binôme acquiert conventionnellement la signification de notre concept unique de « paysage » adopté dans la traduction — sa brièveté le rendant plus commode dans la phrase
  8. On a déjà rencontré plusieurs fois le concept de l'Un. Il est envisagé ici sous l'aspect particulier de synthèse de l'apparence extérieure et de la substance intérieure, forme et contenu
  9. « L'altier et le lumineux sont la mesure du Ciel, l'étendu et le profond sont la mesure de la Terre ». La répartition de ces attributs au Ciel et à la Terre et les termes employés par Shitao sont empruntés à « l'Invariable Milieu »: « L'étendue et la profondeur (de la vertu parfaite) correspondent à la Terre, sa hauteur et sa lumière correspondent au Ciel (...). Le Dao du Ciel et de la Terre est étendu, profond, haut, lumineux... »
  10. Réminiscence taoïste; comparer par exemple avec Zhuang Zi: « Ma naissance est solidaire de celle de l'Univers; je ne fais qu'un avec l'infinité des êtres »
  11. « J'ai cherché sans trêve des cimes extraordinaires »: ceci est très littéralement vrai: Shitao est un grand voyageur et il visite la plupart des montagnes célèbres de Chine, fidèle en ceci à une tradition établie chez les peintres. C'est un précepte constamment répété dès l'époque Song, que le peintre doit visiter et étudier les plus beaux sites naturels. Sous des formes diverses, on retrouve sans cesse chez de nombreux auteurs, cette même idée que c'est seulement par la visite des sites naturels que le peintre peut atteindre les secrets les plus profonds de son art (Li Rihua (1565-1635), cité in Leibian, p. 756 chap. (?), in Congkan, p. 488; Zhang Ji: chap. (?), in Congkan, p. 545; Hua Yilun (XIXe siècle), in Meishu, vol. 30, p. 99; Song Nian: in Congkan, p. 604, etc.). Cette attitude est importante d'ailleurs: grâce à ce lien sensible qu'il a toujours gardé avec les montagnes, les fleuves, les nuages, les rochers et les arbres de son immense et admirable pays, le peintre chinois, même au plus haut de son expérience philosophique, au plus dépouillé de son expérience plastique, ne se laisse jamais égarer dans l'angélisme stérilisant de l'abstraction; et, à l'autre opposé, ni le poids des traditions, ni les règles de l'académisme ne peuvent tarir les sources profondes et la spontanéité de sa peinture, qui reste toujours exquisément nourrie de toutes les sèves de la terre
  12. « J'en ai fait des croquis »: la Nature n'est pas seulement un objet de contemplation et de méditation pour le peintre. Les textes attestent que, dès l'époque Tang déjà, les artistes ont l'habitude de travailler directement sur le motif
  13. C'est-à-dire, Dadizi — surnom de Shitao
  14. Les « rides » cun: pour partir de la définition classique: « Ce qui s'obtient en frottant au moyen d'un pinceau pointu manœuvré de biais s'appelle “les rides" » (définition de Guo Xi, reprise également avec une légère variante dans le « Jardin du Grain de Moutarde »); ou encore: « surpeint ajouté au pinceau sec » (Song Nian: in Congkan, p. 604); « on les ajoute après (les grandes lignes) pour fragmenter les volumes » (Hua Lin (1597-1667), in Congkan, p. 503). (...)
  15. « Suggère le relief vivant des choses ». Cette expression est employée à l'origine par Du Fu dans son poème: « Dans le palais Ling Yan, les fresques représentant les ministres méritoires sont fanées; le pinceau du général Li vient y ranimer la vie »
  16. Dans l'enseignement académique de la peinture, on commence par tracer les rides de divers cailloux; on se contente ensuite de les agrandir pour en faire des montagnes
  17. Comme un auteur le fait remarquer, « les noms et les classifications des rides partent en premier lieu de l'observation naturelle; c'est leur ressemblance avec telles formes particulières qui leur a valu tels noms particuliers. Ni leur appellation ni leur forme ne sont des créations arbitraires du peintre » (Song Nian, in, Congkan, p. 604)
Références