Plassans est une ville fictive qui apparaît dans la série de 20 romans des Rougon-Macquart écrits par Émile Zola entre 1871 et 1893 et qui figure dans le titre du quatrième volume, La Conquête de Plassans (1874). Plassans est la ville d'origine des Rougon-Macquart qui, de là, vont se disperser à travers la France.

Plan de Plassans réalisé par Émile Zola compris dans le dossier préparatoire de « La Conquête de Plassans ».

Pour décrire la ville, Zola s'inspire d'Aix-en-Provence, la ville de son enfance[1].

L'insurrection varoise de est le fil conducteur de La Fortune des Rougon, le premier roman de la série, qui s'inspire de ce qui s'est passé à Lorgues, ville du Var.

Divisions sociales modifier

 
Aix-en-Provence

Dans La Fortune des Rougon, la ville est décrite comme « tranchée par la division des quartiers […] qui forment chacun comme un bourg particulier et complet » : le vieux quartier, où s'entassent les classes populaires et la petite bourgeoisie ; le quartier Saint-Marc où vivent l'aristocratie et le clergé ; et la ville neuve, domaine de la bourgeoisie installée[2],[3]. Comme Aix-en-Provence, un de ses modèles, c'est une ville moyenne de 10 000 habitants, nichée au flanc des Alpilles ; elle a peu d'industrie, le commerce vit surtout de l'écoulement des denrées locales, huile, vins, amandes ; les classes populaires n'y comptent guère. En revanche, c'est un siège de tribunaux qui rassemblent bon nombre de magistrats et de gens de loi. La noblesse, refermée sur elle-même depuis la chute de Charles X, se tient à l'écart du reste de la société. Les portes des remparts sont fermées « à onze heures en été, à dix heures en hiver », pratique anachronique qui symbolise l'esprit conservateur et craintif de la ville. Même les bourgeois cultivés du quartier neuf, qui se disent libres penseurs, sont prêts à se ranger derrière l'autorité « au moindre grondement du peuple[4] ».

Dans la première moitié du XIXe siècle, Adélaïde Fouque, aïeule des deux branches des Rougon-Macquart, possède deux maisons avec jardins maraîchers à la lisière de la vieille ville qui reviendront à Pierre Rougon, ancêtre de la lignée petite-bourgeoise et ambitieuse ; le jardinier Macquart, un contrebandier qui devient l'amant d'Adélaïde après son veuvage, habite une cabane dans une ruelle mal famée, l'impasse Saint-Mittre[3]. Pierre Rougon épouse Félicité, fille d'un marchand d'huile d'olive appauvri, et vend les jardins pour développer son commerce, première étape de l'ascension sociale de la famille[3]. Trois ans avant la révolution de 1848, le couple Rougon se retire du commerce, achète un appartement de trois pièces donnant sur la place de la Mairie et commence à tenir un salon fréquenté par les différentes classes de l'élite locale, ce qui lui permet d'aspirer à de plus hautes ambitions[3]. Au milieu du siècle, le cimetière Saint-Mittre, désaffecté et devenu un terrain vague, sert de rendez-vous aux amoureux Silvère et Miette : c'est là que Silvère annonce à Miette qu'il part pour rejoindre les insurgés républicains qui s'opposent au coup d'État du 2 décembre 1851 ; ils se rendent dans le centre de la ville pour se joindre à la colonne des volontaires[3].

 
Aix-en-Provence, la place des Prêcheurs vers 1862-1879.

Dans La Conquête de Plassans, Pierre et Félicité, devenus des protégés du régime après avoir contribué à la victoire du coup d'État, intriguent pour franchir la « Place » et passer symboliquement de leur quartier besogneux à celui des nouveaux riches[2]. L'appropriation de l'espace par le regard, puis par le calcul électoral, joue un rôle central dans ce roman où l'abbé Faujas, agent du ministre Eugène Rougon, arrive pour servir à la fois les intérêts du bonapartisme et ceux du clan Rougon dans une ville encore dominée par l'aristocratie légitimiste[5]. La victoire du nouveau régime se concrétise par l'arrivée du chemin de fer au bénéfice du nouveau quartier : « Ce quartier, qu’embellit la sous-préfecture, une laide bâtisse de plâtre ornée de rosaces, comptait à peine cinq ou six rues en 1851 ; il est de création récente, et, surtout depuis la construction du chemin de fer, il tend seul à s’agrandir[6]. »

Notes et références modifier

  1. Guillaume Launay, « De Springfield à Gotham City, panorama des villes de fiction. Plassans, ville-témoin provençale de Zola », sur Libération, (consulté le )
  2. a et b Viti 2013.
  3. a b c d et e Fiche de lecture 2014.
  4. Cesselin 2021.
  5. David Baguley, 1980-1981, p. 80-92.
  6. Émile Zola, La Fortune des Rougon, ch. 2 [1]

Bibliographie modifier

  • David Baguley, « Les paradis perdus : espace et regard dans La Conquête de Plassans de Zola », Nineteenth-Century French Studies, 1980-1981, no 9, p. 80-92.
  • (en) Robert M. Viti, « (Double-)Crossing the Bo(a)rder: Faujas, Félicité and the Place of La Conquête de Plassans », dans Carolyn Snipes-Hoyt, Marie-Sophie Armstrong et Riikka Rossi, Re-Reading Zola and Worldwide Naturalism: Miscellanies in Honour of Anna Gural-Migdal, Cambridge, Cambridge Scholars Publishing, (lire en ligne), p.56-67.
  • La Fortune des Rougon de Émile Zola (Fiche de lecture), Lepetitlittéraire, (lire en ligne).
  • Damien Cesselin, « Une fresque humaniste : les Rougon-Macquart. La Conquête de Plassans (4/20) », Humanisme, no 333,‎ , p. 85-93 (lire en ligne).
  • Alain Marcel, " Lorgues, le Temps Retrouvé". P257 : 1851. Lorgues et l'insurrection varoise. P259 : Emile Zola écrit "La Fortune des Rougons". Editions Equinoxe, 2018.

Annexes modifier