Motiur Rahman Nizami

homme politique bangladais

Motiur Rahman Nizami
Illustration.
Fonctions
Ministre de l'Industrie (en)

(3 ans, 5 mois et 6 jours)
Président Iajuddin Ahmed
Premier ministre Khaleda Zia
Gouvernement Khaleda II (en)
Prédécesseur M. K. Anwar (en)
Successeur Dilip Barua (en) (indirectement)
Ministre de l'Agriculture (en)

(1 an, 7 mois et 12 jours)
Président Badruddoza Chowdhury
Iajuddin Ahmed
Premier ministre Khaleda Zia
Gouvernement Khaleda II (en)
Prédécesseur Matia Chowdhury (indirectement)
Successeur M. K. Anwar (en)
Émir de la Bangladesh Jamaat-e-Islami

(~ 16 ans)
Prédécesseur Ghulam Azam
Successeur Maqbul Ahmed (en)
Biographie
Date de naissance
Lieu de naissance Santhia Upazila, Pabna, Bengale (Raj britannique)
Date de décès (à 73 ans)
Lieu de décès Prison centrale de Dacca (en), Dacca (Bangladesh)
Nature du décès Pendaison
Nationalité pakistanaise (jusqu'en 1971)
bangladaise (1971-2016)
Parti politique Front uni
Islami Chhatra Sangh
Bangladesh Jamaat-e-Islami
Diplômé de Madrasa-e-Alia (en)
Université de Dacca
Religion Islam sunnite

Motiur Rahman Nizami (bengali : মতিউর রহমান নিজামী), né le à Santhia Upazila (Raj britannique) et mort le à Dacca (Bangladesh), est un homme politique, érudit musulman et écrivain bangladais, chef de l'escouade pro-pakistanaise Al-Badr pendant la guerre de libération du Bangladesh, émir de la Bangladesh Jamaat-e-Islami de 2000 à 2016, ministre de l'Agriculture de 2001 à 2003 et ministre de l'Industrie de 2003 à 2006.

Le , il est condamné une première fois à la peine de mort pour avoir participé dix ans plus tôt à un trafic d'armes à destination des insurgés assamais (en).

Le , il est condamné une seconde fois à la peine de mort pour son rôle dans le massacre de Demra (en) commis au cours du génocide de 1971 au Bangladesh et au cours duquel 800 à 900 civils hindous désarmés ont été assassinés après que certaines de leurs femmes aient été violées. C'est cette seconde condamnation à mort qui est exécutée, par pendaison, à la prison centrale de Dacca (en) dans la nuit du 10 au 11 mai 2016.

Jeunesses et éducation modifier

Nizami est le fils de Lutfur Rahman Khan. Il est né le à Monmothpur (bengali : মনমথপুর), près de Pabna. Il termine ses études secondaires dans une école coranique et est titulaire d'un diplôme en jurisprudence islamique obtenu à la Madrasa-e-Alia (en) en 1963 et d'une licence obtenue à l'université de Dacca en 1967[1].

Carrière politique modifier

Nizami a gravi les échelons de la branche du Pakistan oriental de Jamaat-e-Islami dans les années 1960, après avoir dirigé l'organisation étudiante, Islamic Chhatro Shango (maintenant Bangladesh Islami Chhatra Shibir)[2]. Après l'indépendance du Bangladesh, Sheikh Mujibur Rahman, le premier président, a interdit à Jamaat de participer à la vie politique car elle s'était opposée à la guerre de libération, et nombre de ses membres ont collaboré avec l'armée pakistanaise pendant le conflit. Nizami et d'autres dirigeants ont quitté le pays[3].

Après l'assassinat du Sheikh Mujibur Rahman par des officiers militaires en , Ziaur Rahman est devenu président lors d'un coup d'État en 1977[4]. Il a permis aux dirigeants de Jamaat d'accéder aux plus hautes sphères de la société[5], et à d'autres comme Ghulam Azam et Nizami de retourner au Bangladesh en 1978[6] ; ils ont relancé le parti Jamaat, qui est devenu le plus grand parti islamiste du pays[7]. Nizami est devenu l'un des principaux dirigeants du parti, organisant l'Islami Chhatra Shibir, l'organisation estudiantine du Jamaat[8].

En 1991, il a été élu député de la circonscription de Pabna à la Chambre des représentants pour le Jamaat, où il a été le chef du parti parlementaire jusqu'en 1994[9]. Lors des élections de 1996 (en), il a perdu contre les candidats du Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), un allié de Jamaat, et de la Ligue Awami dans sa circonscription. Le professeur Abu Sayed, de la Ligue Awami, a obtenu son siège[10].

En 1971, Nizami était chef de la tristement célèbre milice Al-Badr[11]. Avec l'armée pakistanaise, cette milice a enlevé et massacré 989 intellectuels bengalis, dont des professeurs, des journalistes, des médecins et des militants pro-Bangladesh en général[12],[13].

Émir de la Bangladesh Jamaat-e-Islami modifier

Nizami a succédé à Ghulam Azam à la tête de Jamaat en 2001[14]. La même année, représentant son parti dans le cadre d'une alliance quadripartite comprenant le BNP, Nizami a remporté un siège au Parlement à Pabna-1, avec 57,68 % des voix[15],[16]. De 2001 à 2003, il a été ministre de l'Agriculture, puis ministre de l'Industrie de 2003 à 2006[17].

Nizami a été défait aux élections générales de comme candidat de l'Alliance quadripartite, perdant son siège pour Pabna-1 au profit de Md. Shamsul Haque de la Ligue Awami. Nizami a obtenu 45,6 % des voix. La Ligue Awami a remporté les deux tiers des sièges au Parlement[18].

Controverses modifier

Allégations de corruption modifier

En , la Commission anticorruption du Bangladesh a inculpé Nizami dans l'affaire de corruption GATCO, dans laquelle, avec plusieurs autres hommes politiques, il aurait illégalement accordé un contrat de dépôt de conteneurs à la société locale GATCO[19]. Le , un mandat d'arrêt a été délivré contre Nizami et 12 autres personnes[20].

Nizami a été accusé d'avoir conspiré avec 12 autres politiciens pour attribuer le contrat à GATCO bien que l'entreprise n'ait pas respecté les conditions de l'appel d'offres. L'accusation a allégué que l'accord avec GATCO avait causé une perte totale de plus de cent millions de takas bangladais pour le gouvernement[21]. Nizami a nié les accusations et a déclaré qu'elles étaient motivées par des considérations politiques[22]. Il a été libéré sous caution après deux mois[23].

Accusations de blasphème modifier

Dans un discours public prononcé le , le chef de Dhaka Jamaat, Rafiqul Islam, a comparé la vie de Nizami à celle du prophète Mahomet, persistant malgré la persécution. Le , la Fédération Tariqat du Bangladesh a poursuivi Rafiqul, Nizami et d'autres membres de Jamaat pour avoir blessé les sentiments islamiques des masses en comparant Nizami avec le Prophète[24].

Nizami, ainsi que trois autres hauts responsables du parti, ont été arrêtés le [25]. Il a obtenu une mise en liberté sous caution le lendemain et a fait appel le pour demander le classement de l'affaire. La Haute Cour a ajourné l'affaire pendant quatre mois en [25].

Accusations de contrebande modifier

Le , Nizami a été arrêté sur la base d'allégations de contrebande d'armes à des insurgés assamais en Inde en 2004[26]. Sa demande de mise en liberté sous caution du a été rejetée[27].

Le , Nizami et 13 complices ont été condamnés à mort par pendaison après avoir été reconnus coupables de contrebande d'armes[28]. Bien que diverses entités politiques et organisations internationales[29] avaient à l'origine accueilli favorablement les jugements[30],[31],[32] en , Human Rights Watch a critiqué le gouvernement pour certains aspects de ses évolution, son manque de transparence et a signalé le harcèlement des avocats de la défense et des témoins représentant les accusés[33],[34],[35]. Nizami a été le dernier suspect très en vue à être jugé pour les crimes de guerre du génocide de 1971 au Bangladesh ; le tribunal a retardé son verdict en en raison de son état de santé[36].

Tribunal pénal international modifier

 
GonoJagoron Moncho demande la peine de mort à Nizami le

En 2009, le gouvernement bangladais dirigé par la Ligue Awami a créé un tribunal au Bangladesh pour enquêter sur les personnes soupçonnées d'avoir commis des atrocités pendant la guerre de libération du Bangladesh en 1971. Nizami et huit autres dirigeants de Jamaat-e-Islami ont été accusés de crimes de guerre, tout comme deux dirigeants du Parti nationaliste du Bangladesh. Les partis d'opposition et les groupes de défense des droits de l'homme ont allégué une ingérence politique dans le procès, étant donné que tous les accusés étaient des hommes politiques de l'opposition[37]. Nizami a été le dernier suspect très en vue à être jugé pour crimes de guerre en 1971 ; le tribunal a retardé son verdict en en raison de son état de santé. Le , il a été annoncé que Nizami avait été condamné à mort pour des crimes de guerre commis pendant la guerre d'indépendance de 1971 contre le Pakistan[38].

Mort modifier

Le , Nizami a été pendu à la prison centrale de Dhaka, quelques jours à peine après que le plus haut tribunal du pays eut rejeté son appel final pour annuler la condamnation à mort pour les atrocités commises pendant la guerre de 1971 dans le pays. Il a été pendu juste avant minuit (1800 GMT) après avoir refusé de demander grâce au président du Bangladesh. Il a été exécuté entre 23 h 50 et h 1[39]

Réactions modifier

Le ministère pakistanais des Affaires étrangères a déclaré que « le Pakistan est profondément attristé par la pendaison de l'émir de la Bangladesh Jamaat-e-Islami, M. Motiur Rahman Nizami, pour les crimes présumés commis avant décembre 1971. Son seul péché a été de faire respecter la constitution et les lois du Pakistan »[40].

La Turquie condamne l'exécution de Motiur Rahman Nizami[41] et rappelle son ambassadeur Devrim Öztürk (tr) du Bangladesh[42].

Références modifier

  1. Mohiuddin Faruq, « Noose tightens on Nizami for war crimes as Bangladesh Jamaat chief loses last legal battle », bdnews24.com,‎ (lire en ligne, consulté le )
  2. « Nizami's life in short », sur Dhaka Tribune, (consulté le )
  3. Dipanjan Roy Chaudhury, « India partnering Bangladesh to keep eye on Islamist party Jamaat-e-Islami », The Economic Times,‎ (lire en ligne, consulté le )
  4. (en-US) Special to the New York Times, « Bangladesh Reports Death of President Ziaur Rahman », The New York Times,‎ (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le )
  5. « Explain what is 'Hanadar Bahini' », The Daily Star,‎ (lire en ligne, consulté le )
  6. (en) « Anti-Bangladesh before & after '71 », sur The Daily Star, (consulté le )
  7. « Nizami’s death penalty upheld | Daily Sun », sur Bangladesh Pratidin (consulté le )
  8. (en-GB) Agence France-Presse, « Bangladesh upholds death sentence for Islamist leader Motiur Rahman Nizami », The Guardian,‎ (ISSN 0261-3077, lire en ligne, consulté le )
  9. « Bangladesh's Nizami urged patience before death: Son », sur www.aa.com.tr (consulté le )
  10. (en) « Ex-AL minister Sayeed joins Gonoforum », sur The Daily Star, (consulté le )
  11. « War crimes charges against pro-Pakistan militia commander Nizami who headed Bangladesh Jamaat », bdnews24.com,‎ (lire en ligne, consulté le )
  12. (en) « Operated like Gestapo », sur The Daily Star, (consulté le )
  13. (en-GB) « Bangladesh war crimes trial: Key accused », BBC,‎ (lire en ligne, consulté le )
  14. "Prof. Ghulam Azam Retires", Islamic Voice, December 2006
  15. « Parliament Election Result of 1991,1996,2001 Bangladesh Election Information and Statistics » [archive du ], sur Vote Monitor Networks (consulté le )
  16. « Statistical Report: 8th Parliament Election », sur Bangladesh Election Commission (consulté le ), p. 90
  17. « Moulana Motiur Rahman Nizami », sur TRIAL International (consulté le )
  18. « War criminal Nizami hanged | Daily Sun », sur Bangladesh Pratidin (consulté le )
  19. "Bangladesh orders arrest of Islamist party chief", Reuters, 15 May 2008.
  20. (en) « Drama at Nizami’s house », sur The Daily Star, (consulté le )
  21. « 12 'fugitives' face arrest order », The Independent, Dhaka,‎ (lire en ligne)
  22. « Bangladeshi religious leader held », BBC News,‎ (lire en ligne)
  23. « BNP's Shamsul Islam freed on bail », sur bdnews24.com (consulté le )
  24. « Nizami, Mojaheed, Saydee arrested », The Daliy Star,‎ (lire en ligne [archive du ])
  25. a et b « Proceeding against Nizami, Mojaheed put off », bdnews24.com,‎ (lire en ligne)
  26. « Nizami quizzed in Ctg arms haul cases », bdnews24.com,‎ (lire en ligne)
  27. « 10-Truck arms case: Nizami denied bail », bdnews24.com,‎ (lire en ligne, consulté le )
  28. "Bangladesh court sentences JI chief to death", The Express Tribune, 30 January 2014
  29. UNB, « EU supports war crime trial, wants fairness », The Daily Star,‎ (lire en ligne)
  30. Brad Adams, « Letter to the Bangladesh Prime Minister regarding the International Crimes (Tribunals) Act », sur Human Rights Watch,
  31. Ansar Ahmed Ullah, « Vote of trust for war trial », The Daily Star,‎ (lire en ligne)
  32. M. Zahurul Haq, Yearbook of International Humanitarian Law - 2010, Springer, (ISBN 978-9067048101), p. 463
  33. « Bangladesh: Stop Harassment of Defense at War Tribunal », sur Human Rights Watch,
  34. Bianca Karim et Tirza Theunissen, International Law and Domestic Legal Systems: Incorporation, Transformation, and persuasion, Oxford University Press, (ISBN 978-0199694907), p. 114
  35. Abdul Ghafour, « International community urged to stop ‘summary executions’ in Bangladesh », Arab News,‎ (lire en ligne)
  36. "Bangladesh war crimes: verdict on Jamaat-e- Islami chief Motiur Rahman Nizami deferred", DNA India, 24 June 2014
  37. « Bangladesh War-Crime Tribunal Bogs Down », The Wall Street Journal,‎ (lire en ligne, consulté le )
  38. « Bangladesh Islamist leader Motiur Rahman Nizami sentenced to death », BBC News,‎ (lire en ligne, consulté le )
  39. « Bangladesh executes top Jamaat leader Motiur Rahman over '1971 war crimes' », Dawn,‎ (lire en ligne, consulté le )
  40. « Pakistan condemns BD JI chief's execution », Dawn,‎ (lire en ligne, consulté le )
  41. « Turkey condemns execution of Bangladesh's Islamist party head - ASIA » (consulté le )
  42. « Turkey withdraws Bangladesh ambassador after Jamaat-e-Islami leader Nizami's execution » (consulté le )