Mohammed El-Gorani

ancien détenu tchadien au camp de Guantánamo
Mohammed el Gharani
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Biographie
Naissance
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Œuvres principales

Mohammed El-Gorani est un citoyen tchadien né en Arabie saoudite, à Médine, en 1986. Il fait partie des mineurs détenus au Camp de Guantanamo Bay (en), qui avaient environ 15 ou 16 ans lors de leur incarcération. Il est emprisonné pendant sept ans et demi avant d'obtenir sa libération grâce aux avocats d'une ONG. Son histoire a fait l'objet d'un reportage dessiné, Guantánamo Kid, par Jérôme Tubiana et Alexandre Franc, publié en .

Biographie modifier

Les parents de Mohammed El-Gorani, originaires du Tchad, migrent en Arabie Saoudite, où naît leur fils à Médine en 1986[1]. En raison de sa nationalité, il est victime de discriminations et n'est pas autorisé à fréquenter l'école. Il se rend au Pakistan afin d'étudier l'anglais et l'informatique. C'est dans cet État qu'il est arrêté par la police pakistanaise et remis à l'armée américaine[2].

De là, El-Gorani est convoyé vers la base aérienne de Bagram en Afghanistan. D'après certaines sources, il est resté nu pendant plusieurs jours et victime de maltraitance raciste[2]. Après deux mois à Bagram, il est transféré au camp de Guantánamo, où il est détenu pendant sept ans et demi, bien qu'il soit mineur[3]. L'avocat Clive Stafford Smith (en) identifie en lui l'un des adolescents détenus dans la zone pour majeurs de la prison[4],[5]. Il relate des maltraitances au cours de l'emprisonnement de son client[6]. Avec l'aide des avocats de l'ONG Reprieve, El-Gorani obtient sa mise en liberté en 2009[7]. Le , le juge Richard J. Leon (en) ordonne sa libération car les éléments prouvant qu'il était un combattant ennemi reposent sur les déclarations d'autres détenus, dont la crédibilité est remise en cause par le gouvernement américain. El-Gorani est déposé au Tchad[2].

D'après l'enquête de The Independent, Gorani était accusé de s'associer avec Abou Qatada à Londres en 1999 ; or, à cette époque, l'enfant avait douze ans et se trouvait avec ses parents en Arabie Saoudite[8].

Enquête du Boston Globe modifier

Le , le Boston Globe relate l'enquête menée par son personnel pour vérifier la crédibilité des « témoignages » à l'encontre des prisonniers de Guantanamo[9]. El-Gorani fait partie des détenus contre qui ces accusations sont fragilisées[10]. D'après le Boston Globe, des sources indiquent qu'El-Gorani a fait partie d'une cellule terroriste à Londres sous le commandant d'Abou Qatada vers 1998, alors qu'il avait seulement onze ou douze ans[10]. Les soupçons contre El-Gorani proviennent en partie du manque d'interprètes qualifiés[10] : dans son dialecte, zalati signifie « tomate ». Or, dans le dialecte de l'interprète, ce terme signifie « argent ». Lorsque l'interprète a demandé à El-Gorani où il se procurait de l'argent dans son pays, le prisonnier a établi une liste des maraîchers où acheter des tomates.

Affaire des suicides le 10 juin 2006 modifier

Dans ce qui deviendra l'affaire des Guantanamo suicide attempts (en), le ministère de la Défense signale, le , trois suicides de la part des détenus[11]. Des rumeurs affirment que les avocats des prisonniers ont prémédité ces suicides. D'après le Washington Post, les autorités portent leurs soupçons sur l'avocat Clive Stafford Smith (en)[12]. Smith signale que son client, El-Gorani, l'un des plus jeunes détenus, a été soumis à un interrogatoire serré afin d'établir un lien entre Smith et les suicides[13].

Le , dans Lebanon Daily Star (en), l'historien Andy Worthington (en) rapporte qu'Al-Garani se dit victime de mauvais traitements[14] :

  • privation de sommeil ;
  • brûlures à la cigarette ;
  • projection d'eau glacée ;
  • suspension par les bras, les pieds ne touchant pas le sol, pendant de longues durées ;
  • menace par un soldat de l'émasculer avec des ciseaux.

Guantánamo Kid modifier

En paraît Guantánamo Kid : l'histoire vraie de Mohammed El-Gorani, chez Dargaud, bande dessinée de reportage dont le scénario est signé Mohammed El-Gorani et Jérôme Tubiana, et le dessin Alexandre Franc.

Après sa libération, Mohammed El-Gorani est envoyé par le gouvernement américain à N'Djaména, où en 2010[15] il rencontre Jérôme Tubiana, journaliste et chercheur indépendant[16] qui a suivi les conflits au Sahel et dans la Corne de l'Afrique. Pendant deux semaines, Tubiana recueille l'histoire de l'ancien détenu[15]. Le magazine XXI publie un article de l'auteur pendant l'été 2011[16]. Un autre article de Tubiana paraît dans la London Review of Books[17]. El-Gorani et Tubiana se revoient en 2017. L'élaboration de l'album a pris un an[17]. Amnesty International a participé avec Jérôme Tubiana à l'élaboration du livre[18]. Le scénariste travaille en collaboration avec El-Gorani pour que chaque phrase de Guantánamo Kid corresponde à une citation exacte. Le dessinateur, Alexandre Franc, compte alors une dizaine de bandes dessinées à son actif[18]. Il emploie un « dessin en noir et blanc [...] volontairement épuré » pour rester aussi fidèle que possible à la réalité ; El-Gorani a examiné les planches pour vérifier leur exactitude[16].

Les annexes de l'ouvrage comportent un dossier documentaire sur la vie d'El-Gorani à Guantanamo et après sa libération[19].

En , Le Soir décerne à Alexandre Franc et Jérôme Tubiana le prix Atomium de la BD de reportage pour Guantánamo Kid[20].

Références modifier

  1. (en) William Glaberson et Charlie Savage, « Guantánamo Files: Secret Case Against Detainee Crumbles », The New York Times, (ISSN 0362-4331, consulté le )
  2. a b et c « Archived copy » [archive du ] (consulté le )
  3. OARDEC, « List of Individuals Detained by the Department of Defense at Guantanamo Bay, Cuba from January 2002 through May 15, 2006 » [PDF], département de la Défense des États-Unis, (consulté le )
  4. The New York Times, « Mohammed El Gharani - The Guantánamo Docket »
  5. Clive Stafford Smith, « Kids of Guantanamo » [archive du ], Reprieve via Cageprisoners, (consulté le )
  6. (en) Yassin Musharbash, « Accusations of Abuse. Guantanamo Prisoner Calls Al-Jazeera », Der Spiegel,‎ (lire en ligne)
  7. Reuters, « U.S. judge orders Chad citizen freed from Guantanamo »,
  8. The children of Guantanamo Bay « https://web.archive.org/web/20060602091855/http://news.independent.co.uk/world/americas/article620704.ece »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), , The Independent, May 28, 2006
  9. Guantanamo accusations questioned after review turns up basic errors « https://web.archive.org/web/20110116195557/http://jurist.law.pitt.edu/paperchase/2006/07/guantanamo-accusations-questioned.php »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), , The Jurist (en), July 14, 2006
  10. a b et c Factual errors cited in cases against detainees: Lawyers demand new trial system at Guantanamo, Boston Globe, July 14, 2006
  11. « Triple suicide at Guantanamo camp », BBC, (consulté le )
  12. Group Denounces U.S. Over Gitmo Suicides, Washington Post, September 28, 2006
  13. Lawyer for detainees speaks on suicides, Seattle Post-Intelligencer, 25 septembre 2006
  14. Andy Worthington, « When Guantanamo held children », Dailty Star,‎ (lire en ligne, consulté le )
  15. a et b Jérôme Tubiana, « Guantánamo : La vie d'après », Le Nouveau Magazine Littéraire, no 3,‎
  16. a b et c Célian Macé, « «Guantanamo Kid», maux pour maux », Libération,‎ (lire en ligne).
  17. a et b Baudouin Eschapasse et Jérôme Tubiana, « L'incroyable histoire de l'ado enfermé à Guantánamo », Le Point,‎ (lire en ligne)
  18. a et b David Barroux, « Guantánamo Kid », Les Échos,‎ (lire en ligne)
  19. Alain Haubruge, « Guantanamo Kid: this is not America! », BD Best,‎ (lire en ligne).
  20. La rédaction, « Le prix Atomium de la BD de reportage décerné à Guantanamo Kid », Le Soir,‎ (lire en ligne)

Annexes modifier

Bibliographie modifier

Liens externes modifier