Mayeux

personnification de la bourgeoisie des années 1830

Mayeux orthographié également Mahieux est un personnage comique imaginaire célèbre à Paris dans les années 1830.

Détail d'une planche gravée de la fabrique Pellerin à Épinal figurant des personnages typiques du Carnaval de Paris en 1841[1].

Histoire modifier

Il aurait été inventé en 1831 par le caricaturiste Traviès, inspiré par un certain Léclaire. Il s'agit selon Chateaubriand d'un bossu qui incarne toute la vulgarité et la versatilité politique de la bourgeoisie de l'époque[2].

Charles Baudelaire parle ainsi de Mayeux[3] :

Il ne faut pas oublier que Traviès est le créateur de Mayeux, ce type excentrique et vrai qui a tant amusé Paris. Mayeux est à lui comme Robert Macaire est à Daumier, comme M. Prudhomme est à Monnier. — En ce temps déjà lointain, il y avait à Paris une espèce de bouffon physionomane, nommé Léclaire, qui courait les guinguettes, les caveaux et les petits théâtres. Il faisait des têtes d’expression, et entre deux bougies il illuminait successivement sa figure de toutes les passions. C’était le cahier des Caractères des passions de M. Lebrun, peintre du roi. Cet homme, accident bouffon plus commun qu’on ne le suppose dans les castes excentriques, était très mélancolique et possédé de la rage de l’amitié. En dehors de ses études et de ses représentations grotesques, il passait son temps à chercher un ami, et, quand il avait bu, ses yeux pleuraient abondamment les larmes de la solitude. Cet infortuné possédait une telle puissance objective et une si grande aptitude à se grimer qu’il imitait à s’y méprendre la bosse, le front plissé d’un bossu, ses grandes pattes simiesques et son parler criard et baveux. Traviès le vit; on était encore en plein dans la grande ardeur patriotique de juillet ; une idée lumineuse s’abattit dans son cerveau; Mayeux fut créé, et pendant longtemps le turbulent Mayeux parla, cria, pérora, gesticula dans la mémoire du peuple parisien. Depuis lors on a reconnu que Mayeux existait, et l’on a cru que Traviès l’avait connu et copié. Il en a été ainsi de plusieurs autres créations populaires.

Après sa création, tous les grands caricaturistes parisiens de l'époque reprendront le personnage de Mayeux : Cham, Daumier, Delaporte, Grandville, Robillard

Une caricature de Cham faisant allusion à Mayeux montre au zoo un enfant encorné comiquement par un immense bovidé à bosse (sans doute un zébu). Sa mère s'étonne : « Pas possible ! il faut que tu lui aies dit quelque chose ? » et il répond : « Je l'ai appelé Mayeux [4]! ».

On retrouve vers 1830 « les deux Mayeux » parmi les personnages typiques du Carnaval de Paris.

Un article de la Gazette des Tribunaux traitant d'une affaire judiciaire en 1833 fait aussi allusion à Mayeux : « Vive la République ! Nom de D..., criait le à 7 heures du soir, le sieur Tailleur dont la double gibosité offre le type le plus complet du véritable Mayeux[5] ».

Balzac lui-même écrira pour La Caricature deux articles : « M. Mahieux en société » publié le sous le pseudonyme d'Eugène Moriseau et « M. Mahieux au bal de l'Opéra » publié le sous le pseudonyme d'Alfred Coudreaux.

En 1831 paraîtra anonymement à Paris une Histoire véritable, facétieuse, gaillarde, politique et complète de M. Mayeux ou Vie et aventures mémorables de ce célèbre et spirituel bossu...[6]

Le capitaine Louvet goguettier membre de la célèbre goguette de la Lice chansonnière a composé une chanson intitulée « Le citoyen Mayeux en 1848 »[7]. En 1848 fut composée une chanson intitulée « Pétition de Mayeux à la Société des Droits de l'Homme »[8].

Le journal hebdomadaire Du nouveau... Attention, nom de D... ! Mayeux, qu'il était censé rédiger, a paru du au .

Travaux de Claude Duneton au XXe siècle modifier

En 1984, Claude Duneton (1935-2012) écrit La Goguette et la gloire, autour du personnage du Bossu de Mayeux ; en 2015, Nicolas d'Estienne d'Orves dans le chapitre consacré à ce personnage, dans son Dictionnaire amoureux de Paris[9] relate l'histoire de ce bossu, en s'appuyant et en citant l'ouvrage de Claude Duneton. À la suite de la création de ce personnage, en 1832 sont publiées de façon anonyme Douze aventures érotiques du bossu Mayeux[10], qui seront censurées[9]. À la suite de ses propres travaux, Claude Duneton attribue l'ouvrage au poète et chansonnier Émile Debraux[9] (1796-1831). Il préface une nouvelle édition de ces Douze aventures érotiques du bossu Mayeux, publiée en 1995 aux éditions Les mille et une nuits, ouvrage dont la paternité est donc attribuée au chansonnier[11].

Bibliographie modifier

  • Claude Duneton, La Goguette et la gloire, Le Pré aux Clercs, 1984
  • Nicolas d'Estienne d'Orves, entrée « Bossu Mayeux » du Dictionnaire amoureux de Paris, Plon, 2015.
  • (en) Elizabeth Menon, « The Image that Speaks: The Significance of M. Mayeux in the Art and Litterature of the July Monarchy », dans Petra ten-Doesschate Chu et Gabriel P. Weisberg, The Popularization of Images : Visual Culture Under the July Monarchy, Princeton, Princeton University Press, .
  • (en) Elizabeth Menon, The Complete Mayeux: Use and Abuse of a French Icon, Berne, Peter Lang, .
  • Félix Meunié, Les Mayeux (1830-1850) : essai iconographique et bibliographique, Paris, Henri Leclerc, (lire en ligne).
  • (en) Amanda Peters, Introducing Monsieur Mayeux: The Hunchback of the July Monarchy, Ann Arbor, University of Michigan, (lire en ligne).

Notes et références modifier

  1. Détail d'une planche gravée de la fabrique Pellerin à Épinal : Scènes de Carnaval, gravure sur bois en couleurs, 1841, 41 x 32 cm.
  2. Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, Quatrième partie, Livre premier : Les caricaturistes et les petits journaux, en l’an de grâce 1831, avaient fait du bossu Mayeux le type grotesque de notre versatilité politique, et ils avaient mis sur son dos toutes les bévues, tous les ridicules du bourgeois de Paris, tel du moins qu’il leur plaisait de le voir. D’après eux, né le 14 juillet 1789, à Paris, pendant que son père était occupé à la prise de la Bastille, il s’était successivement appelé Messidor-Napoléon-Louis-Charles-Philippe Mayeux, selon les noms des divers régimes qu’il avait, tour à tour, épousés ou répudiés. Jusqu’en 1830, il n’avait pas fait beaucoup parler de lui, mais le soleil de Juillet l’avait enfin mis dans tout son jour. (…) Un jour, il fut, tout d’une voix, rayé des contrôles comme coupable de faire rire les bisets sous les armes. Il mourait de douleur et de honte, quelques semaines après, le 23 décembre 1831. Telle est du moins la date que nous donne M. Bazin dans son très spirituel chapitre sur Mayeux, un vrai bijou, et qui seul suffirait à sauver de l’oubli les deux piquants volumes publiés en 1833, sous ce titre : L’Époque sans nom, par le futur historien de Louis XIII et du cardinal Mazarin.
  3. Charles Baudelaire, De l’essence du rire et généralement du comique dans les arts plastiques, VII Quelques caricaturistes français, Carle Vernet — Pigal — Charlet – Daumier — Monnier — Grandville — Gavarni — Trimolet — Traviès — Jacque.
  4. L'esquisse préparatoire à cette caricature est visible sur « Internet »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?).
  5. La Gazette des Tribunaux no2338, 11-12 février 1833.
  6. Histoire véritable, facétieuse, gaillarde, politique et complète de M. Mayeux ou Vie et aventures mémorables de ce célèbre et spirituel bossu... par F. C. B*** Éditeur : Terry jeune (Paris) Date d'édition : 1831.
  7. Voir sur Internet : Le citoyen Mayeux en 1848
  8. Voir sur Internet la chanson « Pétition de Mayeux à la Société des Droits de l'Homme ».
  9. a b et c Nicolas d'Estienne d'Orves, entrée « Bossu de Mayeux » du Dictionnaire amoureux de Paris, Plon, 2015.
  10. Texte en ligne, , 67 p.       (Wikisource)
  11. Fiche SUDOC de l'ouvrage publié en 1995, avec Émile Debraux comme auteur.

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