Le Bourg-l'Abbaye

Ancienne commune du Loiret

Le Bourg-l'Abbaye, nommée parfois Le Bourg-l'Abbaye-lez-Pithiviers, est une ancienne commune du département du Loiret, absorbée par Pithiviers, le .

Histoire modifier

Ce bourg se forma près de l’église consacrée à la Vierge et aux apôtres Pierre et Paul. Ce prieuré clunisien s’appelait communément Saint-Pierre du Bourg-l’Abbaye[1] ; son prieur était seigneur féodal de la paroisse. Il fut fondé en 1070 par la famille seigneuriale de Pithiviers, pour se faire pardonner divers péchés, en premier lieu celui de simonie pour Haldéric de Pithiviers, évêque d'Orléans.

En 1763, Jean-Joseph Expilly indique : « BOURG-L'ABBAYE, dans l'Orléanois-Propre , Diocèse & Intendance d'Orléans , Parlement de Paris , Élection de Pithiviers. On y compte 19. feux. Cette Communauté n'est séparée de celle de Pithiviers , que par la rivière d'Œuf[2]. »

En , l'Assemblée nationale vend à la municipalité du Bourg-l'Abbaye des biens nationaux (probablement le prieuré ou ce qu'il en reste) pour la somme de 30 688 livres & 7 sous[3].

En nivôse an II (1793), elle prend le nom révolutionnaire de Bourg-Bon-Accord.

Géographie modifier

Le domaine était situé au Petit-Senyves, entre Pithiviers et Dadonville; un précepte royal, du , indique que l'église est située au-dessus du Gué de l'Essonne[4] ; une charte donnée en 1092 précise que l'église se trouve à la tête du pont, le premier pont de l'Abbaye donc.

 
Plan de la commune de Bourg l'Abbaye en 1810 (la parcelle du prieuré est numérotée 66 et les vestiges du prieuré portent le n°65)

Elle était une des plus petites communes de France en superficie : 13 ha 51 ares.

Sa position topographique correspond à la partie du territoire de Pithiviers compris entre la rivière Œuf et la limite communale avec Dadonville. 48° 10′ 01″ N, 2° 15′ 30″ E.

Prieuré St-Pierre : fondation, essor et fin du prieuré modifier

La Fondation

Plusieurs chartes de l'abbaye de Cluny[5] nous permettent de retracer les prémices de la création du prieuré Saint Pierre de Pithiviers. Tout semble partir d'un don d'Oldéric (Ouldaricus), chevalier du château de Pithiviers et neveu d'Hadéric (Ayricus), évêque d’Orléans, à la communauté des frères de Cluny. Entre 1063-1067[6], celui-ci décide d'abandonner les coutumes qu'il possédait sur un alleu situé à Senives[7] (Sine Aquis).

Vers 1070[8], ce premier don à la communauté de Cluny s'accompagne d'un autre plus important. Les seigneurs de Pithiviers[9], soucieux du rachat de leurs péchés et de ceux de leurs ancêtres, décident de céder un domaine situé à Senives entre Pithiviers et Dadonville (inter Pitueris castrum et Dadonis villam) ainsi que des terres à Guignonville[10] (Guagnoni villam). Hadéric, ancien évêque d'Orléans, cède également des alleux dont la liste sera détaillée en 1080 lors de la confirmation des donations[11]. L'évêque d’Orléans, Raynier de Flandres, profita de cette donation pour consacrer un cimetière sur les terres de Senives et y poser la première pierre d'une église, la future église prieurale. L'ensemble fut probablement enclos derrière un mur.

Ces donations furent confirmées par un précepte royal accordé par Philippe 1er et daté du [12]. L'église est alors placée sous le vocable de la Vierge (ecclesia sancta Maria de Pitueris).

Dans une chartes de 1092[13], l'église est dite « donnée à Dieu et à Saint Pierre de Cluny ». C’est ce dernier patronage qui restera par la suite pour désigner le prieuré clunisien de Pithiviers. L'église paraît être alors à même d'accueillir les célébrations de l'office divin. Le personnel officiant pourrait donc déjà être formé par un embryon de communauté monastique issue du chapitre de Cluny. En tout cas, il ne peut s'agir de religieux de Pithiviers puisque cette charte instaure des libertés de l'église de Senives par rapport au diocèse et impose que l'office divin n'y soit célébré que pour les seuls habitants de ce lieu. Cette liberté vis-à-vis de l'église Sainte Croix d'Orléans sera sujette à de nombreux litiges par la suite, provoquant des conflits de juridiction entre l'évêque d'Orléans et le prieur de Saint Pierre de Pithiviers.

Il est difficile de dater précisément l’installation définitive des moines mais une charte d’[14] confirme, par la voix du roi louis VI, les libertés accordées aux moines clunisiens résidant « de l'autre côté du pont de Pithiviers »[15]. L'église y est placée sous les vocables de la Vierge et des Bienheureux Apôtres Pierre et Paul, protecteurs du domaine de Cluny. Une autre charte octroyée au mois de décembre de la même année[16] confirme une nouvelle fois (mais pas au nom de Jean, évêque d'Orléans) aux moines de l'église « Saint Pierre de Pithiviers » les privilèges qu'ils avaient reçus.

Essor et difficultés du prieuré

Pendant le XIIe siècle, le prieuré Saint Pierre de Pithiviers, possession de l'abbaye mère de Cluny et protégé par le roi de France, connaît, semble-t-il, une période florissante. La petite communauté de moines vit honnêtement des terres qui lui furent allouées dès l'origine et des autres donations qui vinrent s'y ajouter. Ainsi, en 1130[17], Louis VI confirmait les donations faites au prieuré par le chevalier Gilbert l’Étranglé (Gilbertus Strangulatus) de ses alleux de Verrine[18] (Vesinis).

En 1131[19], la sagesse des moines de Saint Pierre leur valut probablement d'être choisis pour être médiateurs dan un conflit qui opposait l'abbaye de la Sainte Trinité du Tiron-au-Perche et son prieuré Saint Laurent de Mareau-aux-Bois au seigneur Simon, fils de Béroard de Pithiviers. Les pourparlers eurent lieu au prieuré Saint Pierre. L'un d’eux, Guy de Pithiviers, fut secrétaire de Pierre le Vénérable à Cluny au XIIe siècle.

Parmi les maigres sources écrites pouvant fournir quelques informations sur l'histoire du prieuré à l'époque médiévale, il existe des séries de chapitres généraux et de visites[20] effectuées par l'ordre de Cluny. Ainsi apprend-on d'une visite faite en 1289[21] que deux moines (socii) et un prieur occupaient les lieux. Cet effectif sera constant par la suite. Les visiteurs notèrent laconiquement que « la maison était dans un bon état spirituel et temporel ».

La prospérité, même modeste, de l'établissement due à ses privilèges et aux revenus de ses terres, suscita quelques convoitise et le rapport d'une visite effectuée le [22] en donne une illustration. Le prieur dut défendre énergiquement les droits de l'église[23] et s'opposer fermement aux prétentions de la reine Clémence, veuve du roi Louis X, qui réclamait la garde du prieuré Saint Pierre[24]. Ses prétentions s'appuyaient sur l'assignation d'une partie de son douaire sur le prieuré. Le prieur refusa et un procès eut lieu devant le Parlement de Paris en présence du roi Philippe V à qui fut confirmée la garde du prieuré Saint Pierre.

Le prieur paraît devoir lutter également contre les prétentions de l'évêque d'Orléans, comme le signale brièvement la fin de la visite. Des différends au sujet de la juridiction du prieuré[25] l'opposeront régulièrement au diocèse[26], mais aussi plus largement, à des « personnes puissantes »[27].

Certains prieurs de la première moitié du XIVe siècle paraissent négliger l’état des bâtiments et contractent des dettes de plus en plus importantes. Le constat est invariablement fait lors des visites et des chapitres généraux. Tantôt il s'agit de reconstruire la grange en ruine[28], tantôt de réparer le cloître et de refaire une partie de la couverture de l'église[29]. Le manque de livres et d'ornements est régulièrement déploré par les visiteurs et les moines n'hésitent pas à exposer auprès d'eux leurs griefs vis-à-vis du prieuré[30].

Enfin, la gestion de l'établissement monastique paraît retrouver un état satisfaisant au milieu du XIVe siècle. Le chapitre général de 1357[31] se contente alors de compter le prieuré Saint Pierre de Pithiviers parmi d'autres établissements « bien régis ».

Peu de sources nous renseignent sur le bas Moyen-Age et sur la période moderne de l'histoire du prieuré. L'établissement fut, semble-t-il, pillé par une bande conduite par un certain Ruffin en 1357[32]. Nous ne possédons pas d'information majeure jusqu'à l'époque des guerres de religion qui paraissent avoir provoqué d'importants dégâts[33] sur le prieuré. Au cours du XVIe siècle, à une date qu'il est difficile de préciser, le prieuré entre dans le régime de la commende. Cette pratique précipita la ruine du prieuré Saint Pierre à l'instar de beaucoup d'autres établissements monastiques du royaume.

Pour exemple, nous citerons le cas le plus éloquent qu'ils nous aient été permis de retrouver parmi les registres d'aveux du prieuré[34], celui d’Édouard de Coplay (également orthographié Copelet). Devenu prieur commendataire de Saint Pierre en 1733, Édouard de Coplay vit au prieuré avec son frère aîné et la femme de celui-ci. Le , une information judiciaire est ouverte à l'encontre du sieur de Coplay par Bernard Cathala, lieutenant de police du bailliage d'Yèvre-le-Châtel. Les raisons qui président à cette information sont clairement énumérées par la suite. Le prieur est accusé de faire « des dégradations considérables voire même [sic] des démolitions aux bâtiments du prieuré […] et entre autres à l'église dont le vaisseau d'une très belle architecture et d'une fort grande élévation, aurait d'autant plus mérité d'être conservé qu'il y a peu d'années qu'on y célébrait la sainte messe ». Il semble donc que l'office n'était plus célébré depuis quelque temps dans l'église du prieuré. Le document ne fait pas non plus état de la présence d'un ou de plusieurs moines. Le lieutenant de police Cathala décide de se rendre le jour même à deux heures au prieuré pour faire les constatations nécessaires. Un état des lieux complet et accablant est dressé. Le prieur sera convoqué par le lieutenant Cathala et on peut supposer que des sanctions, dont nous ignorons tout, furent prises.

La fin du prieuré

 
Vestiges du Prieuré St Pierre

A la veille de la Révolution, le prieuré ne comptait plus qu'un seul moine[35]. La messe était dite deux fois par semaine dans le chœur conservé de l'église.

Le , la vente des biens du prieuré vit M. Pierre Lejeune de Bellecour, se porter acquéreur de la maison, c'est-à-dire de l'église du prieuré en grande partie démolie et réhabilitée. Le 26 ventôse an VI (), il vendit son bien à Claude et Anne Moreau.

La famille Pointeau-Bazinville acheta la maison le et le terrain de l’ancienne église[36] le .

Le , Charles Marcille, cultivateur à Lisses (91), racheta la propriété mais la revendit dès le mois de janvier suivant à Maxime Étienne Francheterre, marchand de laine à Pithiviers. Le nouveau propriétaire procédera à des modifications du terrain situé au nord de l'église en faisant bâtir plusieurs murs de séparation et de terrassement. Ces délimitations sont celles qui existent aujourd'hui.

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Articles connexes modifier

Liens externes modifier

Notes et références modifier

  1. Ce prieuré possédait un domaine à Guignonville — cf : Max Poitel, Archives de pierres du Canton d'Outarville, Loiret (Époque gallo-romaine et Moyen Âge), in Revue archéologique du Centre, 1966, volume 5, n° 1, p. 46 [1]
  2. Jean-Joseph Expilly, Dictionnaire géographique, historique et politique des Gaules et de la France, Paris, 1763, vol.1, p.477 [2]
  3. Décret portant vente de domaines nationaux à la Municipalité de Bourg l'Abbaye pour la somme de 30,688 l. 7 sols - Du 20 Décembre 1790 Séance du soir, dans Collection générale des décrets rendus par l'Assemblée Nationale, Paris : Baudoin, décembre 1790, p.241 [3]
  4. L'Essonne et l'Œuf sont une seule et même rivière
  5. Ces chartes ont été publiées par Alexandre Bruel dans Recueil des chartes de l'abbaye de Cluny, Paris, 1976. Les numéros que nous donnerons en référence des chartes citées correspondent à la numérotation utilisée dans cet ouvrage.
  6. Charte 3398. Les termini post et antequem de l'écriture de cette charte sont donnés par la mention d'Hadéric de Broyes comme évêque d'Orléans, charge qu'il occupa de 1063 à 1067 avant d'être destitué pour crime de simonie (cf Gallia christiana, t. VIII, pr. c.495)
  7. Il s'agit ici du Petit-Senives à ne pas confondre avec le Grand-Senives situé au nord de Pithiviers.
  8. Charte 3438. Le roi Philippe 1er ordonna la rédaction de cette charte
  9. La famille de Pithiviers compte alors les seigneurs temporels et des membres titulaires, ou anciens titulaires, de charge ecclésiastiques. Parmi eux, Guy (Wido), surnommé le large, son fils Thibault, ses neveux Oldoric et Gauthier, Hadéric (Hadéricus), ancien évêque d'Orléans (Cf. note 7) son frère Isembard (Hysimbardus), et son neveu Guy, abbé du Mooutier-Neuf Saint-Jean de Poitiers, qui conseilla cette donation
  10. Des bornes portant des motifs sculptés représentant une crosse abbatiale sur une face et deux clefs entrecroisées sur l'autre, symbole du prieuré Saint-Pierre de Pithiviers, ont été retrouvées sur la commune de Grenneville, en bordure de la commune de Guignonville, lors d'opérations de remembrement. Six d'entre elles furent acquises en 1961 par le Docteur Max Poitel auprès de divers propriétaires. La collection archéologique du Docteur Poitel fut achetée par la commune d'Outarville en 2003
  11. Il s'agit de sa maison d'Orléans et de tout ce qu'elle contient, d'une partie de son alleu de Monte Barresto (Montbarrois, à 23KM au sud-est de Pithiviers) et de tous ses autres alleux (cf. charte 3552)
  12. Charte 3552
  13. Charte 3664. Cette charte exempte l'église des coutumes envers l'église Sainte Croix d'Orléans. L'évêque d’Orléans Jean impose la liberté de l'église notamment vis-à-vis des habitants de Pithiviers. C'est la naissance d'un bourg à part entière de Pithiviers et qui deviendra plus tard le Bourg l'Abbaye. Cette charte est donc la dernière à désigner l'église de Senives comme Ecclesia Pithuerensis castri.
  14. Charte 3905
  15. Il s'agit du pont qui enjambait l'Essonne
  16. Charte 3907
  17. Charte 4011
  18. Village dépendant de la commune de Bouille-en-Gâtinais situé à une dizaine de kilomètres au sud de Pithiviers
  19. Charte CLX
  20. La publication de Dom Gaston Charvin, Statuts, chapitres généraux et visites de l'ordre de Cluny, Paris 1965-1982, 10 vol., servira de référence pour les diverses mentions de chapitres et visites relatives au prieuré Saint Pierre qui suivront.
  21. Charvin, t. I, p.455
  22. Charvin, t. II, p.439
  23. Selon les termes de la visite : « Jura ecclesie viriliter defenduntur »
  24. La reine Clémence avant les mêmes prétentions à Yèvre-le-Châtel avec la condition exigée par Philippe V, frère de Louis X, que cette dernière versa à la cathédrale d'Orléans une « gouttière » de 213 livres (remplace en 1440 par une indemnité (AH) »
  25. Le cas est signalé dans une visite de 1330. Charvin, t. III, p.101.
  26. Les lites contra episcopum Aurelianensem sont de nouveau évoqués lors d'un chapitre général en 1327 (Charvin, t. III, p.247) et des procès concernant la juridiction sont mentionnés en 1339 (Charvin, t. III, p.269) et 1358 (Charvin, t.III, p.509). La censive du prieuré venait butter contre celles de l'évêque d'Orléans et des chamoines de la collégiale Saint Georges. Les bornes marquant ces limites de juridictions étaient rassemblées à Pithiviers sur la place des Bornes (aujourd'hui place du Général De Gaulle). En 1280, un acte du Parlement de Paris restreint la justice du prieuré au seul Bourg-l'Abbaye. Ceci n'empêchera pas les litiges avec l'évêché.
  27. « potentes personnas » lors d'un chapitre général en 1336. Charvin, t. III, p.214
  28. En 1330, 1331, 1337 et 1339 (Charvin, t. III, p.101, 118, 247 et 269)
  29. En 1334 et 1337 (Charvin, t. III, p.160, 172 et 247)
  30. Charvin, t. III, p.247
  31. Charvin, t. III, p.501
  32. Événement cité dans divers écrits historiques par Jacques Charles. La source n'est jamais mentionnée.
  33. Un acte du 19 février 1596 de Me Gaudin, notaire, mentionne les travaux de réparation commandés par Antoine Bochetel, seigneur de Mametz, commendataire du Petit-Citeaux, chanoine de Bourges et prieur de l'Abbaye de Saint-Pierre, à François Catherine, charpentier.
  34. Registre d'aveux du prieuré cité dans un article de Julien Houdas (sous le pseudonyme d'Hector de Loury), paru dans l'Echo de Pithiviers le 22/11/1986.
  35. D'après Jacques Charles. La source n'est pas connue.
  36. Il s'agit de l'église Notre-Dame démolie en 1811