Lê Quốc Túy, né le dans la province de Ninh Bình et mort le à Paris est le cofondateur et président en France du Front unifié des forces patriotiques de libération du Viêt Nam (en vietnamien Mặt trận Thống nhất các Lực lượng Yêu nước Giải phóng Việt Nam), l'un des principaux mouvements de résistance armée du Sud Viêt Nam, dont le but était de renverser le pouvoir communiste Vietnamien mise en place à la suite de la chute de Saïgon, en , qui marque la fin de la guerre du Viêt Nam[1].

Lê Quốc Túy
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Biographie
Naissance

An Binh
Décès
(à 54 ans)
Paris
Nom de naissance
Lê Quốc Túy
Nationalité
Française
Activité
Fratrie
Lê Quốc Quân

Il est décédé à Paris, à la Pitié Salpêtrière, le , des suites d'une rupture d'anévrisme.

Biographie modifier

Lê Quốc Túy est né le dans la province d'An Bình[2],[3],[4]. Il passe son enfance dans le Sud Viêt Nam avant de se porter volontaire pour rejoindre l'Armée de l'air Vietnamienne en tant que pilote (1953-1958)[5]. Il acquiert la nationalité Française en . De fin 1963 à 1964, il réside à Phnom Penh, au Cambodge, où il représente une agence de l'ONU. Il part vivre en France en 1965, où il intègre la société Lustucru.

Création du Front unifié des forces patriotiques de libération du Sud Viêt Nam modifier

Après la chute de Saïgon le , Lê Quốc Túy décide lors d'une réunion en à Đồng Tháp Mười (vi) de fonder, avec Mai Văn Hạnh, également ancien pilote de l'air, le Front unifié des forces patriotiques de libération du Sud Viêt Nam, qui a pour but de renverser le pouvoir communiste Vietnamien mis en place après la fin de la guerre du Viêt Nam. Une conférence de presse est organisée le à l'hôtel Méridien à Paris pour annoncer publiquement la création du Front devant un parterre de 300 journalistes et Vietnamiens exilés en France[6]. Lê Quốc Túy et Mai Văn Hạnh sont tous deux des proches de Trần Văn Hữu, ancien Premier ministre du Viêt Nam au début des années 1950 alors que le pays est alors dirigé par l'empereur Bảo Đại.

C'est à partir de cette date que Lê Quốc Túy établit le plan Hong Kong qui a pour but d'infiltrer puis d'envahir le Viêt Nam par la mer. Ce plan prévoit trois phases[7]. La phase 1 (1977-1980) vise à mobiliser le financement nécessaire aux activités du Front, notamment auprès du gouvernement Reagan aux États-Unis et de la Chine, ainsi que d'obtenir le soutien logistique indispensable qui permettra d'entrer en territoire Vietnamien par le sud, notamment depuis la Thaïlande[8],[9]. Des contacts seront également établis avec la CIA. La phase 2 (1980-1984) est principalement dédiée à l'infiltration de personnes, d'armes, de véhicules, à la mise en place de bases opérationnelles et à la mobilisation de supports locaux au sein même du Viêt Nam. La phase 3 (à partir de 1985) consiste à passer à la résistance armée et à prendre le pouvoir au sein de chacune des régions du Viêt Nam afin de provoquer une rébellion de masse et le renversement du gouvernement communiste en place.

CM12 : L'opération de contre-espionnage la plus illustre de la Sécurité intérieure Vietnamienne modifier

En réaction aux activités du Front, le gouvernement communiste Vietnamien lance en le plan CM12, pour Cà Mau, ville située au Sud Ouest de Saïgon, , date à laquelle des espions du gouvernement communiste Vietnamien découvrent pour la première fois l'existence des activités du Front. Le plan CM12 est l'une des opérations de contre-espionnage les plus illustres de toute l'histoire de la sécurité intérieure Vietnamienne. Ce plan a pour objectif d'attirer et de capturer au Viêt Nam l'ensemble des forces du Front codirigé par Lê Quốc Túy et Mai Văn Hạn, en infiltrant des espions dans les rangs du Front, à la tête desquels figure le colonel Trần Phương, chef des forces de police du contre-espionnage de la province de Minh Hải, secondé par Muoi Lam, un Vietnamien familier de la région de Cà Mau[10].

Ce plan dure de 1981 à 1988[11]. Un monument a été inauguré le sur l'île de Đà Bắc dans la province de Cà Mau par le gouvernement communiste Vietnamien en hommage à cette opération[12]. Une série télévisée en vingt épisodes, Le jeu de la vie et de la mort, a également été réalisée en 2018 par Nguyễn Anh Dũng, à partir du roman Quiet Night de l'écrivain Hữu Mai (en)[13].

Le procès médiatique de Hô-Chi-Minh-Ville modifier

Le , alors que le plan Hong Kong est entré dans sa troisième phase et opère sa dixième incursion au sein du territoire Vietnamien par Cà Mau, une vaste opération de balayage du plan de contre-espionnage CM12 du gouvernement communiste Vietnamien aboutit à l’arrestation de 21 personnes du Front, à la révélation des noms de 148 résistants, à la saisie de plus de 300 tonnes d’armes et de munitions, ainsi que de 14 tonnes de faux billets de banque Vietnamiens[14],[15],[16]. Au total, le Front compterait dans ses rangs plus de 2 000 combattants localisés le long de la frontière entre le Cambodge et le Viêt Nam[17].

Le , un procès public, médiatisé à l'étranger, notamment en France et aux États-Unis, s'ouvre au sein du Théâtre municipal de Hô Chi Minh ville[18],[19],[20]. Mai Văn Hạn (56 ans) fait partie des accusés aux côtés de quatre autres figures majeures du Front : Trần Văn Bá (39 ans), Lê Quốc Quân (43 ans), le frère cadet de Lê Quốc Túy, Hồ Thái Bạch (58 ans) et Huỳnh Vĩnh Sanh (63 ans)[21],[22].

Lê Quốc Túy ne fait pas partie des détenus, n'ayant pu se déplacer au Viêt Nam pour cette dixième incursion dans le Sud pour des raisons de santé. Lê Quôc Túy souffre alors d'une grave maladie du rein. À l'issue de ce procès, qui dure cinq jours, les cinq principaux accusés, détenus au sein de la prison T-82 du Département général de contre-espionnage du Ministère de l'intérieur Vietnamien, sont condamnés à la peine de mort[23]. Trois autres, Trần Nguyên Hùng (47 ans), To Van Huon (33 ans) et Hoàng Đình Mỹ (43 ans) sont condamnés à la prison à perpétuité. Les treize autres résistants sont frappés de peines allant de huit à vingt ans de détention[24],[25].

Condamnations à la peine capitale modifier

Afin de sensibiliser l'opinion internationale au sort des résistants détenus, dont Mai Văn Hạn et Huỳnh Vĩnh Sanh, qui sont de nationalité Française, Lê Quốc Túy, organise une conférence de presse à Paris le à laquelle sont invités les médias Français et internationaux. Le premier ministre Laurent Fabius, le ministre des relations extérieures Roland Dumas et le président de l'assemblée nationale Louis Mermaz interviennent au nom des cinq condamnés à mort. Ils réussissent à sauver Mai Văn Hạn et Huỳnh Vĩnh Sanh de la peine capitale[26],[27],[28],[29]. Malgré leurs efforts de négociations auprès du gouvernement communiste Vietnamien, le Quai d'Orsay apprend le que Trần Văn Bá, Lê Quốc Quân et Hồ Thái Bạch ont été fusillés[30].

La défaite de Cà Mau ne décourage pas Lê Quốc Túy qui projette de poursuivre le combat. Mais il meurt le à Paris, des suites d'une rupture d'anévrisme. Avec lui disparaît le Front unifié des forces patriotiques de libération du Sud Viêt Nam, devenu entre temps le Front unifié des forces patriotiques de libération du Viêt Nam.

Après vingt-et-une années passées en prison, le cofondateur du front, Mai Văn Hạn, est libéré le . Huỳnh Vĩnh Sanh est libéré le , après avoir passé trente-trois ans en détention dans les prisons Vietnamiennes[31].

Notes et références modifier

  1. (en) Chyatat Supachalasai, Theorising the Politics of Survivors: Memory, Trauma, and Subjectivity in International Politics, Department of International Politics Aberystwyth University, , 352 p. (lire en ligne), p.83
  2. (vi) « Livre d'histoire et de politique: Le front de Le Quoc Tuy », sur Tam Dao, pham hoang tung (consulté le ).
  3. (vi) « Conférence de presse historique Le Quoc Tuy en 1984 », sur Tin Paris (consulté le ).
  4. (vi) « Conférence de presse historique Le Quoc Tuy en 1985 », sur Tin Paris (consulté le ).
  5. (vi) « Les secrets d'une campagne de contre-espionnage (2e partie) », Nguyen Tan Dung,‎ (lire en ligne)
  6. (en) Assoc. Prof. Carlyle A. Thayer, « Correction: Mai Van Hanh/Tran Van Ba Group/NUF », sur LinkedIn, (consulté le ).
  7. (vi) « Les secrets d'une campagne de contre-espionnage (6e partie) », Nguyen Tan Dung,‎ (lire en ligne)
  8. (en) Le Kim Chung, Communiqué by the Viet Nam Commission for investigation of the Chinese expansionists and hegemonists crimes on Chinese var crimes against Viet Nam in 1984, United Nations, 4 p. (lire en ligne), p.3
  9. (vi) « Document de la Maison Blanche : Apprendre la théorie de Reagan ou Stratégie de libération avec les Combattants de la liberté », Tin Paris (consulté le ).
  10. (vi) Lao Dong, « Victoire du général major Ho Viet Lam: Ramener les coprésidents dans le pays et les relâcher », Tran Dai Quang,‎ (lire en ligne)
  11. (vi) Duc Cuong, « Sans parler des situations inattendues dans le plan de contre-espionnage CM 12 », Tin Tuc Mien Tay,‎ (lire en ligne)
  12. (en) « Ca Mau Province Tourism Information and Promotion center »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur en.camautourism.vn, (consulté le ).
  13. (vi) « L'illustre projet CM12 est présenté dans le Jeu de la mort et de la mort », The Gioi Tre, (consulté le ).
  14. (vi) « Les secrets d'une campagne de contre-espionnage (1re partie) », Nguyen Tan Dung,‎ (lire en ligne)
  15. (en) Rolf Dammann, « Resistance in Vietnam », Commentary Magazine,‎ (lire en ligne)
  16. (en) Human Rights Council, Report of the Special Rapporteur on independence of judges and lawyers, Gabriela Carina Knaul de Albuquerque e Silva, Nations Unies, , 177 p. (lire en ligne), p.170
  17. (en) Bob Schwartz, « Vietnamese Rebel Leader Promises to Spare No Effort to Rescue U.S. MIAs », Los Angeles Times,‎ (lire en ligne)
  18. « Vive émotion à Paris après l'exécution des trois condamnés », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  19. (en) Assoc. Prof. Carlyle A. Thayer, « Correction: Mai Van Hanh/Tran Van Ba Group/NUF », sur LinkedIn, (consulté le ).
  20. « Dossier : la question Vietnam / Cambodge, Soir 3, le journal de 20 h », sur ina.fr, INA, (consulté le ).
  21. « Cinq condamnations à mort au procès d'espionnage d'Ho-Chi-Minh-Ville », Le Monde Diplomatique,‎ (lire en ligne)
  22. (en) Justin Wintle, Romancing Vietnam: Inside the Boat Country, Pantheon, , 449 p. (lire en ligne), p. 352
  23. (en) Stanley M. Moskowitz, Ministries of Interior and National Defense, Prisons and Interrogation facilities, Ho Chi Minh City Area, CIA, , 431 p. (lire en ligne), p.9
  24. (vi) Dr Duong Thanh Bieu, « Cas d'espionnage et cours de vigilance », Kiemsat Online,‎ (lire en ligne)
  25. « La Télévision a présenté les deux condamnés à mort graciés », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  26. (en) Barbara Crossette, « Hanoï commutes sentence for 2 in treason case », New York Times,‎ (lire en ligne)
  27. (en) William Branigin, « Vietnamese Shelling Halts Cambodians' Push », Washington Post,‎ (lire en ligne)
  28. Assemblée Nationale, Questions écrites remises à la présidence de l'Assemblée nationale et réponses des ministres, Journal Officiel, , 189 p. (lire en ligne), p. 60
  29. « Français prisonniers au Vietnam, Antenne 2, le journal de 20h », sur ina.fr, INA, (consulté le ).
  30. « 1er-10 janvier 1985 Vietnam. Verdict du procès d'Hô Chi Minh-Ville », Encyclopædia Universalis,‎ (lire en ligne)
  31. (vi) « Les prisonniers sont libérés après 33 ans », BBC,‎ (lire en ligne)

Liens externes modifier