Histoire de Jules César

œuvre littéraire

Histoire de Jules César est un ouvrage voulu et signé par Napoléon III. Inachevé, l'empereur n'en a signé que les deux premiers volumes : le premier en 1865 et le second en 1866. Le premier volume remonte aux origines de Rome et s'achève au premier consulat de César en Le second volume s'ouvre sur le proconsulat de César, raconte la conquête du territoire gaulois et se clôt sur le passage du Rubicon en La troisième partie, publiée en deux tomes, a été achevée par Eugène Stoffel en 1887.

Couverture du premier volume (exemplaire du musée d'Archéologie nationale).

Description modifier

Premier volume modifier

Le premier volume de l'Histoire de Jules César est consacré à l'histoire de Rome depuis sa fondation jusqu'au consulat de Jules César et Bibulus en Il est divisé en deux livres. Le premier, intitulé Temps de Rome antérieurs à César, comporte six chapitres et se clôt sur les effets de la dictature de Sylla. Le second, intitulé Histoire de Jules César, retrace la vie de César avant son proconsulat des Gaules[1].

Deuxième volume modifier

Le deuxième volume est consacré à la guerre des Gaules. Il est divisé en deux livres. Le premier, ou Livre Troisième, est intitulé Guerre des Gaules d'après les Commentaires. Il appuie chacun des chapitres sur les différents livres qui composent les Commentaires sur la Guerre des Gaules. Napoléon III mentionne les fouilles opérées à Alise-Sainte-Reine et au Puy d'Issolud pour appuyer son commentaire du texte de César. Pour autant, ces chapitres ne semblent pas rendre compte fidèlement des travaux menées sur le terrain, n'offrant qu'une vision partielle des découvertes effectuées[2]. Le second, ou Livre Quatrième, est nommé Résumé de la guerre des Gaules et récit des évènements de Rome de 696 à 705[3] : il replace la guerre des Gaules dans le contexte politique et historique de Rome à la même période[4].

Troisième volume modifier

Le troisième volume est l’œuvre d'Eugène Stoffel, qui achève ainsi l'entreprise abandonnée par l'empereur à partir des premières difficultés du régime, à la fin des années 1860[5]. Ce volume est divisé en deux tomes, et accompagné d'un volume annexe comprenant les planches. Le premier tome s'ouvre sur le franchissement du Rubicon en et s'achève sur la bataille de Dyrrachium. Il comporte également une série de chapitres thématiques portant sur différents points techniques, comme « De la portée des balistes » ou « Tableau de distances pour l'intelligence de la guerre d'Espagne[6] ». Le second tome reprend au début du mois de et se termine par le récit de l'assassinat de Jules César. Là encore, une série de remarques générales et d'appendices ferment le tome[7].

Genèse modifier

Un projet impérial modifier

L'Histoire de Jules César est issue d'un intérêt de longue date de Napoléon III pour ce personnage. Pour autant, le projet ne débute réellement qu'en 1858 avec la création de la Commission de topographie des Gaules.

Par cette démarche qu'il veut être celle d'un historien[8], il cherche à confronter les écrits de Jules César aux données archéologiques[9]. Il s'entoure d'un grand nombre de savants, d'officiers et ingénieurs[10]. Ainsi, Félicien de Saulcy, numismate, est nommé président de la Commission de topographie des Gaules. Alfred Maury, érudit nommé en 1860 bibliothécaire de la Bibliothèque des Tuileries, est secrétaire de cette nouvelle commission. Prosper Mérimée, Léon Renier et Georges Perrot participent également aux travaux préparatoires.

Travaux préparatoires modifier

Pour préparer la rédaction de cette œuvre, l'empereur ordonne la réalisation de travaux de cartographie et de fouilles archéologiques confiées à la Commission de topographie des Gaules. Les premières fouilles du site d'Alésia sont ainsi commencées à cette occasion, et débutent en 1861[2]. Napoléon III retire la responsabilité des fouilles d'Alise-Sainte-Reine au général Casimir Creuly, Alexandre Bertrand et Félicien de Saulcy, membres de cette commission. Il en confie la charge au colonel Eugène Stoffel, officier d'ordonnance de l'empereur[11],[12].

Il fait également appel à Urbain Le Verrier, directeur de l'Observatoire impérial, pour mener des travaux de concordance entre les calendriers julien et grégorien, pour les dates figurant dans les Commentaires sur la guerre des Gaules[13]. Pour reconstituer les grandes batailles de la guerre des Gaules, et notamment Alésia, Napoléon III fait aussi appel à Verchère de Reffye, général d'artillerie, qui développe les premières méthodes d'archéologie expérimentale et fait reconstituer, dans ses ateliers de Meudon, balistes et catapultes, conservées au musée d'Archéologie nationale[14].

La rédaction modifier

Une œuvre collective modifier

Si l'empereur rédige lui-même les deux premiers volumes publiés, l'ouvrage n'en reste pas moins une œuvre collective. Non seulement le texte s'appuie sur les travaux préparatoires menés par des collaborateurs, mais il intègre aussi des cartes réalisées dans le cadre de la Commission de topographie des Gaules. Par ailleurs, l'ensemble des textes semble avoir été relu par Alfred Maury, secrétaire de cette même commission et professeur au Collège de France[15],[16]. Philippe de Chennevières, historien de l'art, qualifie Maury de « dictionnaire vivant de l'empereur pour sa Vie de César[17] ».

Néanmoins, si l'identité de l’auteur est connue de tous, le premier volume paraît sans indication de l'auteur[18]. Napoléon III signe en effet seulement la préface[19].

Une œuvre inachevée modifier

Les difficultés que connaît le régime à la fin des années 1860 freinent l'entreprise impériale, la guerre de 1870 y met un terme. Seuls deux volumes ont alors paru, mais Eugène Stoffel, envoyé à Berlin dès 1866 par l'empereur pour rassembler « les matériaux nécessaires à l'achèvement de l'ouvrage impérial[20] », prend l'initiative de poursuivre les recherches et de rédiger un troisième et dernier volume[5].

Réception modifier

En Angleterre, où une traduction parut dès 1865 chez Cassell[21], l'ouvrage suscita un vif intérêt, non en tant qu'étude historique originale, mais en tant qu'affirmation symbolique des ambitions nationales et impérialistes du chef de l'État français. Des États-Unis à la Prusse, l'ouvrage suscita des réactions nationalistes[22]. Ainsi, pour le journaliste W. Bagehot[23], « Jules César fut le premier à tenter d'inscrire dans l'empire les traits caractéristiques de l'empire français, tout comme le premier Napoléon les fit revivre, ou comme Napoléon III les a consolidés. »

Zola consacre à l'ouvrage un article détaillé paru en 1866 dans Mes Haines.

Notes et références modifier

  1. Napoléon III, Histoire de Jules César, t. 1, Paris, Imprimerie impériale, (lire en ligne), table des matières.
  2. a et b Michel Reddé, « Les fouilles du Second Empire autour d'Alésia à la lumière des recherches récentes », Bulletin de la Société historique de Compiègne, no 37,‎ , p. 93-115 (ISSN 0244-6111).
  3. Les années 696 à 705 correspondent aux années depuis la Fondation de Rome vers , soit de 57 à
  4. Napoléon III, Histoire de Jules César, t. 2, Paris, Imprimerie impériale, (lire en ligne), table des matières.
  5. a et b Françoise Maison, « L'Histoire de Jules César par Napoléon III », dans collectif, Napoléon III et l'archéologie. Fouilles en forêt de Compiègne sous le Second Empire, Compiègne, (ISBN 2-9511579-1-6), p. 22.
  6. Eugène Stoffel, Histoire de Jules César, vol. 3, t. 1, Paris, Imprimerie nationale, , table des matières.
  7. Eugène Stoffel, Histoire de Jules César, vol. 3, t. 2, Paris, Imprimerie nationale, , table des matières.
  8. Napoléon III, Histoire de Jules César, t. 1, Paris, Imprimerie impériale, (lire en ligne), préface.
  9. Marie-Laure Berdeaux-Le Brazidec, « Aperçu des missions archéologiques sous le Second Empire », Bulletin de la Société historique de Compiègne, no 37,‎ , p. 153-174 (ISSN 0244-6111).
  10. Françoise Maison, « L'Histoire de Jules César par Napoléon III », dans collectif, Napoléon III et l'archéologie. Fouilles en forêt de Compiègne sous le Second Empire, Compiègne, (ISBN 2-9511579-1-6), p. 22-27.
  11. Salomon Reinach, « La Commission de topographie et le Dictionnaire archéologique de la Gaule », Revue Archéologique, 5, tome 2,‎ (lire en ligne).
  12. Laurent Olivier et Michel Reddé, « L'album des fouilles d'Alise redécouvert dans les archives de la Commission de topographie des Gaules », Antiquités nationales,‎ , p. 69-79 (ISSN 0997-0576).
  13. Lettre du cabinet de l'empereur, datée du 9 février 1866, adressée à M. Le Verrier, sénateur, fonds Le Verrier, Institut, ms 3717.
  14. Hélène Chew, « Napoléon III et l'archéologie expérimentale », Bulletin de la Société historique de Compiègne,‎ , p. 211-238 (ISSN 0244-6111).
  15. Lettre de l'empereur à Maury du 24 septembre 1861, Institut, ms 2654-2655.
  16. Lettre de l'empereur à Maury du 26 mai 1864, Institut, ms 2654-2655.
  17. Philippe de Chennevières, Souvenirs d'un directeur des Beaux-Arts, Paris, Arthena, , p. 68.
  18. Napoléon III, Histoire de Jules César, Paris, Imprimerie impériale, (lire en ligne), page de titre.
  19. Françoise Maison, « L'Histoire de Jules César par Napoléon III », dans collectif, Napoléon III et l'archéologie, Fouilles en forêt de Compiègne sous le Second Empire, Compiègne, (ISBN 2-9511579-1-6), p. 27.
  20. Eugène Stoffel, Histoire de Jules César, vol. 3, t. 1, Paris, Imprimerie nationale, , préface.
  21. (en) Napoléon III, History of Julius Caesar (lire en ligne).
  22. (en) E. Richardson, Graeco-Roman antiquity and the idea of nationalism in the 19th century : case studies., Berlin, De Gruyter, , « The Emperor’s Caesar : Napoleon III, Karl Marx and the History of Julius Caesar », p. 113-130.
  23. (en) W. Bagehot, The Works Of Walter Bagehot With Memoirs, vol. 2, , p. 440