Grève de l'industrie de la chaussure de Québec

grève de 1926 à Québec

La grève de l'industrie de la chaussure de Québec est un conflit de travail opposant l’Association des manufacturiers de chaussures de Québec (AMCQ) à trois syndicats de métier affiliés à la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (CTCC) en 1926.

Grève de l'industrie de la chaussure de Québec
Description de cette image, également commentée ci-après
Sceau de l’un des trois syndicats de cordonniers de Québec.
Informations
Date Du 3 mai au 1er septembre 1926
Localisation Québec
Caractéristiques
Organisateurs Trois syndicats de cordonniers de la CTCC
Revendications Refus d'une baisse de salaire, défense de « l'atelier syndical »
Nombre de participants Environ 3 000 syndiqués dans quatorze manufactures
Types de manifestations Grève

Il s’agit de la plus importante grève de la décennie (88 677 jours ouvrables perdus[1]) et de la première grande grève de la CTCC. La grève de l'industrie de la chaussure de Québec, qui a duré quatre mois, fut précédée d’une grève de deux semaines en 1925[2].

Contexte

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L’industrie de la chaussure est très importante à Québec au début du siècle. Avec ses industries connexes, elle emploie environ la moitié de la main d’œuvre de la ville[3].

Les syndicats de métiers, au nombre de trois, regroupent environ 3 000 cordonniers. Organisés depuis la fin du XIXe siècle, ils obtiennent une échelle de salaire ainsi que « l’atelier syndical », c'est-à-dire la syndicalisation obligatoire de tout travailleur[4]. Ils sont le fer de lance du mouvement syndical dans la ville et l’un des piliers de la CTCC[5],[6].

La partie patronale est organisée dans l’Association des manufacturiers de chaussures de Québec (AMCQ). Elle tente d’abolir à deux reprises, sans succès, « l’atelier syndical ». Cela donne lieu à des conflits de travail importants en 1900 et 1913. Depuis le début des années 1920, elle argue d’une perte de compétitivité pour réclamer une baisse générale des salaires de 33 %[3],[7].

Déroulement

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Le , la partie patronale lance un ultimatum aux ouvriers. À compter du 16 novembre un nouveau règlement de régie interne entrera en vigueur, il prévoit une réduction des salaires du tiers[1],[2] et l’élimination à toute fin pratique des syndicats de la gestion du travail. Les syndicats ripostent en proposant un compromis, des baisses de salaires moins importantes, mais les patrons refusent[3].

Le , à l’échéance de l’ultimatum, les syndiqués ne se présentent pas au travail. C’est le début, « spontané », d’une grève générale[3]. Quatorze manufactures sont immobilisées[8].

Maxime Fortin, l’aumônier général de la CTCC, propose à monseigneur Langlois, l’évêque auxiliaire de Québec, d'écrire aux parties le 20 novembre pour leur proposer un arbitrage[3].

Le les parties acceptent l’arbitrage et le travail reprend dans les manufactures[3].

Durant l’hiver 1925-1926, les syndicats tentent d’obtenir des conventions collectives dans certaines manufactures. La manufacture Marsh décide de ne plus reconnaitre les syndicats, décrète « l’atelier ouvert » en engage des briseurs de grève. Des affrontements violents surviennent avec les grévistes[3].

La sentence arbitrale est rendue le , elle accueille favorablement toutes les demandes patronales[8]. L’arbitre syndical est dissident[1]. Maxime Fortin menace de quitter le syndicalisme catholique si les syndiqués ne respectent pas leur parole[3].

Le , sans mot d’ordre syndical explicite, la grève reprend progressivement dans les manufactures à l’initiative de groupes de syndiqués[2]. Pierre Beaulé, président de la CTCC et organisateur du Conseil central national des métiers du district de Québec, lui-même cordonnier, ne fait pas d’appel au retour au travail mais reconnait plutôt que la sentence arbitrale est inapplicable[3].

Le , les patrons décrètent « l’atelier ouvert » dans toutes les manufactures[2],[8] et embauchent des briseurs de grève au taux de la sentence arbitrale. Les nouveaux employés doivent signer un contrat individuel dans lequel ils s’engagent à ne pas faire partie d’un syndicat[3].

Les affrontements entre grévistes et briseurs de grève sont nombreux durant le printemps 1926[2],[9]. Selon les syndicats, la police s’acharne contre les grévistes, les arrestations et les condamnations sont de plus en plus nombreuses[3].

Le , les syndicats mettent officiellement fin à la grève[10],[9].

En , les manufacturiers signent un pacte dans lequel ils s’engagent à garder réciproquement « l’atelier ouvert » chez eux. C’est une victoire patronale sans équivoque[3].

 
Selon Pierre Beaulé, président de la CTCC, le patronat était en « guerre ouverte » contre les syndicats catholiques.

La grève de la chaussure fut perdue. Toutefois, selon le rapport annuel 1927 de l’association patronale, près de 1 500 syndiqués refuseront définitivement de revenir au travail et n’accepteront jamais les termes de la sentence arbitrale[3].

Il faudra 10 ans aux syndicats de la chaussure pour reprendre pied dans les manufactures de Québec et 25 ans pour retrouver les conditions de travail et le salaire de 1925[11].

La grève de la chaussure fut très dure pour la CTCC et les syndicats catholiques de Québec. Selon Pierre Beaulé, le patronat était en « guerre ouverte » contre les syndicats catholiques[12]. Cette grève fut un moment important de la lente de prise de conscience des syndicalistes catholiques et contribua à leur faire perdre leurs illusions sur la bonne volonté et la conscience sociale du patronat[10],[9].

Notes et références

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  1. a b et c Rouillard 1979, p. 244.
  2. a b c d et e Rouillard 2004, p. 84.
  3. a b c d e f g h i j k l et m Charland 1986.
  4. Rouillard 2004, p. 83.
  5. Rouillard 1979, p. 20-26.
  6. Rouillard 1981, p. 26.
  7. Rouillard 2004, p. 83-84.
  8. a b et c Rouillard 1981, p. 99.
  9. a b et c Rouillard 1981, p. 100.
  10. a et b Rouillard 2004, p. 85.
  11. un militant, « L'industrie de la chaussure à Québec », Vie Ouvrière,‎ , p. 34 (ISSN 0384-1146, lire en ligne)
  12. Rouillard 1979, p. 246.

Voir aussi

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Bibliographie

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Articles connexes

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