Briseur de grève au Québec

Un briseur de grève au Québec est une personne qui effectue le travail d'un employé en grève ou en lock-out. Leur utilisation est grandement restreinte par le Code du travail du Québec.

Adopté en 1977, les dispositions anti-briseurs de grève du Code du travail empêchent un employeur en grève ou en lock-out de faire appel à des briseurs de grève. De façon générale, seuls les cadres de l'établissement en grève peuvent effectuer le travail autrement fait par les employés en grève. Toutefois, l'employeur est autorisé à faire effectuer le travail hors de l'établissement.

Un briseur de grève est aussi appelé « travailleur de remplacement » ou par l'anglicisme « scab ».

Historique modifier

Contexte modifier

Le début des années 1970 au Québec a été marquée par l’essor de mouvements syndicaux importants. Les négociations dans le secteur public occasionnent des grèves majeures, notamment celle organisée par le Front commun[1]. Le secteur privé est lui aussi aux prises avec des grèves importantes. La plus emblématique d'entre elles est sans aucun doute celle de la United Aircraft de Longueuil. Répliquant à un sit-in, la compagnie met, le , ses employés en lock-out. La grève durera 22 mois où s'accumuleront les actes de violence. La United Aircraft utilise durant le lock-out des briseurs de grève afin de permettre à l'usine de poursuivre sa production.

Plusieurs auteurs s'accordent pour dire que la violence issue de ces conflits de travail est à l'origine de l'adoption des dispositions anti-briseurs de grève[2],[réf. nécessaire]

De plus, moins d'une semaine avant l'adoption du projet de loi, des agents de sécurité de la compagnie Robin Hood blessent huit grévistes en ouvrant le feu.

Adoption des dispositions modifier

Adopté en 1964, le Code du travail du Québec ne prévoyait initialement rien sur les briseurs de grève. En 1973, alors que le gouvernement libéral de Robert Bourassa est au pouvoir, le ministre du Travail de l'époque Jean Cournoyer propose de limiter l'usage des briseurs de grève. Toutefois, le projet n'aboutit pas. Le Parti québécois prend alors l'engagement, lors de l'élection de 1976 de modifier le Code du travail pour interdire les briseurs de grève. C'est donc en 1977 que le ministre Pierre-Marc Johnson propose la modification.

Modifications subséquentes modifier

Les dispositions anti-briseurs ne seront modifiées d'une manière importante qu'en 1983.

Interdiction modifier

Tout d'abord, il faut noter qu'aucune des restrictions sur les briseurs de grève ne s'applique en cas de grève illégale. Si par exemple la grève a été déclarée en dehors de la fenêtre d'opportunité de l'art. 58 C.t.[3] ou que l'association n'est pas encore accréditée (art. 106 C.t. [4]), l'employeur a le droit d'utiliser des briseurs de grèves dans tous les cas visés par l'art. 109.1 C.t..

Notion d'établissement modifier

Dans l'établissement modifier

Hors de l'établissement modifier

La législation québécoise est plus stricte. Le Code du travail édicte un grand nombre de situations où des personnes ne peuvent remplacer un travail en grève ou en lock-out[5]. De manière générale, le Code prévoit deux situations. D'abord, au sein de l'établissement en grève, il n'est possible pour l'employeur que d'utiliser les cadres pour effectuer le travail des employés en grève et seulement si ceux ont été engagés avant le début des négociations de la convention collective. Toutefois, à l'extérieur de l'établissement, l'employeur peut y faire transférer le travail des employés. Ainsi, un employeur peut utiliser des employés d'autres établissements non en grève ou sous-traiter auprès d'une autre entreprise.

Propositions de réforme modifier

Au mois de novembre 2011, la Commission de l'économie et du travail publiait le rapport La modernisation des dispositions anti-briseurs de grève prévues au Code du travail[6].

Ce rapport comprend plusieurs recommandations, dont l'une concerne la notion d'établissement :

« Sur la base des témoignages reçus lors des auditions, la Commission évalue que le rapport de force entre les parties négociantes peut actuellement être nettement déséquilibré dans certains milieux de travail, notamment dans le secteur de l’information. Les parlementaires considèrent que les dispositions antibriseurs de grève doivent pouvoir s’adapter à l’évolution économique et technologique de la société afin d’assurer le maintien du rapport de force équilibré entre les parties, ce qui constitue un objectif primordial pour le législateur. Si cette évolution ne se fait pas par la jurisprudence, la Commission est d’avis qu’elle devra se faire par des modifications législatives. »

— Commission de l'économie et du travail, La modernisation des dispositions anti-briseurs de grève prévues au Code du travail[7]

Notes et références modifier

  1. Hébert 1981, p. 717-18, 722.
  2. Paquette 1995, p. 7-10.
  3. Code du travail, RLRQ c C-27, art 58, <https://canlii.ca/t/1b4l#art58>, consulté le 2021-07-24
  4. Code du travail, RLRQ c C-27, art 106, <https://canlii.ca/t/1b4l#art106>, consulté le 2021-07-24
  5. Code du travail, art. 109.1.
  6. Commission de l'économie et du travail 2011.
  7. Commission de l'économie et du travail 2011, p. 15.

Bibliographie modifier

  : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Commission de l'économie et du travail, La modernisation des dispositions anti-briseurs de grève prévues au Code du travail : Mandat d'initiative, Assemblée nationale du Québec, (lire en ligne).  
  • Michel Coutu, Laurence Léa Fontaine et Georges Marceau, Droit des rapports collectifs du travail au Québec, Cowansville (Québec), Yvon Blais, , 1045 p. (OCLC 429726353).
  • Gérard Hébert, « Les relations du travail au Québec  : bilan des années 1970 », Relations industrielles, vol. 36, no 4,‎ , p. 715-74 (lire en ligne, consulté le ).
  • Fernard Morin, Jean-Yves Brière et Dominic Roux, Le droit de l'emploi au Québec, Montréal, Wilson & Lafleur, , 3e éd., 1780 p. (OCLC 70266758).
  • Jean Paquette, Les dispositions anti-briseurs de grève au Québec, Cowansville (Québec), Les éditions Yvon Blais, coll. « Relations industrielles » (no 26), , 128 p. (OCLC 32547465).

Voir aussi modifier

Articles connexes modifier

Liens externes modifier