Sionisme et séfarades

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Les Juifs séfarades de Palestine, arabophones pour la plupart, ont été amenés, plus que les séfarades des autres régions, à définir leur conception du sionisme par rapport à celle des Européens, qu'ils ont vu arriver par centaines de milliers : à la différence du sionisme sécularisé des ashkénazes, le leur est fondé sur la croyance dans la rédemption religieuse, et se situe en continuité avec la tradition juive, non en rupture avec elle. De plus, ce sionisme adopte une attitude positive et pacifique à l'égard de la société et de la culture arabe. Abigail Jacobson et Moshe Naor l'appellent « un sionisme inclusif »[1].

S'ils ont parfois collaboré au programme d'achat de terres initié par les sionistes européens (comme c'est le cas pour Albert Antébi), ils ont aussi reproché à leurs coreligionnaires d'avoir provoqué une dégradation dramatique de leurs relations avec leurs voisins non-juifs. Ils ont plaidé en faveur d'une intégration du sionisme en Orient, de l'établissement de liens entre les mouvements nationalistes juif et arabe, et entre les cultures hébraïque et arabe non seulement pendant la période ottomane, mais encore sous le mandat britannique [2] (alors qu'après la déclaration Balfour, les relations s'étaient fortement détériorées avec les Arabes palestiniens). Cette intégration dans la culture levantine a été rejetée par le sionistes européens, qui redoutaient que les juifs orientaux ne s'assimilent aux Arabes[3]. La presse juive en langue arabe des pays du Moyen-Orient a souvent déploré l'incapacité du mouvement sioniste à percevoir l'intérêt de recourir aux Juifs orientaux comme médiateurs entre le sionisme ashkénaze et les Arabes palestiniens, en vue d'une meilleure entente entre les deux peuples[4]. Les Juifs séfarades ont reproché aux sionistes européens de les exclure des institutions sionistes, ce qui les a privés de tout pouvoir de décision[5]

Le mouvement sioniste a par ailleurs encouragé puis organisé l'émigration en Palestine de 15 000 Juifs yéménites entre 1910 et 1948. Ces Yéménites, pour lesquels ont été aménagés des quartiers séparés, ont été exclus des kibboutz, et employés dans les plantations privées pour des salaires inférieurs à ceux des ashkénazes. L'historien Gershon Shaffir a souligné le fait qu'ils ont été effacés de la mémoire sioniste en tant que pionniers, bien qu'ils aient subi des conditions de travail très dures[6] ; voir à ce sujet Émigration des Juifs yéménites en Palestine.

La création de l'Etat d'Israël et les multiples épisodes du conflit israélo-arabe ont conduit à l'exil la très grande majorité des Juifs orientaux et séfarade, dont les communautés avaient une histoire de plus de deux mille ans. De nombreux spécialistes considèrent que ceux qui ont émigré en Israël y ont été confrontés à des préjugés ethniques et parfois à diverses formes de discrimination de la part des Juifs européens ; voir à ce sujet Juifs Mizrahim en Israël.

  1. "The Sephardi-Oriental Zionism had developed based on a belief in religious redemption and signaled a continuation of, not a rupture with, Jewish tradition Il was a form of Zionism that adopted positive and peaceful attitude toward Arab society and culture : it could be termed inclusive Zionism", Abigail Jacobson, Moshe Naor, Oriental Neighbors: Middle Eastern Jews and Arabs in Mandatory Palestine, Brandeis (The Schusterman Series in Israel Studies), 2016, p.25, lire en ligne : [1]
  2. "Sephardim advocated bonds between Zionism and the Orient, between Jewish and Arab national movements, and between Hebrew and Arab cultures", Abigail Jacobson, Moshe Naor, Oriental Neighbors: Middle Eastern Jews and Arabs in Mandatory Palestine, Brandeis (The Schusterman Series in Israel Studies), 2016, p.26, lire en ligne : [2]
  3. «the Jewish-Arab affinity might lead to the assimilation of the Oriental Jews among Arabs», Abigail Jacobson, Moshe Naor, Oriental Neighbors: Middle Eastern Jews and Arabs in Mandatory Palestine, Brandeis (The Schusterman Series in Israel Studies), 2016, p.26, lire en ligne : [3]
  4. "the failure of the Zionist movement to take advantage of their potential to serve as a bridge between Jews and Arabs and to promote understanding between the two peoples", Abigail Jacobson, Moshe Naor, Oriental Neighbors: Middle Eastern Jews and Arabs in Mandatory Palestine, Brandeis (The Schusterman Series in Israel Studies), 2016, p.27, lire en ligne : [4]
  5. Abigail Jacobson, Moshe Naor, Oriental Neighbors: Middle Eastern Jews and Arabs in Mandatory Palestine, Brandeis (The Schusterman Series in Israel Studies), 2016,p.27, lire en ligne : [5]
  6. Gershon Shafir,Yoav Peled, Being Israeli: The Dynamics of Multiple Citizenship , Cambridge Middle East Studies, 2002, p.75, lire en ligne : [6]