Discussion:Grammaire picarde

Dernier commentaire : il y a 5 ans par Stardsen dans le sujet Transfert discussion du 22 décembre 2018 à 20:05‎ par Arago59
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  Attention, ce qui est écrit dans le paragraphe suivant semble erroné. Il suffit de lire quelques auteurs picardisants connus pour voir que cette « règle de grammaire » n'est en fait qu'une « convention d'écriture » qui est parfois suivie par certains auteurs et on ne peut pas dire que « les verbes ne prennent jamais d'-s à la première personne du singulier » comme il est écrit. Quelques exemples:
J'prinds là-dsus mes vingt sous
Alexandre Desrousseaux, Le budget d'un ménage dins Chansons et Pasquilles lilloises (1851-1870)
Et j'ene sais poin si j'dos li dire awi.
Alexandre Desrousseaux, César Fiqueus, Parle-moi chti, Alain Dawson, p 161, Assimil
J'ém raminteus d'chés 28 ans d'muraille
Jacques Dulphy, Ch'dur et pi ch'mo tome I , Ch'Lanchron 2017, p 115
J'sus d'avis pour battré tambour
François Saint-Germain, Ebroussures, choix de textes picards, Picardisants du Ponthieu et du Vimeu, imp Colombel, p 84, (2007)



Contrairement à ce qu'il s'est passé en moyen français (à partir du XIVe siècle environ), les verbes ne prennent jamais d'-s à la première personne du singulier car la liaison en -s n'existe pas en picard (la fausse liaison en -s aux verbes de la première personne du singulier, calquée sur la liaison en -s légitime à la seconde personne du singulier ainsi qu'à la première du pluriel dont les terminaison sont bien en -s, a été la cause de l'ajout fréquent d'un -s à la fin des verbes conjugués en moyen français). Il faudra donc veiller à ne pas mettre d'-s à la première personne du singulier aux verbes picards par confusion avec la grammaire française, puisque le picard continue ici naturellement ce qui était en ancien français la norme (excepté pour quelques verbes irréguliers comme pooir, "pouvoir" ou les verbes du deuxième groupe, qui en picard n'en prennent pas par analogie avec les autres verbes).

Verbes conjugués à la première personne
Latin Ancien français Picard Français
(ego) sum jo sui ej su je suis
(ego) scribo j'escri j'écri j'écris
(ego) dico jo di ej di je dis
(ego) prehendo jo prent, prend ej prind je prends
(ego) debeo jo dei(f), doi(f) ej doé je dois
(ego) dicebam jo diseie, disoie ej disoé je disais
(ego) *facerebam (facere habebam) jo faireie, fairoie ej foairoé je ferais
(ego) credo jo crei, croi ej croé je crois
(ego) * voleo (velle) jo vueil ej veu, ej vu je veux
(ego) venio jo vieng, vien ej vien je viens

Il existe cependant, en picard, une liaison facultative à la première personne du singulier, mais celle-ci se fait en -t et est calquée sur ce qui se passe à la troisième personne du singulier (dont la terminaison est -t). Ainsi, on peut ajouter un -t à la fin d'un verbe à la première personne du singulier quand le mot suivant commence par une voyelle. Ainsi, je suis un homme se dira ej su un onme ou ej su-t un onme, et je crois en Dieu sera ej croé in Diu ou ej croé-t in Diu si on fait la liaison.

Ces -s que l'on trouve chez certains auteurs picards sont des gallicismes, des influences dues au français moderne écrit (puisque ces -s sont le plus souvent muets). Attention à ne pas perdre de vue que nous parlons, pour ce qui est de ce -s à la première personne du singulier, d'une évolution francilienne/normande, minoritaire à la base, et qui ne concerne pas la Picardie, dont on ne trouve les premières traces qu'au XVe siècle (chez Christine de Pizan en 1429 : ore a prime me prens a rire). Il faut garder à l'esprit qu'il n'est absolument pas naturel dans les langues d'oïl d'avoir un -s à la première personne du singulier, contrairement à ce que le français moderne affiche. Cet -s n'a jamais été présent ni en latin ni en ancien français (du moins jusqu'au XVe siècle) et il n'est finalement devenu norme qu'à la fin du XVIIIe siècle, après la Révolution véritablement, les auteurs antérieurs rechignant encore à l'écrire parce qu'il était encore perçu comme une liaison erronée. Il se trouve qu'en picard, la liaison est facultative et, quand elle est faite, se fait plutôt de manière inégale, le plus souvent en -t. Puisqu'il serait injuste d'ajouter un -t à la première personne du singulier, vu que cette liaison en -t n'est pas étymologique et est facultative, il est plus sûr de suivre Alain Dawson sur cette question et de ne pas imposer au picard (certes cousin proche du français moderne, mais non pour autant à noyer sous les gallicismes) la terminaison francisante en -s à cette personne, laquelle, par son histoire, est certes aujourd'hui acceptée mais demeure un ajout non-étymologique et cantonnée au seul développement de l'oïl francilien/normand (le wallon n'a, pas plus que le picard, développé cette liaison en -s, si elle est plutôt en -t dans les territoires picardophones, la liaison a tendance a se faire en -st dans les territoires walon-cåzants). D'autres gallicismes grossiers sont à prendre en compte pour améliorer la représentation graphique naturelle de la langue picarde, comme par exemple les terminaisons de l'imparfait écrite -oai- au lieu de -oé- ou -oè- (la graphie oai étant réservée à l'évolution de ai en ancien français - issu de -a- latin -, et l'évolution de oi en ancien français, issu de ɛ et latins, alors que les terminaisons de l'imparfait se faisaient en -oi- en ancien français, issu de -eb- en latin).

Cordialement, --Stardsen (discuter) 11 mars 2019 à 11:58 (CET)Répondre

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