En mathématiques, et plus particulièrement en analyse fonctionnelle, le déterminant de Fredholm est une généralisation de la notion de déterminant à certains opérateurs à noyaux (continus) dans des espaces de Banach . Aux notations et langage près, l'idée a été introduite par Fredholm dans son étude de certaines équations intégrales[ 1] . Elle a ensuite était généralisée à d'autres opérateurs, notamment aux opérateurs nucléaires (en)
[ 2] .
Soit
I
=
[
a
;
b
]
{\displaystyle I=[a;b]}
un segment de
R
{\displaystyle \mathbb {R} }
. Dans la suite,
B
{\displaystyle {\mathcal {B}}}
désigne l'espace
C
(
I
)
{\displaystyle C(I)}
des fonctions continues sur
I
{\displaystyle I}
ou l'espace
L
p
(
I
)
{\displaystyle L^{p}(I)}
des fonctions p-intégrables sur
I
{\displaystyle I}
.
Soit
k
:
[
a
;
b
]
×
[
a
;
b
]
→
C
{\displaystyle k:[a;b]\times [a;b]\to \mathbb {C} }
une fonction continue. On considère
K
:
B
→
B
{\displaystyle K:{\mathcal {B}}\to {\mathcal {B}}}
l'opérateur de noyau
k
{\displaystyle k}
:
∀
x
∈
B
,
∀
t
∈
[
a
;
b
]
,
K
x
(
t
)
=
∫
a
b
k
(
t
,
s
)
x
(
s
)
d
s
{\displaystyle \forall x\in {\mathcal {B}},\,\forall t\in [a;b],\,Kx(t)=\int _{a}^{b}k(t,s)x(s)\,ds}
On se place sur
[
0
;
1
]
{\displaystyle [0;1]}
et s'intéresse à l'équation fonctionnelle suivante, d'inconnue
ϕ
{\displaystyle \phi }
ϕ
(
x
)
+
∫
0
1
K
(
x
,
t
)
ϕ
(
t
)
d
t
=
f
(
x
)
(
∗
)
.
{\displaystyle \phi (x)+\int _{0}^{1}K(x,t)\phi (t)\,dt=f(x)\quad (*).}
On peut essayer de discrétiser cette équation :
en l'évaluant sur une famille de points
(
x
l
)
0
≤
l
≤
n
−
1
{\displaystyle (x_{l})_{0\leq l\leq n-1}}
équirépartis dans l'intervalle
[
0
;
1
]
{\displaystyle [0;1]}
:
x
k
=
k
n
,
1
≤
l
≤
n
−
1
{\displaystyle x_{k}={\frac {k}{n}},~1\leq l\leq n-1}
.
en approchant l'intégrale par une somme de Riemann :
∫
0
1
k
(
x
i
,
t
)
ϕ
(
t
)
d
t
≈
∑
j
=
0
n
−
1
1
n
k
(
x
i
,
x
j
)
ϕ
(
x
j
)
{\displaystyle \int _{0}^{1}k(x_{i},t)\phi (t)\,dt\approx \sum _{j=0}^{n-1}{\frac {1}{n}}k(x_{i},x_{j})\phi (x_{j})}
.
On obtient alors, pour chaque
n
∈
N
{\displaystyle n\in \mathbb {N} }
, un système linéaire
(
E
n
)
{\displaystyle (E_{n})}
d'équations
(
E
n
)
:
{
ϕ
(
x
1
)
+
1
n
∑
j
=
0
n
−
1
k
(
x
1
,
x
j
)
ϕ
(
x
j
)
=
f
(
x
1
)
…
ϕ
(
x
i
)
+
1
n
∑
j
=
0
n
−
1
k
(
x
i
,
x
j
)
ϕ
(
x
j
)
=
f
(
x
i
)
…
ϕ
(
x
n
)
+
1
n
∑
j
=
0
n
−
1
k
(
x
n
,
x
j
)
ϕ
(
x
j
)
=
f
(
x
n
)
{\displaystyle (E_{n}):\left\{{\begin{array}{c@{=}c}\phi (x_{1})+{\frac {1}{n}}\sum _{j=0}^{n-1}k(x_{1},x_{j})\phi (x_{j})=f(x_{1})\\\ldots &\\\phi (x_{i})+{\frac {1}{n}}\sum _{j=0}^{n-1}k(x_{i},x_{j})\phi (x_{j})=f(x_{i})\\\ldots &\\\phi (x_{n})+{\frac {1}{n}}\sum _{j=0}^{n-1}k(x_{n},x_{j})\phi (x_{j})=f(x_{n})\\\end{array}}\right.}
où les inconnues sont les
(
ϕ
(
x
l
)
)
0
≤
l
≤
n
−
1
{\displaystyle (\phi (x_{l}))_{0\leq l\leq n-1}}
. Heuristiquement on peut espérer comprendre
(
∗
)
{\displaystyle (*)}
en analysant le comportement de
(
E
n
)
{\displaystyle (E_{n})}
dans la limite
n
→
+
∞
{\displaystyle n\to +\infty }
.
Or on montre[ 3] que le déterminant
d
n
{\displaystyle d_{n}}
du système linéaire homogène associé à
(
E
n
)
{\displaystyle (E_{n})}
vaut :
d
n
=
|
1
+
1
n
k
(
x
1
,
x
1
)
1
n
k
(
x
1
,
x
2
)
…
1
n
k
(
x
1
,
x
n
)
1
n
k
(
x
2
,
x
1
)
1
+
1
n
k
(
x
2
,
x
2
)
…
1
n
k
(
x
i
,
x
n
)
…
…
…
…
1
n
k
(
x
n
,
x
1
)
…
…
1
+
1
n
k
(
x
n
,
x
n
)
|
=
1
+
1
n
S
1
+
1
n
2
S
2
+
…
+
1
n
n
S
n
{\displaystyle {\begin{aligned}d_{n}&={\begin{vmatrix}1+{\frac {1}{n}}k(x_{1},x_{1})&{\frac {1}{n}}k(x_{1},x_{2})&\ldots &{\frac {1}{n}}k(x_{1},x_{n})\\{\frac {1}{n}}k(x_{2},x_{1})&1+{\frac {1}{n}}k(x_{2},x_{2})&\ldots &{\frac {1}{n}}k(x_{i},x_{n})\\\ldots &\ldots &\ldots &\ldots \\{\frac {1}{n}}k(x_{n},x_{1})&\ldots &\ldots &1+{\frac {1}{n}}k(x_{n},x_{n})\\\end{vmatrix}}\\&=1+{\frac {1}{n}}S_{1}+{\frac {1}{n^{2}}}S_{2}+\ldots +{\frac {1}{n^{n}}}S_{n}\end{aligned}}}
où
S
m
{\displaystyle S_{m}}
est la somme des mineurs principaux d'ordre
m
{\displaystyle m}
de
d
n
{\displaystyle d_{n}}
. Comme de plus
1
n
m
S
m
→
n
→
+
∞
1
m
!
∫
[
0
;
1
]
m
|
k
(
x
1
,
x
1
)
…
k
(
x
1
,
x
m
)
⋮
⋱
⋮
k
(
x
m
,
x
1
)
…
k
(
x
m
,
x
m
)
|
d
x
1
…
d
x
m
{\displaystyle {\frac {1}{n^{m}}}S_{m}~{\xrightarrow[{n\to +\infty }]{}}~{\frac {1}{m!}}\int _{[0;1]^{m}}^{}{\begin{vmatrix}k(x_{1},x_{1})&\ldots &k(x_{1},x_{m})\\\vdots &\ddots &\vdots \\k(x_{m},x_{1})&\ldots &k(x_{m},x_{m})\\\end{vmatrix}}\,\mathrm {d} x_{1}\ldots \mathrm {d} x_{m}}
on est donc amené à considérer la série "limite des
d
n
{\displaystyle d_{n}}
" :
D
:=
1
+
∑
k
=
1
+
∞
1
k
!
∫
[
0
;
1
]
k
|
k
(
x
1
,
x
1
)
…
k
(
x
1
,
x
m
)
⋮
⋱
⋮
k
(
x
m
,
x
1
)
…
k
(
x
m
,
x
m
)
|
d
x
1
…
d
x
m
{\displaystyle D:=1+\sum _{k=1}^{+\infty }{\frac {1}{k!}}\int _{[0;1]^{k}}{\begin{vmatrix}k(x_{1},x_{1})&\ldots &k(x_{1},x_{m})\\\vdots &\ddots &\vdots \\k(x_{m},x_{1})&\ldots &k(x_{m},x_{m})\\\end{vmatrix}}\,\mathrm {d} x_{1}\ldots \mathrm {d} x_{m}}
C'est la définition de Fredholm du déterminant de l'opérateur
I
+
K
{\displaystyle I+K}
. Bien que Fredholm, dans son article de 1903, ne précise pas vraiment comment il en est venu à cette définition, on peut supposer que c'est essentiellement cette heuristique qui l'y a conduit[ 4] .
La série entière
∑
n
=
1
+
∞
z
n
n
!
∫
I
n
det
(
k
(
x
1
,
x
1
)
…
k
(
x
1
,
x
n
)
⋮
⋱
⋮
k
(
x
n
,
x
1
)
…
k
(
x
n
,
x
n
)
)
d
x
1
.
.
.
d
x
n
{\displaystyle \sum _{n=1}^{+\infty }{\frac {z^{n}}{n!}}\,\int _{I^{n}}\det {\begin{pmatrix}k(x_{1},x_{1})&\ldots &k(x_{1},x_{n})\\\vdots &\ddots &\vdots \\k(x_{n},x_{1})&\ldots &k(x_{n},x_{n})\end{pmatrix}}dx_{1}...dx_{n}}
a un rayon de convergence infini. Cela peut se démontrer en utilisant l'inégalité d'Hadamard (en) pour majorer le déterminant.
Pour tout
z
∈
C
{\displaystyle z\in \mathbb {C} }
, on appelle déterminant de Fredholm de l'opérateur
I
+
z
K
{\displaystyle I+zK}
la quantité
det
(
I
+
z
K
)
:=
1
+
∑
n
=
1
+
∞
z
n
n
!
∫
I
n
det
(
k
(
x
1
,
x
1
)
…
k
(
x
1
,
x
n
)
⋮
⋱
⋮
k
(
x
n
,
x
1
)
…
k
(
x
n
,
x
n
)
)
d
x
1
.
.
.
d
x
n
{\displaystyle \det(I+zK):=1+\sum _{n=1}^{+\infty }{\frac {z^{n}}{n!}}\,\int _{I^{n}}\det {\begin{pmatrix}k(x_{1},x_{1})&\ldots &k(x_{1},x_{n})\\\vdots &\ddots &\vdots \\k(x_{n},x_{1})&\ldots &k(x_{n},x_{n})\end{pmatrix}}dx_{1}...dx_{n}}
La fonction
z
↦
det
(
I
+
z
K
)
{\displaystyle z\mapsto \det(I+zK)}
est alors analytique sur
C
{\displaystyle \mathbb {C} }
. En particulier, ses zéros sont isolés et de multiplicités finies.
Cas des opérateurs de rang fini
modifier
Dans cette section, on suppose que
K
{\displaystyle K}
est de rang fini.
Soient
λ
1
(
K
)
,
…
,
λ
n
(
K
)
{\displaystyle \lambda _{1}(K),\ldots ,\lambda _{n}(K)}
les valeurs propres de
K
{\displaystyle K}
comptées avec multiplicités. On a alors la formule du produit[ 5] :
det
(
1
+
K
)
=
∏
i
=
1
n
(
1
+
λ
i
(
K
)
)
.
{\displaystyle \det(1+K)=\prod _{i=1}^{n}(1+\lambda _{i}(K)).}
Comme
K
{\displaystyle K}
et ses puissances sont de rang fini, ce sont des opérateurs à trace .
Soit
z
∈
C
{\displaystyle z\in \mathbb {C} }
. Pour
|
z
|
{\displaystyle |z|}
assez petit, on a[ 5] :
det
(
1
+
z
K
)
=
exp
(
∑
n
=
1
+
∞
(
−
1
)
n
+
1
n
t
r
(
K
n
)
z
n
)
{\displaystyle \det(1+zK)=\exp \left(\sum _{n=1}^{+\infty }{\frac {(-1)^{n+1}}{n}}tr(K^{n})z^{n}\right)}
Remarques :
La situation est donc tout à fait analogue à ce qui se passe en dimension finie;
Pour tout
z
0
∈
C
{\displaystyle z_{0}\in \mathbb {C} }
, l'indice de l'opérateur
I
+
z
0
K
{\displaystyle I+z_{0}K}
est donc nul.
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