Complexe de Creutz-Taube

composé chimique

Cation de Creutz-Taube
Image illustrative de l’article Complexe de Creutz-Taube
Structure du cation de Creutz-Taube
Identification
Synonymes

bis(pentaammineruthénium(II,III))
pyrazine

No CAS 35599-57-6
Propriétés chimiques
Formule C4H34N12Ru2
Masse molaire[1] 452,53 ± 0,05 g/mol
C 10,62 %, H 7,57 %, N 37,14 %, Ru 44,67 %,

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

Le complexe de Creutz-Taube est le cation à valence mixte de formule chimique [(Ru(NH3)5)2(C4H4N2)]5+, parfois appelé N,N-bis(pentaammineruthénium(II,III))pyrazine. Ce complexe a été largement étudié dans le cadre de l'étude des mécanismes du transfert d'électron de sphère interne (en), à savoir comment les électrons passent d'un complexe métallique à un autre. L'ion porte le nom de Carol Creutz, qui a préparé le complexe, et de son directeur de thèse Henry Taube, qui a reçu le prix Nobel de chimie en 1983 pour ses découvertes avec cette espèce sur le transfert d'électrons[2],[3],[4].

Propriétés modifier

Ce complexe est formé de deux unités pentaammineruthénium liées aux atomes d'azote d'un ligand pyrazine pontant, qui complète la sphère de coordination octaédrique de chacun des deux centres métalliques. La caractéristique importante du composé est que les deux atomes de ruthénium ont un état d'oxydation apparent de +2,5. Ceci est inhabituel, car les ions métalliques ont, comme la plupart des ions, des états d'oxydation entiers. Ainsi, les atomes de ruthénium des ammines de ruthénium ont un état d'oxydation généralement égal à +2 ou +3. Le fait que les états d'oxydation soient demi-entiers indique que les deux centres Ru(NH3)5 ont un nombre d'électrons équivalent. Les études cristallographiques et théoriques confirment cette analyse[5],[6]. Caractéristique d'un complexe à valence mixte, cet ion absorbe fortement la lumière dans la partie proche infrarouge du spectre électromagnétique. Dans le cas de l'ion de Creutz-Taube, le maximum d'absorption se situe à 1,570 µm[7]. Cette absorption est décrite comme une bande de transfert de charge inter-valence.

Synthèse modifier

L'ion a été initialement isolé sous forme de sel de tosylate hydraté [Ru(NH3)5]2(C4H4N2)(OSO2SC6H4CH3)5·3H2O. On le prépare en deux étapes via le complexe de pyrazine et de deux centres Ru(III)[5] :

2 [Ru(NH3)5Cl]2+ + C4H4N2[(Ru(NH3)5)2(C4H4N2)]6+ + 2 Cl ;
2 [(Ru(NH3)5)2(C4H4N2)]6+ + Zn ⟶ 2 [(Ru(NH3)5)2(C4H4N2)]5+ + Zn2+.

Les réactions employées par Creuz pour les travaux de Taube s'écrivent quant à elles[2] :

[Ru(NH3)5(C4H4N2)]2+ + [Ru(NH3)5(H2O)]2+[(Ru(NH3)5)2(C4H4N2)]4+ + H2O ;
[(Ru(NH3)5)2(C2H4N2)]4+ + Ag+[(Ru(NH3)5)2(C4H4N2)]5+ + Ag.

L'ion de Creutz-Taube illustre les avantages des complexes de ruthénium pour l'étude des réactions d'oxydoréduction. Les ions Ru(II) et Ru(III) peuvent être interconvertis à des potentiels rédox doux. Ces deux états d'oxydation sont cinétiquement inertes. De nombreux analogues de cet ion ont été synthétisés en utilisant différents ligands pontants.

Notes et références modifier

  1. Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  2. a et b (en) Carol Creutz et Henry Taube, « Direct approach to measuring the Franck-Condon barrier to electron transfer between metal ions », Journal of the American Chemical Society, vol. 91, no 14,‎ , p. 3988-3989 (DOI 10.1021/ja01042a072, lire en ligne).
  3. (en) « The Nobel Prize in Chemistry 1983 », sur nobelprize.org, Prix Nobel de chimie, (consulté le ).
  4. (en) Henry Taube, « Electron Transfer Betzeen Metal Complexes - Retrospective » [PDF], Nobel Lectures, sur nobelprize.org, Prix Nobel de chimie, (consulté le ).
  5. a et b (en) Urs Fuerholz, Stefan Joss, Hans Beat Buergi et Andreas Ludi, « The Creutz-Taube complex revisited: crystallographic study of the electron-transfer series (µ-pyrazine)decaamminediruthenium ([(NH3)5Ru(Pyz)Ru(NH3)5]n+ (n = 4-6)) », Inorganic Chemistry, vol. 24, no 6,‎ , p. 943-948 (DOI 10.1021/ic00200a028, lire en ligne).
  6. (en) Konstantinos D. Demadis, Chris M. Hartshorn et Thomas J. Meyer, « The Localized-to-Delocalized Transition in Mixed-Valence Chemistry », Chemical Reviews, vol. 101, no 9,‎ , p. 2655-2686 (DOI 10.1021/cr990413m, lire en ligne).
  7. (en) J. R. Gispert, Coordination Chemistry, 1re  éd., Wiley-VCH, Weinheim, 2008, p. 424. (ISBN 3-527-31802-X)